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Iran : une loi pourrait interdire la détention “d’animaux dangereux” dont les crocodiles et… les chats

C’est une proposition de loi qui pourrait sembler absurde, mais elle est bien réelle : 75 députés iraniens ambitionnent d’interdire à leurs concitoyens de posséder des chiens et des chats, sous peine d’une amende très lourde et de confiscation de l’animal.  En réaction, beaucoup d’Iraniens protestent sur Instagram, photo de leur compagnon inoffensif à l’appui. 

Nombre d’Iraniens partagent des photos de leur animal de compagnie, chien ou chat, le présentant ironiquement comme “dangereux”, afin de moquer la proposition de loi visant à interdire leur détention .
Nombre d’Iraniens partagent des photos de leur animal de compagnie, chien ou chat, le présentant ironiquement comme “dangereux”, afin de moquer la proposition de loi visant à interdire leur détention . © Observers
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Ils sont nombreux à partager des photos de leur “animal dangereux”, pour protester contre ce projet de loi dont ils craignent l’adoption, le parlement étant à majorité écrasante d’ultra conservateurs, favorable à durcir la législation sur la détention d’animaux. Une pétition a été adressée au président du parlement Baqer Qalibaf pour lui demander de retirer la proposition. 

La proposition de loi assimile ainsi chats et chiens aux crocodiles et autres serpents, et prévoit une amende de de 80 million de tomans [2666€], soit 30 fois le salaire minimum en Iran, pour les contrevenants.

Mohammad Ali Abtahi, ancien directeur de cabinet du président Khatami, proche des réformistes, a partagé cette photo sur Instagram : “qu’est-ce que cet adorable chat a en commun avec un crocodile ?”
Mohammad Ali Abtahi, ancien directeur de cabinet du président Khatami, proche des réformistes, a partagé cette photo sur Instagram : “qu’est-ce que cet adorable chat a en commun avec un crocodile ?” © .

Pour ses opposants, ce projet ne fera qu’empirer la situation du droit des animaux dans le pays, déjà pas reluisante. Et il a déjà des conséquences, plusieurs abris déplorant une augmentation du nombre d'animaux abandonnés ces dernières semaines. 

“Ajouter une photo de votre animal dangereux ici” dit cette publication Instagram.
“Ajouter une photo de votre animal dangereux ici” dit cette publication Instagram. © .

“Les gens ne vont pas abandonner leurs enfants pour une loi” 

Les animaux de compagnie, surtout les chiens, sont considérés comme sales ou “impurs” dans plusieurs pays musulmans. Mais en Turquie par exemple, ils sont parfaitement acceptés. Et pour notre Observatrice, “l’impureté” n’est pas la seule raison qui motiverait les ultras conservateurs à interdire la possession de chiens et chats. Minou Momeni est journaliste et activiste du droit des animaux. Elle possède un chien et un chat. 

Ce n’est pas une décision subite. Ces extrémistes arrivés au parlement lors des dernières élections préparaient ça depuis des années. Il y a une dizaine d’années, ils plaçaient des agents de la police des mœurs devant les cliniques vétérinaires et confisquaient les chiens. Ils les laissaient ensuite dans les déserts autour de Téhéran. Ça a fait du bruit et ils ont dû arrêter. De nos jours, on entend encore des histoires de confiscation, par-ci par-là. 

En fait, une des raisons principales est qu’ils considèrent qu'avoir un chat ou un chien relève d'un mode de vie à l’occidentale, ce qu'évidemment ils voient d’un très mauvais oeil. Un autre élément est que de leur point de vue, les gens ont des chiens et des chats plutôt que d’avoir des enfants et augmenter la natalité, c’est une volonté qui vient du plus haut sommet de l’Etat [le taux de natalité en Iran est de 1,6, contre 2,02 en Turquie et 1,85 en France, NDLR]

Mais je doute que les gens abandonneront comme ça leurs animaux. Mes animaux sont comme mes enfants. Personne n’abandonnerait ses enfants à cause d’une loi. S’ils n’écoutent pas nos protestations et votent cette loi, nous trouverons un moyen de nous en sortir. 

“Ils peuvent confisquer mon chien n’importe quand“

Dans l’immédiat, notre problème, même avant que la loi ne soit votée, c’est l’explosion des prix de tout ce qui est lié aux animaux de compagnie : la nourriture, les médicaments, les vaccins, tout a grimpé. Par exemple, quand je dépensais 250 00 tomans [environ 8 euros, NDLR] pour un sac de 10 kilos de nourriture pour mon chien, il m’en coûte désormais 2 millions de tomans [66 euros, NDLR] et bien souvent c’est de la nourriture périmée. Les vaccins coûtent près de 15 fois plus cher, autour de 600 000 tomans (20 euros). Dans les abris, le prix d’une stérilisation a aussi nettement augmenté, autour de 2 millions de tomans [le salaire minimum en Iran est de 2,65 millions de tomans, soit 88,5 euros]

Tout ça est lié au fait que les autorités ont d’ores et déjà interdit l'importation de produits liés aux animaux de compagnie, et que la nourriture par exemple est désormais amenée par des trafiquants. La nourriture faite ici n'est pas bonne, des animaux ont eu des problèmes de santé après l’avoir consommée.

 

“Je vous présente l’animal dangereux de la maison, si vous avez un animal dangereu,x, partagez ici” dit cette publication Twitter

Dans le refuge où je travaille, il y a de plus en plus de chiens abandonnés, que les gens ramènent après les avoir trouvés dans les parcs ou sur les bords de route. Des propriétaires irresponsables ont peur de devoir payer une lourde amende ou d’aller en prison d’ici quelques semaines, donc ils les laissent juste comme ça.  

En parallèle nous avons une demande croissante pour des chats, peut-être parce qu’il n’y a pas besoin de les sortir et qu’ils sont plus faciles à cacher. 

De toute façon , il est déjà devenu compliqué de promener son chien dans la rue librement. Si une patrouille de police me voit avec mon chien, elle peut me le prendre, donc je le sors tôt le matin ou tard le soir. Il y a quelques semaines cependant, un policier m’a arrêté et m’a clairement dit qu’il pourrait confisquer mon chien. Il a été sympa mais m’a dit que je n’aurais pas forcément autant de chance la prochaine fois.

Autour de moi, six familles sur dix ont un animal de compagnie. Il arrive même que des religieux musulmans possèdent un chien ou un chat, donc cette proposition de loi va concerner beaucoup de monde.

 

“L’animal dangereux de mon père”

Avoir un animal de compagnie a longtemps été un luxe en Iran, mais selon notre Observatrice, c’est désormais chose assez répandue. Elle en veut pour preuve l'augmentation de l’offre de produits en ligne et en magasins pour les animaux et de vétérinaires.  

En réaction à la contestation, un des député à l'origine de la proposition de loi, Hosseinali Deligani, a expliqué dans une interview le 23 novembre que “marcher avec des chiens et des chats revient à  harceler les gens et restreindre leurs libertés. Et de l’autre côté, des gens pourraient amener des vaches et des moutons dans les parcs ce qui pourrait impacter l’ordre public. Avec cette loi nous pouvons éviter ce genre de désagréments”.

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