Loi maltraitance animale L'absence de la chasse et de l'élevage vivement critiquée
Après des mois de négociations et de débats, le Parlement a définitivement adopté ce jeudi, après un vote quasi-unanime du Sénat, une proposition de loi contre la maltraitance animale. Fin progressive de la détention d'animaux sauvages dans les cirques et les delphinariums, fin en 2024 de la vente de chiots et de chatons en animalerie, renforcement des sanctions pénales en cas de maltraitance, fermeture du dernier élevage de visons à fourrure... Les nombreuses avancées du texte ont été saluées par les défenseurs de la cause animale.
Malgré ce pas en avant, de nombreux élus et associations déplorent des lacunes de la proposition de loi qui oublie selon eux de grands thèmes relatifs à la souffrance animale : la chasse, l'élevage intensif, la corrida ou encore l'expérimentation animale...
Aux yeux de Bastien Lachaud, député de la France insoumise qui a pris part à de nombreux débats autour de la proposition de loi, cette dernière "cible quasiment exclusivement les animaux de compagnie ou les animaux sauvages sous l’angle des cirques et des delphinariums".
L'élevage, "c'est trois millions d'animaux terrestres tués chaque jour"
De plus en plus critiquées en France, notamment via les vidéos de L214, les conditions de vie parfois déplorables des animaux dans les élevages intensifs ne sont pas évoquées dans le texte voté ce jeudi. Une déception aux yeux d'Hélène Thouy, candidate du Parti animaliste à l'élection présidentielle, qui s'est exprimée auprès de notre journal :
Les animaux d'élevage, c'est trois millions d'animaux terrestres tués chaque jour dans les abattoirs et élevés dans les conditions que l'on connaît. Ils sont totalement exclus de cette proposition de loi alors qu'il y a des très fortes attentes des citoyens sur ces sujets.
Hélène Thouy, candidate du Parti animaliste à l'élection présidentielle
"Beaucoup reste à faire", notamment contre l'élevage industriel, ce qui nécessite "un changement de modèle agricole", a quant à lui plaidé ce jeudi le sénateur écolo Daniel Salmon. Il y a quelques semaines, l'association L214 avait elle aussi vivement critiqué le fait que les animaux élevés dans des élevages intensifs ne soient pas concernés par cette proposition de loi.
"Les chasses cruelles, on n’en parle pas"
La chasse et plus précisément les chasses traditionnelles, de moins en moins bien perçues par l'opinion publique, ne sont pas non plus intégrées à cette proposition de loi. Ce que déplore Bastien Lachaud :
Des millions d’animaux sont élevés pour la chasse pour être abattus, et on n’en parle pas. Les chasses cruelles, on n’en parle pas. La chasse à courre, on n’en parle pas. Les jours sans chasse pour permettre aux personnes de partager l’espace public, on n’en parle pas. Toutes les questions qui structurent la maltraitance animale sont évacuées par La République en marche.
Bastien Lachaud, député la France insoumise
Même son de cloche du côté d'Hélène Thouy. La présidente du Parti animaliste souhaite même une abolition de la chasse, comme elle l'a déclaré à plusieurs reprises ces dernières semaines.
"Une loi électoraliste" pour certains, "une avancée" pour d'autres
Sur les réseaux sociaux, élus et associations déplorent également l'absence de mesures concernant les animaux de laboratoire ou encore la corrida, toujours autorisée dans plusieurs départements du sud de la France. La Fondation Droit Animal Éthique et Sciences (LFDA) regrette quant à elle que "les animaux sauvages en liberté, pourtant concernés par la maltraitance et la cruauté", soient "absents du texte". L'association 30 Millions d'Amis a elle aussi pointé du doigt l'absence de "sujets cruciaux" dans le texte.
Aux yeux de Bastien Lachaud, si les nouveaux droits définitivement votés par le Parlement ce jeudi constituent une avancée, "c'est totalement insuffisant comparé à l'océan de maltraitance des animaux dans ce pays". "Cette loi est électoraliste. C'est une fumisterie !", fustige l'élu LFI, qui pointe du doigt "les lobbys de la chasse et de l'élevage", "très puissants et qui empêchent des mesures soutenues massivement par les Français d’être mises en place".
Pourtant, d'après Hélène Thouy, "les attentes des citoyens" pour la cause animale "se manifestent année après année" et cette loi ne suffit pas à y répondre.
Qu'en pensent les Français ?
Élevage intensif, chasses traditionnelles... Le site Politique-Animaux a compilé plusieurs enquêtes d'opinion concernant les grands thèmes absents de la proposition de loi contre la maltraitance animale :
- 70% des Français sont favorables à l'interdiction de la chasse à courre - 70% des ruraux également - selon un sondage Ifop de 2021
- 84% des Français sont opposés au piégeage des oiseaux à la glu ou avec des filets qui ne permettent pas de distinction entre les espèces, selon un sondage Ipsos de 2018
- 84% des Français - et 85% des ruraux - sont pour l'interdiction de la vénerie sous terre, à savoir la chasse des animaux dans leur terrier - selon un sondage Ipsos de 2021
- 65% des Français sont favorables à l’interdiction de la corrida, y compris dans les régions où elle est autorisée au nom des traditions locales selon un sondage Ifop de 2021
- 89% des Français sont favorables à l’interdiction de l’expérimentation animale si des méthodes alternatives, selon un sondage Ifop de 2021
De son côté, la majorité LREM-Agir à l'Assemblée nationale a vanté une nouvelle "étape historique du combat pour la cause animale". Si Loïc Dombreval, rapporteur du texte, reconnaît que certains sujets ne sont pas évoqués par la proposition de loi, le député des Alpes-Maritimes ne perd pas espoir : "Viendra inéluctablement le jour où (...) nous saurons débattre de questions délicates, comme certaines pratiques de chasse, comme la corrida, comme certaines pratiques d'élevage", espère-t-il.