Hébergement d'urgence en Seine-Saint-Denis : malgré des places pérennisées, le 115 saturé

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Hébergement d'urgence en Seine-Saint-Denis : malgré des places pérennisées, le 115 saturé

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La plateforme d'appel du 115 en Seine-Saint-Denis se dit déjà saturée alors que débute la période hivernale
La plateforme d'appel du 115 en Seine-Saint-Denis se dit déjà saturée alors que débute la période hivernale
© Radio France - Rémi Brancato

Alors que débute la période hivernale et que le gouvernement a prolongé plus de 40 000 places d'hébergement d'urgence depuis le début de la pandémie, le 115 de Seine-Saint-Denis alerte sur une saturation exceptionnelle pour la période. Chaque jour, 400 à 450 demandes de mises à l'abri y restent sans réponse.

"115 de Seine-Saint-Denis, bonjour." La personne à qui s'adresse Hicham, écoutant sur la plateforme d'appel du 115 du département, fait partie du tiers d'appelants qui obtient une réponse. Chroniquement saturé, le 115 vit une période encore plus difficile depuis qu'a commencé la période hivernale début novembre. "Vous avez dormi où ? A l'hôpital Jean Verdier (à Bondy, ndlr) ?" A cet homme, qui explique passer de la rue à des carcasses de voitures abandonnées avec sa compagne enceinte de deux mois, et n'avoir pas obtenu de réponses depuis quatre jours, Hicham n'a pas de solution à apporter. Il transmet la demande de mise à l'abri et conseille de tenter de rappeler chaque jour.

"Les centres d'hébergement d'urgence sont saturés" explique l'écoutant, qui travaille ici depuis un an et demi. "Malheureusement, même les cas prioritaires - et ils sont très nombreux - on n'arrive pas à leur trouver de place : les femmes enceintes, les femmes avec enfants de moins de 3 ans" regrette-t-il : "L'année dernière, à cette même période, il y avait des places hivernales et cette année, on n'a pas encore vu de places dites hivernales". 

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Des familles avec enfants à la rue faute de places

Pour sa collègue Anut́a, un an d'ancienneté, la situation est "frustrante".  "On est un peu coincés parce qu'on sait que derrière, il n'y a pas beaucoup de places et il y a des personnes qui appellent depuis deux ou trois mois déjà" décrit-elle. Mercredi dernier, 60 enfants de moins de 3 ans n'ont pas pu être mis à l'abri selon le décompte d'Interlogement 93, l'association en charge du 115 en Seine-Saint-Denis. "J'ai eu un appel très récemment qui m'a beaucoup touché" témoigne la jeune femme : "Un enfant de 7 ans au téléphone, le fait d'entendre une voix d'enfant qui te dit 's'il vous plaît, aidez moi, on a très froid, je n'en peux plus', c'est très dur !"

Habituellement, entre le début de la période hivernale le 1er novembre et fin décembre, entre 500 et 800 places d'urgence dites hivernales ouvrent dans le département, selon Interlogement 93. Cette année, l'association assure qu'aucune supplémentaire n'a encore été mise à disposition. 

Malgré les places prolongées, une saturation des hébergements en Seine-Saint-Denis

Le gouvernement a en fait décidé, début septembre, la fin de la "gestion au thermomètre" des places, qui ouvraient l'hiver pour fermer au printemps. Plus de 40 000 places d'urgence ouvertes au niveau national depuis le début de la crise sanitaires ont ainsi été prolongées, pour l'instant jusqu'en mars 2022. Le ministère du Logement précise à France Inter que le "parc d'hébergement atteint un niveau historique de 200 000 places, qui permet d'aborder l'hiver dans de meilleures conditions que les années précédentes". Des initiatives qui ont "permis de mettre à l'abri beaucoup de personnes" salue Valérie Puvilland, directrice du Service intégré de l'accueil et de l'orientation (SIAO), qui gère la plateforme du 115, pour Interlogement 93. 

"On a des annonces de prolongation de places hivernales, depuis deux ans, c'est très positif, et on a aussi des annonces de création de places pérennes et c'est encore plus positif" salue Valérie Puvilland, rappelant que les professionnels du secteur réclamaient depuis longtemps la fin de la gestion des places au thermomètre. "Mais en face de ça, on a la réalité de terrain : on est en novembre, avec plus de 400 personnes à la rue chaque jour et on n'a pas de solution à leur proposer" s'alarme-t-elle. 

Des places en cas de "pics de grand froid", selon le ministère

Ainsi, selon Interlogement, chaque jour, 400 à 450 personnes dont l'appel est décroché ne se voient proposer aucune solution d'hébergement, contre 100 à 200 en temps normal, quand des places d'hébergement "hivernales" sont ouvertes. "On a tendance à oublier que des personnes arrivent régulièrement dans des situations de difficulté vis-à-vis du logement, on n'a pas un stock de personnes à la rue" précise Valérie Puvilland. 

Sollicité, le ministère du Logement n'apporte pas de réponse précise pour le département de Seine-Saint-Denis, mais se dit "attentif" à la situation. Il précise que des places "exceptionnelles pour protéger les personnes" pourront être ouvertes en cas de "pics de grand froid". Le ministère promet par ailleurs pour cet hiver une "adaptation en temps réel du parc d'hébergement pour répondre aux épisodes climatiques extrêmes". 

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