Reportage

En Bosnie-Herzégovine, le spectre d’une «sécession serbe qui ne dit pas son nom»

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En annonçant la création d’une armée autonome, le chef politique des Serbes, Milorad Dodik, a franchi un cap. Le risque d’un retour du conflit, près de trente ans plus tard, sème le trouble dans le pays.
par Louis Seiller, envoyé spécial à Gorazde, Pale et Sarajevo
publié le 17 novembre 2021 à 20h53

«Ici, on se rencontre tous les jours entre Serbes et musulmans. On se parle et on vit bien ensemble. Comme des citoyens normaux ! Mais quand on écoute les discours politiques, on ne sait pas ce qu’il peut arriver… Il suffirait d’un incident ou deux pour que…» Le regard inquiet, Hatidza ne finit pas sa phrase. Elle laisse les mots en suspens, comme pour chasser les vieux démons tapis dans l’ombre de ces immenses forêts bosniennes, toujours parsemées de mines. Comme tant d’autres, cette épicière de 39 ans craint de réveiller des traumatismes trop présents.

Enveloppé par des montagnes brumeuses, son petit village de Praca, où se côtoient une mosquée et un monastère orthodoxe, est coupé en deux par une «frontière» invisible. Celle qui sépare les deux entités du pays : la Fédération croato-bosniaque et la République serbe de Bosnie. Une ligne tracée par l’idéologie meurtrière du nettoyage ethnique et qui enflamme à nouveau la rhétorique des partis nationalistes, vingt-six ans après la fin d’une guerre fratricide qui a fait plus de 100 000 morts et deux millions de déplacés.

Ces discours de haine qui font l’apologie de la division, Milorad Dodik les tient depuis si longtemps que beaucoup ne le prennent plus au sérieux. Négationniste et autoritaire, le chef politique des Serbes de Bosnie règne en maître sur sa petite Republika Srpska (RS) et son 1,2 million d’habitants depuis presque vingt ans. Tout au long d’une carrière marquée par la

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