Le fabuleux voyage des contenus ou le tour du monde en quelques millisecondes (1/3) : Les contenus dans le monde post Covid faster, better, stronger

Le fabuleux voyage des contenus ou le tour du monde en quelques millisecondes (1/3) : Les contenus dans le monde post Covid faster, better, stronger

Écrire ici que la consommation de données a augmenté, que nos habitudes ont radicalement changé au fil des dernières années, avec un quotidien de plus en plus connecté, pourrait sembler une façon simpliste et relativement convenue de commencer notre propos. Cependant, et c’est toute la question soulevée par ce fabuleux voyage des contenus, si ce fait semble universellement accepté, sa véritable ampleur, la vitesse de ces transformations, est souvent méconnue. Pour en donner un exemple précis, le trafic de données mobiles entre 2020 et 2021 a atteint près de 50% d’augmentation. Et le phénomène en lui-même n’est pas nouveau, en 2013 nous avions pu observer une augmentation de 89%, puis près de 88% en 2018. Notre industrie des télécom est ainsi un secteur unique, sujet à des évolutions de consommation brutales, et les absorber sans heurt pour ses clients perturberait les nuits de plus d’un chef d’entreprise et encore plus de son directeur technique.

Si les facteurs qui ont fait des années charnières de 2013 avec l’adoption de la 4G et 2018 avec la démocratisation de la consommation de vidéos sur mobiles, sont désormais bien connus, ceux qui sous-tendent cette nouvelle explosion de la demande sont plus complexes.

Ils sont liés aussi bien au choc externe et à proprement parler extraordinaire provoqué par la crise sanitaire, qu’à des évolutions tendancielles longues, accélérées par les mesures de prévention sanitaire.

La révolution des usages : vers un monde digitalisé

Ramenée à la consommation globale de données sur internet dans le monde, la période 2020-2021 a vu plus de 30% d’augmentation annuelle, en comptant notamment les quelques 4,6 milliards de téléphones portables connectés, cependant, et c’est le point le plus intéressant, les prédictions pour 2022 tablent sur une augmentation similaire.

Durant la période de crise sanitaire, la structure de consommation des données et in fine de contenus a été très largement transformée. Avec l’essor du confinement obligatoire dans la majorité des pays du monde, la maison est de fait devenue le bureau, et les différents aspects de la vie quotidienne, dont les divertissements, se sont très largement recentrés sur l’utilisation d’internet. En moyenne en 2021 si les citoyens américains consommaient près de 5h30 de vidéos par semaine, nous ne sommes pas en reste avec un score de 4h40 en France : le nombre de vidéos mises en lignes en 30 jours est aujourd’hui supérieur à l’ensemble des contenus vidéos diffusés sur les chaînes de télévision américaines pendant près de 30 ans. L’Europe à elle-seule représente près de 30% de l’ensemble des visionnages de vidéos Youtube dans le monde. Cette augmentation exponentielle des contenus va de pair avec une diversification des contenants. Là où Youtube reste l’acteur principal, avec plus d’1 milliard d’heures de contenus consommé chaque jour, l’apparition de nouveaux supports, à l’instar des différents réseaux sociaux, a permis aussi un renouvellement des habitudes à travers la consommation de formats plus courts comme l’a montré le succès de TikTok.

L’amplification de la demande est aussi liée, au quotidien, à la transformation de l’environnement de travail. L’apparition et la démocratisation d’applications jusqu’ici relativement spécialisées, comme les vidéo-conférences, ont eu un impact notable sur le volume global de data consommé, le marché des applications de vidéo-conférences ayant doublé en moins d’un an pour atteindre près de 8 milliards de dollars en 2020. Durant une année qui a été difficile pour beaucoup, il semble que la vidéo, plus conviviale, soit venue remplacer largement le téléphone, 76% des individus ayant recours à cet outil en télétravail.

