IVG : le débat sur l'extension des délais de retour à l'Assemblée

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Illustration IVG
par Soizic BONVARLET, le Vendredi 19 novembre 2021 à 12:17, mis à jour le Dimanche 28 novembre 2021 à 21:34

Suite à son adoption le 8 octobre 2020 à l'Assemblée nationale et à son rejet par le Sénat quelques jours plus tard, la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement est de nouveau à l'ordre du jour de l'Assemblée, à l'initiative du président du groupe La République en marche, Christophe Castaner. Elle sera examinée dans l'Hémicycle à partir du lundi 29 novembre. 

C'est un parcours législatif chaotique auquel est soumise la proposition de loi portée par Albane Gaillot (non inscrite), visant à renforcer le droit à l'avortement. Adoptée par l'Assemblée nationale en octobre 2020, puis rejetée par le Sénat, elle avait été reprise par Marie-Noëlle Battistel, aujourd'hui co-rapporteure du texte, à l'occasion de la journée d'initiative parlementaire réservée au groupe Socialistes et apparentés, en février dernier. En raison de l'obstruction assumée de quelques députés Les Républicains, qui avaient déposé plus de 400 amendements, le texte n'avait pas pu aller au-delà du stade de la commission. En effet, cette obstruction rendant impossible l'adoption de la proposition de loi au cours de la journée réservée au groupe 'Socialistes', celui-ci s'était finalement résigné à la retirer de l'ordre du jour de sa "niche" parlementaire.

Extension des délais

Le texte visant à rendre plus effectif le droit à l'avortement, son article 1er - de loin le plus controversé -,  allonge les délais de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines. Lors du dernier examen du texte en commission, le 10 février dernier, Albane Gaillot avait rappelé que deux mille femmes se rendaient chaque année à l'étranger à défaut de pouvoir avorter en temps et en heure en France.

Le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE), saisi par le gouvernement, a par ailleurs conclu en décembre 2020 "qu’il n’y a pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines".

Possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG

La proposition de loi stipule que l'IVG peut être pratiquée par une sage-femme. Cette dernière peut la réaliser jusqu'à la 10ème semaine par la voie chirurgicale, et jusqu'à la fin de la 7ème semaine par voie médicamenteuse.

La formation exigée et les expériences attendues des sages-femmes seront fixées par décret, tout comme leurs conditions de rémunération.

Mettre un terme aux entraves persistantes

La double-clause de conscience spécifique à l'IVG est supprimée par le texte, l'idée étant de faire évoluer les mentalités pour que l'avortement ne soit plus considéré comme un acte médical à part. Les praticiens pourront continuer de faire usage de la clause de conscience générale pour, le cas échéant, ne pas pratiquer d'IVG.

La proposition de loi indique par ailleurs à son article 2 qu'un médecin ou une sage-femme qui refuserait de pratiquer une IVG devra informer l’intéressée de son refus "sans délai" et lui "communiquer immédiatement" le nom de praticiens susceptibles de l'accompagner.

Les agences régionales de santé (ARS) devront publier un répertoire recensant les professionnels de santé et structures pratiquant l’IVG, dont l'accès devra "être libre et effectif".

Enfin, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur l’application de la législation relative au délit d’entrave, identifiant les pistes d’amélioration du dispositif dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi.

Un texte très politique pour la fin du quinquennat

Ayant reçu le soutien de la majorité lors de la première lecture, comme à l'occasion du dernier examen en commission, le texte a toutes les chances d'être voté lors de cette nouvelle lecture à l'Assemblée. La navette parlementaire ayant été interrompue en février, elle reprendra là où elle s'était arrêtée. Il n'y aura donc pas de nouveau dépôt d'amendements, la proposition de loi sera examinée telle qu'elle aurait dû l'être à l'époque en séance, avec notamment, les 400 amendements LR. Mais les députés disposeront cette fois d'une semaine de travaux parlementaires pour les examiner, en lieu et place d'une seule et unique journée. Car le texte sera débattu dans le cadre de l'ordre du jour de la majorité, le président du groupe LaREM, Christophe Castaner, en ayant pris l'initiative. 

En revanche, l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat pour la suite de la navette entre les deux Chambres n'est pas assurée, tant la majorité LR du Palais du Luxembourg y est opposée. Albane Gaillot espérait que le texte puisse être examiné dans le cadre des niches socialistes, en décembre, mais cela sera impossible en raison du délai minimum de 6 semaines, requis après l'adoption du texte à l'Assemblée. La députée reste cependant "optimiste et mobilisée" et espère un coup de pouce du gouvernement qui n'est contraint par aucun délai pour inscrire un texte à l'ordre du jour. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait fait valoir une position de sagesse sur la mesure-phare des 14 semaines lors de l'examen du 8 octobre 2020, avant même l'avis favorable du CCNE qu'il avait lui-même saisi. Mais le couple exécutif semble, lui, opposé à la mesure. Dans un entretien livré au magazine Elle, publié en juillet dernier, Emmanuel Macron, avait notamment dit n'être "pas favorable" à l'extension des délais jusqu'à 14 semaines.