Une commission d’enquête condamne la politique migratoire du gouvernement

Alors qu’un collectif d’associations révèle une hausse du nombre d’expulsions policières en 2021, une commission d’enquête publie un rapport alarmant sur la gestion globale de l’immigration en France.

En mars 2021, les forces de l’ordre procèdent à l’évacuation d’un camp de migrants à Grande-Synthe, dans le Nord.

En mars 2021, les forces de l’ordre procèdent à l’évacuation d’un camp de migrants à Grande-Synthe, dans le Nord. GABRIELLE CEZARD / SIPA

Restriction de l’octroi des visas, gestion « policière » de l’immigration, durcissement de l’accès des étrangers aux soins… Dans son rapport publié ce mardi 16 novembre, la commission d’enquête parlementaire sur les migrations n’épargne pas la politique du gouvernement.

A l’issue de six mois d’auditions et de travail de terrain portés par la députée Sonia Krimi, issue de l’aile gauche de LREM, la commission a formulé trente recommandations pour « trouver des solutions pragmatiques et humaines » à l’immigration.

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Le Calaisis, centre des préoccupations

A Calais, où le gouvernement a dû dépêcher un médiateur fin octobre pour déminer une crise symbolisée par la grève de la faim de militants associatifs, il faut « mettre fin à la politique zéro point de fixation », qui conduit à des démantèlements quasi quotidiens de campements, selon le rapport.

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A Grande-Synthe, les forces de l’ordre ont démantelé ce mardi un campement d’environ un millier de migrants, massés dans des abris de fortune, avec l’espoir de traverser la Manche pour rejoindre le Royaume-Uni.

Pour l’observatoire associatif de surveillance des opérations d’expulsion, on observe un « harcèlement » des migrants à Calais et Grande-Synthe, qui ont concentré 77 % des expulsions cette année et « toutes les mauvaises pratiques » de l’Etat.

2021, « année record » des expulsions

Ce collectif de plusieurs associations (dont Médecins du Monde, la Ligue des Droits de l’Homme, le Collectif Romeurope ou encore la Fondation Abbé-Pierre), a révélé ce mardi aussi ses statistiques sur le nombre d’expulsions en 2021. Sur l’ensemble du territoire français, les expulsions de campements, bidonvilles, squats et autres abris informels occupés essentiellement par des personnes étrangères ont bondi de 23 % en 2021.

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Entre le 1er novembre 2020 et le 31 octobre 2021, en France métropolitaine, pas moins de 1 330 expulsions de lieux de vie informelles ont concerné plus de 172 000 personnes. C’est « une année record » depuis la création de l’observatoire en 2019, a ajouté le directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre, Manuel Domergue, lors d’une conférence de presse.

Les associations dénoncent partout un manque d’organisation de ces expulsions, qui se soldent le plus souvent par une remise à la rue. Dans 91 % des cas, aucune solution d’hébergement ou de relogement n’a été proposée.

Un haut-commissariat à l’immigration ?

Le rapport pointe d’autres dysfonctionnements dans la politique migratoire française. Notamment sur la question de l’accès aux soins des exilés, que le gouvernement a durci en 2019. Il faut supprimer le délai de carence de trois mois pour que les demandeurs d’asile puissent bénéficier immédiatement de la protection universelle maladie, recommande la commission.

« Ne pas pénaliser les populations par une réduction drastique de la délivrance des visas », c’est aussi une autre demande du rapport. Fin septembre, le gouvernement a annoncé avoir réduit drastiquement le nombre de visas octroyés aux pays du Maghreb pour les contraindre à délivrer davantage de laissez-passer consulaires, indispensables pour expulser des étrangers en situation irrégulière.

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Ce document, qui a peu de chances d’être repris par l’exécutif à cinq mois de la présidentielle, propose une réforme du pilotage de la question migratoire, qui doit selon la commission sortir du giron du ministère de l’Intérieur pour « dépasser la seule gestion policière de l’immigration ». Elle propose ainsi la création d’un haut-commissariat à l’immigration auprès du Premier ministre, qui aurait une portée interministérielle.

« Addition impressionniste de propositions »

Mais pour le député du Nord Vincent Ledoux (Agir), seul parlementaire à s’être abstenu la semaine dernière lors du vote du rapport à la commission, ces propositions sont insuffisantes. Il estime que les préconisations de la commission « se résument […] à un détricotage du pilotage actuel de la politique migratoire de notre pays, au motif que, relevant du ministère de l’Intérieur, il aurait une orientation trop sécuritaire ».

Le député déplore une « addition impressionniste de propositions », « alors même que n’est présenté aucun bilan global et chiffré des moyens financiers et humains que l’Etat et l’ensemble des acteurs publics consacrent aux différents aspects de la politique migratoire, ni de leur efficacité ».

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