«La justice est à bout de souffle» : 3000 magistrats s’alarment de la dégradation de leurs conditions de travail

Les magistrats citent des audiences surchargées, des arrêts maladie qui se multiplient, des audiences classées sans suite ou encore l’obligation de traiter des affaires de divorce « en quinze minutes ».

3000 magistrats et une centaine de greffiers ont dénoncé la dégradation de leurs conditions de travail et le manque de temps pour traiter les dossiers. (Illustration) LP/ Philippe de Poulpiquet
3000 magistrats et une centaine de greffiers ont dénoncé la dégradation de leurs conditions de travail et le manque de temps pour traiter les dossiers. (Illustration) LP/ Philippe de Poulpiquet

    Ils sont juges lors d’audiences en correctionnelle, juge des enfants ou encore substituts du procureur. Mardi soir, dans une tribune parue dans le quotidien Le Monde et depuis très commentée, 3000 magistrats et une centaine de greffiers ont dénoncé la dégradation de leurs conditions de travail et le manque de temps pour traiter les dossiers.

    « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre et comptabilise tout », ont-ils écrit, tançant une « justice qui maltraite les justiciables, mais également ceux qui œuvrent à son fonctionnement ». Le collectif, soutenu par un tiers des magistrats environ, a regretté une « vision gestionnaire de (leur) métier » et souligné le manque de temps pour traiter les dossiers.

    Les magistrats face à un « dilemme intenable »

    Les magistrats citent notamment des audiences surchargées, des arrêts maladie qui se multiplient parmi le personnel judiciaire, des audiences classées sans suite ou encore l’obligation de traiter des affaires de divorce « en quinze minutes » sans pouvoir donner la parole aux parties.



    Ils citent surtout le cas d’une de leurs anciennes collègues, Charlotte, 29 ans, dont ils regrettent le suicide fin août, après deux années « éprouvantes » à être « envoyée de tribunaux en tribunaux pour compléter les effectifs des juridictions en souffrance du Nord et du Pas-de-Calais ». À l’époque, la mort de la jeune femme à son domicile avait été confirmée de source judiciaire, et une enquête sur les causes de la mort avait été ouverte.

    Cette situation génère une « discordance entre notre volonté de rendre une justice de qualité et la réalité de notre quotidien », plaçant les magistrats face à un « dilemme intenable : juger vite mais mal, ou juger bien mais dans des délais inacceptables », peut-on lire.

    « Les magistrats n’en peuvent plus »

    « Les magistrats n’en peuvent plus. La justice est à bout de souffle et ne peut plus remplir ses missions », écrit l’Union syndicale des magistrats mardi dans un communiqué relayant cette tribune.

    Dans un message transmis à l’ensemble des magistrats, la direction des services judiciaires (DSJ) du ministère, et dont l’AFP a eu connaissance, annonce que le garde des Sceaux, Éric Dupont Moretti recevra « dans les prochains jours » une délégation de signataires.

    Le directeur des services judiciaires reconnaît que pour répondre aux « tensions présentes dans le monde judiciaire », « il faut augmenter le nombre de magistrats et de greffiers » et assure que « 650 magistrats et 850 greffiers supplémentaires ont été affectés durant le quinquennat », soulignant là des hausses « dans des proportions inégalées dans le passé » et que le garde des Sceaux compte poursuivre.

    Cet appel intervient alors que se sont ouverts les « États généraux de la justice » le 18 octobre. La Commission indépendante présidée par Jean-Marc Sauvé devrait remettre des propositions de réformes d’ici à février 2022.