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Quotidien

Les hommes, ces viandards qui plombent le climat

Les hommes mangent plus de viande, et donc émettent plus de gaz à effet de serre.

Ce que mangent les hommes émet 41 % plus de gaz à effet de serre que ce que mangent les femmes, a calculé une équipe de chercheurs britanniques. En cause notamment : les quantités de viande qu’ils ingèrent.

Le régime alimentaire des hommes émet 41 % de plus de gaz à effet de serre que celui des femmes, principalement en raison de leur consommation disproportionnée de viande. C’est ce que démontre une étude britannique publiée mercredi 24 novembre dans la revue scientifique Plos One.

Pour aboutir à ces résultats, les scientifiques de l’Université de Leeds, au Royaume-Uni, ont analysé les régimes alimentaires de 212 adultes. Ils devaient déclarer tous les aliments qu’ils avaient consommés au cours de trois périodes de vingt-quatre heures. Les chercheurs ont ensuite calculé les émissions de gaz à effet de serre nécessaires à la production de chacun des aliments mentionnés.

Résultat : les régimes non végétariens sont 59 % plus émetteurs de gaz polluants que les régimes végétariens. En outre, le régime des hommes émet globalement 41 % plus de gaz à effet de serre que celui des femmes. En grande partie parce que les hommes mangent plus de viande et boivent plus de boissons — hors eau — que les femmes.

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Ces résultats n’étonnent pas Nora Bouazzouni, autrice de Steaksisme — En finir avec le mythe de la végé et du viandard (éd. Nouriturfu, 2021). « L’étude individuelle nationale des consommations produite par l’Anses montrait déjà qu’en France, les hommes mangent deux fois plus de viande rouge que les femmes », dit-elle à Reporterre. De plus, « dans le monde, l’écrasante majorité des personnes qui adoptent des régimes végétariens, végétaliens et véganes sont des femmes. »

« La viande est associée à la virilité »

Le régime carné, très masculin donc, a des effets délétères sur le climat terrestre. La production de viande [1] provoque 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Ceci est dû en grande partie à la déforestation associée à l’élevage de bétail et aux rots de vaches, qui émettent du méthane. C’est pourquoi, par exemple, le Réseau Action Climat (RAC) recommande la diminution de 50 % de la production et de la consommation de produits animaux d’ici 2050.

Un champ de soja voisin de la forêt tropicale, près de Sorriso, dans l’État brésilien du Mato Grosso, en août 2020. © Florian Plaucheur/AFP

Pourquoi les hommes mangent-ils plus de viande ? L’étude menée par l’Université de Leeds ne l’a pas révélé. La journaliste Nora Bouazzouni livre des éléments de réponse : « Tous les aliments sont chargés symboliquement. Un smoothie vert est souvent associé à la bonne santé et à la détoxification du corps — même si c’est parfois charlatanesque. La viande, elle, est associée à la virilité. Dans l’imaginaire collectif, quand on mange un animal mort, on absorbe ses vitamines, son gras... et ses vertus supposées : la force, la vigueur. Que des stéréotypes masculins. Pour être “un vrai bonhomme”, il faudrait donc manger de la viande. »

Dans le cadre de ses recherches sur la place de la viande dans l’alimentation occidentale, la scientifique Lucie Wiart (Neoma Business School) a interrogé plusieurs hommes qui tentaient d’adopter des régimes végétariens. « C’est souvent plus difficile pour eux socialement, dit-elle à Reporterre. Au travail, par exemple, leurs collègues ne comprennent pas toujours alors qu’une femme qui mange des légumes, ça paraît normal. »

« Il faut enclencher un changement culturel »

D’après les scientifiques de l’Université de Leeds, il est nécessaire de réduire notre consommation de viande, en particulier de viande rouge, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à la production alimentaire — soit un tiers des émissions mondiales. Pour cela, selon Nora Bouazzouni, il est surtout urgent « de déconstruire cet imaginaire, de se libérer de l’idée que la viande est centrale et indispensable à tous les repas. Les végétariens ne sont pas sur des lits d’hôpitaux... L’ennui est que nous sommes très influencés par le marketing, notre culture, nos religions. Les goûts alimentaires ne sont pas innés, ils sont construits culturellement. Il faut donc enclencher un changement culturel. »

« Au niveau politique, la question de l’alimentation reste très peu prise en compte dans les débats », regrette Lucie Wiart. La question de l’élevage a été l’une des grandes oubliées de la COP26 et le projet de réforme de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027, voté mardi 23 novembre, ne fait qu’empirer le problème. « Rien qu’à l’échelle française, il faut voir les réactions épidermiques que suscite l’instauration de repas végétariens », déplore la chercheuse. En février dernier, l’annonce de l’instauration d’un repas sans viande dans les cantines scolaires de Lyon avait, par exemple, déclenché une vive polémique. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait argué que cette politique « exclut les classes populaires ». Et qualifié les repas sans viande d’« idéologie scandaleuse ».

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