C’est un mal français. Les collectivités locales construisent de nouvelles infrastructures au détriment de l’entretien des installations existantes. Une situation que dénonce la Cour des comptes dans son dernier rapport sur les finances locales, publié mardi 23 novembre. Centres aquatiques aux équipements démesurés, parkings publics surdimensionnés, bibliothèques où les lecteurs se comptent à vue d'œil… Les sages de la rue Cambon dressent un véritable inventaire à la Prévert de ces infrastructures mal pensées et mal calibrées qui finissent par coûter cher aux contribuables. Des investissements incohérents souvent motivés par des visées électoralistes. Alors qu’en parallèle, des équipements essentiels, comme le réseau d’assainissement de l’eau, se détériorent.

Parmi les projets les plus coûteux pour les communes, les équipements aquatiques arrivent dans le peloton de tête. Une note récente de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) montrait que le coût moyen d’une piscine communale s'élève à environ 1.073 euros par an et par mètre carré, et que 838 euros sont, en moyenne, à la charge de la collectivité locale. Un gouffre financier qui n’a pas empêché la communauté d’agglomération du Libournais (Gironde) de construire un nouveau centre aquatique et de faire flamber le budget. Estimé à 28,7 millions d’euros en 2016, l’équipement sera finalement livré pour “un coût d’opération de 39,4 millions d’euros”, détaille la Cour dans son rapport.

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La Cour des comptes ne s’arrête pas aux seuls équipements aquatiques et multiplie les exemples, au fil des pages, d’investissements mal pensés et onéreux. À Valenciennes, le stade de football du Hainaut “souffre depuis son inauguration en 2011 d’un taux de remplissage insuffisant de ses 25.000 places.” À Condé-sur-l’Escaut, dans le département du Nord, la médiathèque accueille seulement 643 lecteurs… Pourtant, le bâtiment a coûté près de 5 millions d’euros. À quelques kilomètres de là, à Trith-saint-Léger, une mauvaise estimation de la population scolaire a conduit “à construire une cuisine centrale surdimensionnée qui, après 5 années d’exploitation, ne fonctionne qu’au tiers de ses capacités”, déplorent les experts. Autant d’exemples qui témoignent d’une véritable gabegie financière.

Des parkings publics surdimensionnés

Parmi les infrastructures mal calibrées, le rapport pointe la construction d’un parking public par la ville de Niort (Deux-Sèvres) en 2011. Coût de l’opération : 13,8 millions d’euros pour 500 places. Un investissement financé par l’emprunt, alors que la ville est déjà pourvue en parkings publics pour lesquels elle avait “massivement investi dans les années 1980 et 1990”, rappelle la Cour. En parallèle, la municipalité connaît “une insuffisance chronique des recettes d’exploitation des parkings” et doit compenser en prélevant 700.000 euros par an sur son budget principal.

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Avant de construire, le défi de l’entretien des structures

Avant même de construire de nouvelles installations, les communes sont tenues d’entretenir les infrastructures existantes. Et cela constitue, à lire le rapport de la Cour des comptes, un véritable défi. À La Rochelle par exemple, l’entretien des musées de la ville (histoire naturelle, Orbigny-Bernon, musée des beaux-arts) pose problème. La chambre régionale des comptes d’Aquitaine a constaté un défaut d’entretien “pouvant se traduire par une dégradation des collections et une fermeture des espaces publics”. Ce qui conduit à de moindres recettes tarifaires (billets d’entrée).

L’un des défis d’importance pour les collectivités locales est la gestion du réseau d’eau potable. En France, le réseau est d’un haut niveau de services, reconnaît la Cour - 99% des habitants ont accès à l’eau potable - mais les canalisations connaissent des fuites nombreuses. “Le taux de fuites du réseau d’eau potable en France est estimé à 20%, soit près d’un milliard de m3 par an”, détaille le rapport. Parmi les mauvais élèves, Paris représente 2% “des volumes d’eau perdus à l’échelle nationale”. Et la situation pourrait s’aggraver car les canalisations sont vieillissantes dans l’Hexagone. Environ un tiers ont été posées au cours des années 1970, il y a 50 ans.

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Autre infrastructure à surveiller de près : les ponts. Les communes françaises doivent en gérer plus de 100.000. Des ouvrages d’art qui peuvent s’affaiblir avec le temps. Pour éviter cela, des diagnostics réguliers doivent être menés. Encore faut-il que le suivi de ces structures soit effectué convenablement ! “La communauté d’agglomération du Grand Paris Sud Seine Essonne-Sénart a recensé la documentation de ses ouvrages d’art et constaté qu’elle ne disposait pas de la date du dernier diagnostic pour 28 de ses 127 ouvrages (dalles, passerelles, aqueducs, canalisations et ponts)”, révèle la Cour des comptes. Un constat à peine croyable, alors qu’une part très importante des ponts a été construite après-guerre, entre les années 1950 et 1975. Et que ces ouvrages doivent donc être particulièrement surveillés. Depuis le constat de la Cour des comptes en 2019, la situation se serait améliorée d'après la communauté d'agglomération du Grand Paris Sud qui précise à Capital : "Depuis cette date, une nouvelle mission d'inspection de 135 ouvrages dont GPS a la responsabilité a démarré fin 2019 et s'achèvera au premier trimestre 2022. Ainsi, les 28 ouvrages non inspectés, entrés dans le patrimoine communautaire en 2018 suite à différents transferts, ont été diagnostiqués en priorité fin 2019 et en 2020. Ainsi, la Communauté d'agglomération GPS suit le rythme de la règlementation de suivi de son patrimoine des ouvrages d’arts avec une inspection tous les 6 ans de chaque ouvrage."