égliseRaviver le cliché homophobe de l’amalgame entre homosexualité et pédocriminalité est irresponsable et dangereux

Par Collectif le 16/11/2021
Raviver le cliché homophobe de l’amalgame entre homosexualité et pédocriminalité est irresponsable et dangereux

Dans une tribune à TÊTU, l'ancien président de SOS homophobie, Joël Deumier, et le cofondateur du Collectif Prévenir et protéger, Arnaud Gallais, rappellent que cet amalgame n'a pas de sens et entretient le rejet homophobe.

Dans une tribune publiée dans La Croix le 28 octobre 2021, intitulée "Il y a bien une corrélation entre homosexualité et pédophilie dans l’Eglise", son auteur, Guillaume Cuchet, présenté comme "historien des religions", ravive un des plus vieux préjugés homophobes existant sur les homosexuels, à savoir que les homosexuels sont des pédocriminels en puissance.

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Les chiffres révélés par le rapport Sauvé relatifs à la pédocriminalité dans l’Eglise en France nous effraient toutes et tous. Selon ces travaux 216.000 personnes aujourd’hui majeures auraient été agressées par un prêtre ou un religieux alors qu’elles étaient mineures. Ce chiffre montre à 330.000 en incluant les victimes de laïcs liés à l’Église catholique, soit une cadence de 12 enfants par jour, depuis 1950.

Face à l’ampleur du nombre de victimes de pédocriminalité au sein de l’Église catholique, une fois la sidération passée au regard de la gravité des faits, vient le temps de la recherche de solutions pour mieux aider les victimes et prévenir les violences faites aux enfants pour qu’un tel drame ne se reproduise plus dans l’Église et ailleurs.

Il n'y a pas de corrélation

Au lieu de cela, dans une tribune publiée dans la Croix, M. Cuchet se livre à une recherche des causes de la pédocriminalité en faisant appel à un vieux cliché homophobe. Il y affirme, en effet qu’ "il y a bien une corrélation entre homosexualité et pédophilie dans l’Église". Or, le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église est très clair sur le sujet, précisant que "les analyses d’archives n’ont pas permis d’opérer une corrélation entre homosexualité et sexe des abusés, argument qui continue pourtant de convaincre, particulièrement au sein de la communauté catholique et qui suppose les identités sexuelles fixes".

De plus, dans une seconde tribune publiée dans La Croix en réponse au propos de M. Cuchet, l’universitaire Véronique Beaulande-Barraud rappelle que "la pédocriminalité du clergé n’est pas spécifiquement homosexuelle". Ainsi, M. Cuchet affirme, tout au long de sa tribune, l’existence d’une corrélation entre homosexualité et pédocriminalité sans jamais se référer à aucune donnée scientifique et historique. Pire, il assène des contre-vérités et des concepts profondément homophobes tels que celui d’'homosexualité pédophilique et éphébophile" - qui n’a pas plus de sens que ne l’aurait le concept d’"hétérosexualité pédophilique" - pour mieux susciter la crainte, la suspicion, la peur des homosexuels, qui sont précisément à la source de l’homophobie. De tels propos, de tels amalgames entretiennent une seule chose : le rejet, l’exclusion et la stigmatisation des hommes gays. Faut-il rappeler l’irresponsabilité du propos de M. Cuchet quand, en 2020, selon le ministère de l’Intérieur, 1.590 crimes et délits homophobes ont été répertoriés, un chiffre en augmentation de plus de 50% par rapport à 2016 ?

Le concept de "pédophilie" est problématique

En plus de raviver l’amalgame entre l’homosexualité et la pédocriminalité, le propos de M. Cuchet n’est pas à la hauteur des enjeux. L’utilisation du concept de "pédophilie" par M. Cuchet est problématique. Il est grand temps de bannir ce mot de notre vocabulaire. On se rappelle, toutes et tous, des éloges faits par MM. Mazneff, Cohn-Bendit et d’autres encore, qui cherchaient à convaincre la société qu’on pouvait aimer les enfants de cette manière-là, alors même que la loi interdisait pénalement toute relation sexuelle avec un enfant.

Il ne s’agit pas de "philie", il ne s’agit pas d’aimer, mais il s’agit de crime. Qu’on se le dise donc en 2021, on n’aime pas les enfants de cette manière-là. Ce n’est pas de l’amour mais bien un crime. Le viol est un crime. Le viol est une question de santé publique. Les conséquences sur les enfants, son développement, son devenir à l’âge adulte sont majeures. L’enquête Virage menée en 2015 nous a montré par exemple que 38% des personnes victimes de viol avant l’âge de 11 ans ont fait au moins une tentative de suicide au cours de leur vie. 

La gravité et l’ampleur des faits de pédocriminalité dans l’Eglise mis en lumière par le rapport Sauvé doit appeler à la responsabilité, pas à se saisir de l’opportunité de raviver des clichés homophobes infâmes qu’il convient de condamner avec la plus grande fermeté.

L’urgence aujourd’hui est d’agir. Agir pour mieux aider et accompagner les victimes de pédocriminalité, mettre en place une culture de la protection des enfants fondée sur l’écoute et de prévention efficace. L’urgence aujourd’hui est d’agir pour éviter que de nouveaux enfants soient victimes.

Par Joël Deumier Militant pour l’égalité, ex-président de SOS homophobie et Arnaud Gallais, cofondateur du Collectif Prévenir et Protéger, victime d’un prêtre pédocriminel

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Crédit photo : Saint John's Seminary / Unsplash