Si nous mesurons tous l’apport du présentiel pour le maintien du lien et de la créativité, il apparaît désormais acté que le télétravail est entré, au moins partiellement, dans le fonctionnement normal des entreprises. Par ailleurs, si lutter contre l’infobésité sur internet est devenu indispensable, la consommation mobile de nos clients va continuer à croître. L’utilisation des réseaux internet va donc continuer à prendre une place prépondérante dans la vie quotidienne de chacun.

Une infrastructure modernisée à marche forcée

La période Covid a posé une question cruciale, parfois anxiogène, sommes-nous à même de répondre à cette demande ? Si la question a été régulièrement soulevée, voire fantasmée au début de la crise, la résilience de nos infrastructures réseaux nous a heureusement prouvé notre totale capacité à faire face. Mais elle nous a également rappelé l’importance vitale que revêtent nos réseaux, tant sur la partie domestique qu’internationale. Une dimension clé quand on prend en compte que 80% des contenus consommés en France sont produits aux États-Unis et que plus de 90% de l’internet mondial passe par les câbles sous-marins.

A l’opposé il ne faut pas oublier que, malheureusement, encore près d’un habitant de cette terre sur 2, soit 4 milliards de personnes, n’a aucun accès à internet, avec un taux d’accessibilité en Afrique qui n’est encore que de 43%. Cette fracture numérique crée une inégalité inacceptable dans l’accès aux services d’éducation ou de santé entre autres, et freine l’économie des pays. Fracture dont les conséquences ont été particulièrement mises en lumière durant cette période et qui confère une responsabilité majeure à toutes les parties prenantes pour la combler, nous telcos mais aussi États, collectivités locales, acteurs financiers publics et privés.

Une responsabilité de continuer à déployer des réseaux très haut débit non seulement pour accompagner la croissance des usages de ceux qui sont connectés, mais aussi et encore plus pour proposer des solutions à ceux qui ne le sont pas. C’est un enjeu social mais également économique face à la montée de l’économie numérique et à la digitalisation de tous les métiers de l’industrie.

Dans ce cadre, l’investissement dans la modernisation et le déploiement des infrastructures est plus que jamais un sujet critique. Face au mur financier que représente cet investissement, les montants déjà énormes que financent les telcos ne suffiront pas, car les arbres ne grimpent pas jusqu’au ciel. Toutes formes d’initiative sont nécessaires et encore à inventer, dans des partenariats public-privé ou telcos - acteurs financiers. Les États et institutions ne s’y trompent pas. Au sein du plan de relance européen, près de 50% du budget est alloué au développement de l’Europe numérique dont la modernisation et l’extension de l’infrastructure réseau. Du côté français le plan France Très Haut Débit fixe la généralisation de réseaux très haut débit nouvelle génération (NGA) à 2025 pour l’ensemble du territoire. Aux États-Unis ce sont plus de 100 milliards de dollars qui seront demain dédiés à l’amélioration de la couverture et au désenclavement des États les moins bien desservis aujourd’hui. Sur le continent africain de même de nombreux pays ont choisi de mettre le développement digital et réseau au cœur de leur stratégie de croissance, à l’image du plan Sénégal Numérique qui consacre plus de 1,3 milliards de francs CFA à la digitalisation de son économie.

Avec les perspectives ouvertes par la technologie 5G, par un besoin qui se généralise d’un raccordement en fibre optique des entreprises comme des particuliers, par le développement de nouvelles offres satellitaires, ou encore par l’intérêt accru pour les objets connectés, le monde de consommation de contenus après Covid ne ressort pas foncièrement changé mais largement renforcé, accélérant des tendances déjà présentes et créant une dynamique d’investissement jamais égalée.

Mais cet enjeu du réseau, de la transformation de nos infrastructures, n’est qu’un maillon de la chaîne de livraison des contenus. Comprendre le voyage des contenus aujourd’hui c’est aussi connaître l’ensemble des acteurs qui nous permettent, de manière presque immédiate, de consommer sur notre ordinateur des contenus produits et stockés de l’autre côté du monde, et c’est le processus que j’expliquerai plus en détail dans ma prochaine tribune.

 

 

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