PORTRAIT. Véronique est l'une des rares pilotes d'avion malvoyants de France

En 2017, via l'association les Mirauds Volants, Véronique, malvoyante a obtenu son brevet théorique de pilotage. Elle est la seule, à ce jour, en Gironde.

Véronique est mal voyante, et pilote
Véronique est malvoyante, et pilote d’avion (©Les Mirauds Volants)
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En 2017, Véronique Leziac a obtenu son brevet théorique de pilotage. Depuis, elle passe son temps dans les airs, à bord de son avion de tourisme :  « Je vole environ deux fois par mois, dès que la météo le permet », clame-t-elle, sourire aux lèvres.

Une passion pour l’aéronautique qui pourrait surprendre ceux qui croisent dans les rues de Bordeaux (Gironde) cette petite brune déambulant avec une canne blanche en main. En effet, Véronique est malvoyante. « Je distingue les ombres, le jour et la nuit, mais guère plus », explique-t-elle. 

« Et pourquoi ce ne serait pas possible ? »

Si sa vue est défaillante, en revanche, la sémillante sexagénaire n’est pas dénuée d’humour, feignant la surprise quand on évoque sa capacité à piloter un avion. « Et pourquoi ça ne serait pas possible ? », rétorque-t-elle sur un ton railleur.

Les choses n’ont pourtant pas toujours été aussi simples.

Celle qui saute dans un handibus dès qu’elle le peut en direction de l’aérodrome d’Yvrac (Gironde), a attendu 36 longues années pour faire son baptême de l’air.

A l'époque, j'avais lu dans une revue en braille qu'une personne non-voyante avait fait un saut en parapente seule, guidée par un système radio. J'ai commencé à toucher mon rêve du doigt.

Véronique LeziacFemme pilote en Gironde

Voler, mais sans assurance

Ni une ni deux Véronique, qui vient d’accoucher de sa troisième fille, se met en quête d’un club prêt à l’accueillir. C’est à Eysines qu’elle trouve son bonheur : « Ils ont été surpris par ma requête ! Un peu hésitants au début, ils m’ont dit ok pour un baptême. Mais quand j’ai demandé pour un stage, j’ai senti que ça allait être plus compliqué. Après réflexion, ils ont accepté, mais sans pouvoir me proposer d’assurance ».

Une condition un peu inhabituelle pour l’exercice d’un sport extrême, mais que Véronique accepte, toutefois, tiraillée entre cette envie de voler et les risques encourus. Elle finit par s’élancer dans les airs, en tandem. 

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Si elle a eu peur ? « Pas une seconde ! s’exclame-t-elle avec un enthousiasme non feint, ce premier vol a été absolument incroyable. L’éclate totale. Comme un sentiment de liberté absolue ! »

Elle ne savait pas que c’était impossible, alors elle l’a fait…

Des réactions comme celle du club de vol girondin, Véronique y a eu droit toute sa vie, se heurtant la plupart du temps aux barrières, parfois psychologiques, de son entourage.

Quand j'ai commencé à parler d'aéronautique, j'étais toute jeune. Je devais avoir moins de 10 ans. J'entendais les oiseaux chanter et j'avais envie d'être comme eux. Mes parents m'ont encouragée à oublier mon rêve, prétextant que ce n'était pas pour les personnes comme moi.

Véronique Léziac

Et pour cause dans les années 60, les clubs de sport dédiés aux personnes en situation de handicap ne sont pas légion dans l’Hexagone, où il a fallu attendre 1977 pour voir naître  la Fédération française handisport (FFH). 

A partir de là, le champ des possibles s’élargit. Émergent alors des associations proposant différentes disciplines aux personnes en situation de handicap. Les Mirauds Volants, en est un bel exemple.

Fondée en 1999, cette association est la seule au monde qui permet à des personnes aveugles ou malvoyantes de piloter des avions de tourisme dans la France entière. Citant Henri Fabre, inventeur de l’hydravion, Roland Garros, ses trois créateurs se revendiquent d’une longue lignée de pilotes atteints de cécité. 

Lorsque Véronique croise leur route sur un salon, à Paris, c’est la révélation. « Je n’ai pas réussi à décoller de leur stand. J’ai fait du simulateur, j’ai demandé toutes les informations pour pouvoir adhérer. La semaine d’après, j’étais membre de l’association ». 

Grâce à cette association, qui compte aujourd’hui 35 adhérents, elle a pu obtenir son brevet théorique de pilotage en février 2017. 

Un outil de vol à l’oreille

Depuis, elle pilote tous les 15 jours, en binôme avec un instructeur ou un pilote-assistant, la France n’autorisant pas des personnes handicapées visuelles à piloter seules.

Comme les autres membres de l’association, elle est assistée  par « Le Soundflyer », un dispositif sonore et vocal de conduite de vol, qui permet aux pilotes aveugles et malvoyants de voler à l’oreille. 

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 Le principe de cet assistant est simple : à partir d’une centrale inertielle, d’un altimètre barométrique et d’un GPS, les données sont centralisées et traitées par un calculateur puis envoyées sous forme sonore et vocale dans le casque du pilote.

« Mais j’arrive à m’en passer maintenant. Je l’oublie souvent ! », confesse Véronique.

Si elle pouvait voler seule ? « Je pense en être tout à fait capable ! s’amuse-t-elle. De toute façon, si un jour mon copilote fait un malaise, il faudra bien que je m’y colle. Tout est possible, tant que je suis reliée à la tour de contrôle, et que je peux me servir de mes oreilles. »

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