Prenons 2 400 offres d’emploi bien réelles, dans des métiers divers. Pour chacune d’entre elles, imaginons et envoyons quatre candidatures de même qualité professionnelle : celles d’un homme et d’une femme portant des noms à consonance maghrébine et celles d’un homme et d’une femme avec des noms qui suggèrent une origine française.

C’est l’exercice auquel se sont livrés un organisme de recherche et un bureau d’études (1), sous l’égide du ministère du travail, en prenant garde de neutraliser l’effet des autres facteurs (sexe, âge, situation familiale, etc.). Leur constat est sans appel : il existe sur le marché de l’emploi en France « une discrimination de grande ampleur à l’encontre des candidatures dont l’identité est à consonance maghrébine ». Que l’on soit un homme ou une femme, un ouvrier ou un cadre.

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Les candidats supposés maghrébins sont plus nombreux que les candidats supposés français à ne recevoir aucune réponse de la part des recruteurs (56,6 %, contre 49,6 %). Ils essuient plus souvent un refus : 20,6 % contre 17,1 %. Ils ne suscitent un intérêt du recruteur que dans 22,8 % des cas, contre 33,3 %, soit un écart de près d’un tiers.

Un facteur de discrimination« sans commune mesure »

« Une personne dont le prénom et le nom sont à consonance maghrébine doit envoyer en moyenne 1,5 fois plus de candidatures qu’une personne ayant le même profil et dont le nom et le prénom sont à consonance française pour recevoir le même nombre de réponses positives », ont calculé les chercheurs. De ce fait, l’origine supposée reste « un facteur crucial d’inégalité dans l’accès à l’emploi sur le marché du travail français », concluent-ils. Au regard de ces résultats, les autres facteurs d’inégalité, tel le sexe, étudiés par ailleurs, sont « sans commune mesure ».

Ce facteur de discrimination joue dans tous les secteurs et tous les types de métiers, mais à des degrés plus ou moins élevés. « Toutes choses égales par ailleurs, les candidats d’origine supposée maghrébine sont relativement moins discriminés parmi les métiers qualifiés (cadres) que parmi les métiers peu qualifiés », affirme l’étude. La discrimination est aussi nettement plus faible dans les métiers qui rencontrent des difficultés de recrutement.

Pas d’écart entre hommes et femmes

Ces résultats corroborent d’autres travaux de recherche récents : l’un portant sur 110 des 250 plus grandes entreprises en termes de capitalisation boursière a conclu que la discrimination envers les candidats issus de l’immigration maghrébine conduisait à un écart de 20 % dans l’accès à un entretien d’embauche. Un autre portant sur 40 entreprises de plus de 1 000 salariés a montré que douze d’entre elles pratiquaient un recrutement discriminatoire envers les personnes portant un nom à consonance maghrébine.

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En revanche, l’étude ne confirme pas l’hypothèse souvent avancée d’une amplification mutuelle des discriminations selon le sexe et l’origine. Les écarts de traitement sont du même ordre, que l’on soit une femme ou un homme.

(1) L’Institut des politiques publiques et de l’ISM-Centre d’observation et de recherche sur l’urbain et ses mutations.