Joséphine Baker et les hommes : une sacrée saga

Elle a connu de nombreuses aventures intimes avec des hommes, mais seulement quatre ont vraiment compté pour elle, à des moments décisifs de sa vie.

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Temps de lecture : 5 min

Ils sont quatre, comme dans les mousquetaires de Dumas : Pepito l’imprésario, Jean le play-boy, Jacques le résistant et Jo le chef de famille nombreuse… Tous entrés par effraction dans la vie de Joséphine Baker, pour qui les hommes étaient plus des amuse-gueules que des compagnons de voyage solides et constants. La faute sans doute à une jeunesse violente et vagabonde, un géniteur qui l’abandonna à sa misère, un premier mari dès 12 ans qu’elle calma à coups de bouteille sur la tête, et un second, le jockey américain William Baker, qui resta dans l’histoire pour lui avoir laissé son nom – elle l’a quitté à 16 ans pour aller tenter sa chance à New York comme danseuse. C’est là qu’elle connut d’ailleurs ses premières expériences lesbiennes avec les filles des cabarets. Pour elle, le sexe ne restera qu’une gymnastique saine et utile, une expérience sportive comme une autre.

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Son triomphe à Paris attire les mâles comme des mouches. Elle n’a que 19 ans, mais devient d’emblée la coqueluche du Tout-Paris. La liste de ses amants s’allonge aussi rapidement que son compte en banque : Jean Gabin, Georges Simenon – promu secrétaire particulier –, Michel Simon et un nombre impressionnant de fils de bonne famille ou de bourgeois richissimes, sans oublier quelques femmes, dont la championne de course automobile Violette Morris… « Si tous mes amants pouvaient se donner la main, ils feraient trois fois le tour de la terre », aimait plaisanter la star.

Façonnée par Abatino

Parmi tous ces courtisans, le Sicilien Pepito Abatino gagne sa confiance et devient son pygmalion. Alors que Joséphine Baker n’aurait pu être qu’un feu de paille dans le show-biz, il va faire d’elle la première grande star noire de l’époque, souvent en la rudoyant. « C’est l’homme de sa vie, il lui apprend tout : parler, chanter, tenir aussi bien la scène qu’une conversation et une coupe de champagne, les arcanes du métier comme les bonnes manières », confirme Emmanuel Bonini, auteur de La Véritable Joséphine Baker (éd. Pygmalion, 2000). En vrai pro, Pepito la réinvente sans cesse, organise ses tournées, la lance dans le cinéma, négocie les contrats et les licences autour de son nom : camembert, cigare, parfum, produits de beauté, poupée, le nom de Baker vaut de l’or – il lui achètera un immeuble entier dans Paris, avenue Bugeaud, et une splendide villa au Vésinet, dans la banlieue chic de la capitale. Une fois au sommet, la diva le quitte brusquement lors d’une tournée orageuse aux États-Unis.

À LIRE AUSSI Pourquoi Macron va panthéoniser Joséphine BakerElle ne reste pas longtemps seule : en 1937, alors que le fascisme ronge l’Europe, elle n’hésite pas à épouser le juif Jean Lion, un play-boy flamboyant fils d’une grande famille industrielle. Elle ne résiste pas à sa cour, il a des ambitions politiques, cette union est aussi pour lui un coup de pub… Mais le mariage dure peu : le couple est mal assorti, Jean Lion est un vrai coureur, Joséphine a des horaires impossibles, les disputes sont fréquentes et une fausse couche vient tout briser. L’expérience se conclut par un divorce, mais Joséphine a gagné un sésame qui vaut tous les maris du monde : son mariage a fait d’elle une citoyenne française à part entière.

La guerre et l’amour

Le troisième homme qui compta dans sa vie est lié à son engagement dans la Résistance : le capitaine Jacques Abtey, membre du contre-espionnage, l’embarque dans l’aventure avec son consentement immédiat. « La France m’a faite comme je suis, lui lance-t-elle. Je suis prête à lui donner ma vie. Disposez de moi comme vous l’entendez, capitaine. » Il la prend au mot et devient son amant. « Jacques Abtey a eu une vraie passion pour elle, raconte Emmanuel Bonini, qui va même durer au-delà de la guerre. Quant à Joséphine, elle a enfin trouvé un homme à sa mesure. Elle a même songé à l’épouser. » À ses côtés, la star va traverser la Seconde Guerre mondiale avec un courage hors du commun : officiellement, Abtey est le secrétaire particulier de « la Vénus d’ébène », qui profite de sa notoriété pour glaner des informations dans tous les salons et ambassades qui comptent, avant de les transcrire à l’encre sympathique sur ses partitions, ou cacher des documents dans ses sous-vêtements. Des infos qui partent alors directement pour Londres via les réseaux.

Elle va encore plus loin en traversant la Méditerranée pour maintenir la flamme des combattants au Maghreb, toujours accompagnée de son amant-espion. Les Américains la prient de chanter pour les GI, puis elle entame des tournées pour les Forces françaises libres dans les déserts libyen et égyptien, dans des conditions souvent rudimentaires, tout en travaillant à rallier les potentats arabes à la France libre… Un soir de gala, à Alger, elle chante même devant de Gaulle, lequel lui fait remettre une petite croix de Lorraine en or qu’elle revendra aux enchères pour 350 000 francs au profit des troupes françaises. En 1944, Baker revient auréolée de gloire, sous-lieutenant des Forces féminines de l’armée de l’air, très fière d’arborer son uniforme flambant neuf.

En Dordogne, l’étonnant château de Joséphine Baker

Le dernier homme sera celui qui lui apporte une forme de respectabilité bourgeoise : le chef d’orchestre Jo Bouillon, avec lequel elle fonde une famille en adoptant des enfants venant de tous les continents. Ils s’étaient mis d’accord sur quatre, elle en ramènera douze dans leur château des Milandes, transformé en Disneyland à la gloire de Joséphine. « C’était un mariage plus artistique que romantique, juge Emmanuel Bonini. Bouillon était connu dans le milieu pour être homosexuel et Joséphine était bi, l’ambiance était électrique aux Milandes, les bibelots et les cendriers volaient dans les pièces… » Pendant que Joséphine enchaîne les galas, Jo Bouillon gère tant bien que mal l’intendance, tente de combler les dettes et d’éloigner les vautours, avant d’être jeté dehors par son impossible épouse et d’aller gérer un restaurant en Argentine. Après la mort brutale de Joséphine, en 1975, Jo continuera à veiller sur leurs enfants, soudain orphelins d’une mère qui les couvait. « Cette femme me fait penser à la fois à un torrent, un incendie et un rossignol », disait-il avec le recul. Sans doute la plus belle définition de la bouillonnante Joséphine.

La Véritable Joséphine Baker, par Emmanuel Bonini, éd. Pygmalion, 2000.

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Commentaires (6)

  • delneuF05

    Quelle femme formidable ! Au moins elle a eu des maris et amants "construits"

  • Coene

    On l'a fait entrer au Panthéon, mais je n'ai jamais vu un seul commentaire de ses enfants adoptifs. Ont-ils été heureux malgré tout ? Bien adapté à ces multiples adoptions ? Que sont-ils devenus ?

  • mitang

    Qui est l'actuel propriétaire du château de Joséphine Baker ?