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Entretien

Afghanistan: «La malnutrition qui touchera 1 million d’enfants n’est que la pointe de l’iceberg»

Près de trois mois après la chute de Kaboul, l'Afghanistan est entré dans l'hiver, et avec lui, dans une crise alimentaire et sanitaire majeure pour la population afghane, privée de l'aide internationale depuis l'arrivée au pouvoir des talibans. Entretien avec Hervé Ludovic de Lys, représentant de l'Unicef dans le pays.

Selon le Programme alimentaire mondial, la faim risque de menacer en novembre 22,8 millions de personnes. Ici une femme et son petit-enfant à l'hôpital Indira Gandhi de Kaboul, le 8 novembre 2021.
Selon le Programme alimentaire mondial, la faim risque de menacer en novembre 22,8 millions de personnes. Ici une femme et son petit-enfant à l'hôpital Indira Gandhi de Kaboul, le 8 novembre 2021. AP - Bram Janssen
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RFI : Quelle est l’ampleur de la crise qui touche l’Afghanistan 

Hervé Ludovic de Lys : Pour vous donner une idée, nous avions un appel humanitaire cette année à l’Unicef d’environ 197 millions de dollars. Or, les besoins pour l’année 2022 seront probablement de plus d’un milliard de dollars. Ils vont être multipliés par dix par rapport à l’année qui vient de s’écouler, parce que le système des services de base s’est effondré.

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Vous rentrez dans un domicile familial, vous voyez l’état dans lequel se trouve les familles et les enfants, et vous comprenez très vite qu’il y a un problème. C’est une crise alimentaire sérieuse. Il y a plus de 22 millions d’Afghans qui sont en situation d’insécurité alimentaire aigüe et la malnutrition qui touchera 1 million d’enfants avant la fin de l’année n’est que la pointe de l’iceberg. Avec l’hiver qui est déjà là en Afghanistan, sans eau, sans soins, sans nourriture, si on ne répond pas très vite, je crois qu’il y aura un basculement en janvier ou février.

Quelle sorte de basculement ?

C’est le moment où toutes les ressources des ménages auront été épuisées, et cela se combine avec la crise économique. Même si certains médecins ou ingénieurs ont de l’argent en banque, ils n’arrivent pas à le retirer. Deux cents dollars par semaine, ça ne suffit pas quand les prix sont en train d’exploser. La solution doit être humanitaire, économique et monétaire. Sans cela, on se dirige vers des mouvements sociaux au début de l’année 2022.

Quel est votre discours sur l’éducation des jeunes filles, leur accès à l’école en Afghanistan ?

L’effort le plus important se joue au niveau local. Ce n’est pas une lettre officielle venant de Kaboul qui va influencer la position d’un gouverneur de région. Il y a des provinces où les filles vont à l’école jusqu’au bac – on en a recensé six. Et huit autres où les décideurs talibans sont en train d’hésiter. Il faut créer une réaction en chaîne, que l’on atteigne une masse critique de régions où cela bascule, en espérant influencer le reste du pays à travers les dirigeants locaux. Mais il y a évidemment des zones où ce sera très difficile, en particulier dans les zones proches du Pakistan, comme Jalalabad, où le groupe État islamique est très actif. 

Quel est le positionnement des autorités talibanes vis-à-vis des agences internationales comme l’Unicef ?

J’ai pu rencontrer différents ministres, aussi bien à la Santé qu’à l’Éducation, au Développement rural ou aux Finances. Il y a un besoin clair de présence des acteurs humanitaires, puisque les talibans n’ont pas de ressources publiques, ni les moyens d’intervenir sur le terrain. Ils n’ont pas vraiment le choix que de nous laisser travailler actuellement, sauf s’ils veulent revenir à l’obscurantisme des années 1990. Et je crois que de ce point de vue, ils ont changé, même si les modérés n’auront sans doute plus voix au chapitre très longtemps en l’absence de résultats tangibles de leur politique d’ouverture envers la communauté internationale.  

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