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Une église du Rwanda offre un refuge aux croyants LGBT+

Si l’homosexualité n’est pas interdite dans le pays, les personnes concernées sont victimes de discrimination : reniées par leurs proches, licenciées voire passées à tabac.

Le Monde avec AFP

Publié le 24 novembre 2021 à 10h02

Temps de Lecture 3 min.

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Prière à l’Eglise de Dieu en Afrique au Rwanda (EDAR), l’église inclusive pour la communauté LGBT+, à Kigali, le 14 novembre 2021.

Quand le chanteur populaire rwandais Albert Nabonibo a révélé son homosexualité, il a tout perdu du jour au lendemain : travail, amis, famille… Rejeté de sa paroisse, il a trouvé un accueil inattendu dans une église évangélique de Kigali.

Depuis plusieurs années, l’Eglise de Dieu en Afrique au Rwanda (EDAR) affiche publiquement son ouverture aux personnes LGBT+, faisant fi du conservatisme ambiant. Si l’homosexualité n’est pas interdite au Rwanda, les LGBT+ y sont fréquemment victimes de discrimination : licenciés, reniés par leurs proches, privés de soins médicaux ou même passés à tabac.

Albert Nabonibo en a fait l’amère expérience quand il a déclaré dans une interview en 2019 qu’il était gay. « Avant, j’étais invité à chanter dans des concerts chrétiens, à chanter à l’église. Beaucoup de gens aimaient ma musique. Mais quand j’ai fait mon coming out, tout a changé », raconte ce musicien de gospel, aujourd’hui âgé de 38 ans.

Subitement, les propositions de travail ont disparu. Son église pentecôtiste lui a fait savoir qu’il n’était plus le bienvenu à moins qu’il ne se « repente ». « J’ai perdu tous mes amis. (…) La plupart des membres de ma famille ne me parlent plus », ajoute-t-il.

« Démon » et « abomination »

Puis il a découvert l’église EDAR et son pasteur Jean de Dieu Uwiragiye. « J’ai été surpris, c’était différent de la façon dont j’avais été traité par d’autres chrétiens, dans ma famille et parmi mes amis », souligne-t-il.

Soutien de longue date de la cause LGBT+ au Rwanda, Jean de Dieu Uwiragiye a décidé d’ouvrir l’église il y a quatre ans, quand il en a pris la direction. « J’ai eu la conviction qu’il fallait briser les opinions conservatrices de l’église et y amener des membres LGBT+(…) parce que je savais que beaucoup d’entre eux souffraient et que les églises les rejetaient », explique le religieux, âgé de 45 ans.

Sa décision a déclenché une onde de choc. En quelques semaines, de nombreux fidèles ont quitté l’église, qualifiant la décision d’abomination. Les pasteurs d’autres églises ont affirmé qu’Uwiragiye était possédé par le démon, les insultes homophobes ont plu venant de fidèles comme de parfaits inconnus.

Aujourd’hui, l’EDAR compte deux pasteurs homosexuels et une communauté de deux cents fidèles, dont la majorité s’identifie comme hétérosexuelle. « J’ai été maltraité et rejeté par d’autres pasteurs rwandais parce qu’ils craignent ce que je représente, mais c’est ma vocation, explique Seleman Nizeyimana, l’un des pasteurs homosexuels. Ils ont déformé la Bible pour donner l’impression que Dieu nous déteste. Mais pourquoi Dieu détesterait-il sa propre création ? »

Abus et stigmatisation

Lors d’un récent office – le premier depuis la pandémie de Covid-19 –, dans l’église emplie de musique, la chorale chantait avec énergie, appelant les fidèles à se lever. « Cette église m’a offert quelque chose que personne d’autre ne m’a jamais offert : l’acceptation et la compréhension, précise Cadette, transgenre de 23 ans et membre de la chorale. J’aime chanter. Mais d’autres églises vous jugent et n’offrent pas à une personne comme moi l’opportunité de servir Dieu. Ici, j’ai cette opportunité et je trouve d’autres personnes qui se sentent comme moi. »

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Le Rwanda fait partie des quelques pays africains signataires d’une déclaration conjointe des Nations unies de 2011 condamnant la violence contre les personnes LGBT+. Mais les abus et la stigmatisation y sont récurrents.

L’Initiative pour le développement de la santé (HDI), organisation à but non lucratif basée à Kigali, a recensé trente-six cas de violations présumées des droits humains contre les personnes LGBT+ à Kigali en 2019.

Les victimes déposent rarement plainte à la police car elles craignent d’être davantage dénigrées et pensent qu’« il est peu probable qu’il soit donné suite à leurs plaintes », explique le directeur de l’HDI, Aflodis Kagaba. L’HDI et une coalition d’ONG font pression sur le gouvernement pour qu’il instaure des lois protégeant les personnes LGBT+ contre les arrestations et les détentions arbitraires.

De son côté, Jean de Dieu Uwiragiye a organisé une formation anti-discrimination à destination d’autres responsables d’églises, ainsi que de médecins et d’infirmières. Le pasteur ne se dépare pas de son optimisme. Les gens « ont besoin de temps pour modifier leurs croyances, affirme-t-il. Je les vois lentement devenir plus tolérants. »

Pour Albert Nabonibo, l’existence même de cette église est source d’espoir. Il se prend à rêver : « Aucune église n’autorise les homosexuels à se marier au Rwanda, mais on peut espérer qu’à l’avenir les choses changent. »

Le Monde avec AFP

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