Comment le Covid a dégoûté des milliers de soignants : Chloé, aide-soignante à Bordeaux, témoigne

Passionnée par le domaine médical, Chloé n’avait qu’un seul rêve : devenir infirmière. Mais en quelques mois, l'épidémie de Covid-19 a eu raison de sa vocation. Portrait.

Confrontée au manque de moyens financiers et humains en milieu hospitalier, des milliers de soignants hésitent à changer de profession.
Confrontée au manque de moyens financiers et humains en milieu hospitalier, des milliers de soignants hésitent à changer de profession. (© Illustration / Actu.fr / Nicolas Gosselin)
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« Le Covid-19 m’a écœuré du travail de mes rêves », souffle Chloé*, aide-soignante à Bordeaux. Confrontée au manque de moyens financiers et humains, elle envisage de claquer la porte de l’hôpital et refermer ainsi un chapitre de sa vie.

Après un Bac pro ASSP et un diplôme d’aide-soignante obtenus à l’IFAS (Institut de Formation d’Aides-Soignants) de Dax, Chloé part travailler à Bordeaux en septembre 2018 avec quelques centaines d’euros en poche, mais bel et bien décidée de vivre de sa passion.

« Je vivais ma meilleure vie »

Un peu plus d’un an avant le début de la pandémie, c’était plutôt « bien parti », selon elle : un petit studio dans le centre de Bordeaux, un premier emploi en CDI dès son arrivée, un salaire de 1 350 euros net.

À ce moment-là, je vivais ma meilleure vie : j’emménage dans la ville qui m’a toujours attirée, je suis indépendante, et je travaille dans la santé, le domaine qui me passionne depuis toute petite. Tout était parfait.

Chloé

Chloé multiplie les services et découvre de nouvelles branches de son travail : oncologie, EHPAD, urgence, chirurgie, aide aux personnes en situation de handicap… La jeune bordelaise s’émancipe en blouse blanche et se rêve, à terme, professeur dans un IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers).

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Un projet idyllique, peu à peu gâché par une épidémie venue fragiliser le secteur hospitalier pendant de longs mois. « Bien avant l’épidémie, je savais que c’était un métier difficile avec beaucoup de turn-over, des burn-outs, des soignants qui abandonnent et se réorientent, mais je n’y apportais pas beaucoup d’importance, j’aimais mon travail et je faisais avec mais l’épidémie a tout changé », ajoute la Bordelaise.

Un masque par jour, deux fois plus de travail et la « boule au ventre »

Manque de personnel, pression hiérarchique, conditions de travail difficiles, insuffisance de moyens (masques, gants et combinaisons)… Le Covid-19 aggrave la crise d’un secteur en difficulté depuis de nombreuses années. 

Quand je dois m’occuper de deux fois plus de patients par jours parce qu’une collègue est positive au Covid et qu’elle n’est pas remplacée, je dois faire mon travail deux fois plus vite, et passer deux fois moins de temps avec chaque patient. Et ça, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

Chloé

Pendant plus d’un an et demi, la pandémie dévoile au grand jour des fragilités dénoncées depuis plusieurs années par le personnel hospitalier. Des difficultés qui poussent de nombreux soignants, comme Chloé, à perdre petit à petit le plaisir d’exercer leur passion.

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« Pendant les différents confinements, je n’avais plus envie d’aller travailler le matin. Je me levais avec la boule au ventre et je savais que ça n’allait pas bien se passer, que je devrai faire mon travail rapidement avec un seul masque chirurgical par jour et sans aucune autre protection », ajoute la soignante.

40% des infirmiers songent à une reconversion

L’épidémie de Covid-19 a marqué un tournant dans la vision que Chloé avait de son métier. En seulement quelques mois, la fille de pharmaciens qui souhaitait passer ses journées à aider ceux qui en avait besoin envisage aujourd’hui un avenir différent.

« Je ne pensais pas que je pourrais être autant dégoûtée de mon métier, confie-t-elle. L’épidémie nous a littéralement lessivés, on ne se sent plus capable de travailler dans ces conditions. La plupart de mes collègues veulent se reconvertir et ne plus connaître la période qu’on vient de vivre. »

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Depuis la crise sanitaire, 40% des infirmiers envisagent de changer de métier selon une consultation de l’ordre national des infirmiers, dont les résultats ont été publiés par Le Parisien. À peine trois ans après ses débuts dans le secteur, Chloé demeure tourmentée par la même question : « Si j’abandonne ce qui me passionne depuis toujours, qu’est-ce que je vais faire ? »

*À la demande de l’intéressée, le prénom a été modifié et une photo d’illustration a été utilisée pour ne pas la mettre en difficulté dans son service.

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