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ANALYSE

À quoi joue la Russie à la frontière avec l’Ukraine ?

Les États-Unis et l’Otan ont à nouveau mis en garde mardi la Russie accusée de masser depuis plusieurs semaines des troupes à la frontière ukrainienne. Quel est l’objectif poursuivi par Moscou avec ce renforcement militaire de grande ampleur ? Les craintes des pays occidentaux sont-elles justifiées ? État des lieux et éléments de réponse avec deux spécialistes interrogés par France 24.

Des soldats ukrainiens en station dans le village de Zolote, à proximité de la région de Lougansk occupée par des séparatistes pro-russes, le 2 novembre 2019.
Des soldats ukrainiens en station dans le village de Zolote, à proximité de la région de Lougansk occupée par des séparatistes pro-russes, le 2 novembre 2019. © Gleb Garanich, Reuters
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L’incertitude règne à l’Est. Depuis plusieurs semaines, des images satellites révèlent un important renforcement de la présence militaire russe aux portes de l’Ukraine qui tire la sonnette d’alarme auprès de ses alliés occidentaux. Les autorités du pays estiment à plus de 90 000 le nombre de soldats russes massés près de sa frontière.

"Les intentions russes ne sont pas claires", a reconnu le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, lors d'une visite aux forces de l'Alliance en Lettonie. Mais, a-t-il ajouté, il y a une concentration inhabituelle de forces pour la deuxième fois cette année".

Au printemps 2021, des déplacements de troupes russes avaient déjà suscité l’inquiétude de l’Ukraine et de l’Otan. Cette fois, la situation semble différente, assurent les experts interrogés par France 24.

"Il s’agit là, non pas de manœuvres militaires, mais d’une montée en puissance progressive du dispositif russe", analyse l’ancien diplomate Jean Gliniasty, spécialiste de la Russie.

"Au printemps, il y avait un consensus international sur le fait que les Russes n’avaient pas les moyens nécessaires pour lancer une invasion. Aujourd’hui, les Russes veulent inverser le rapport de force et montrer que cette menace est crédible", explique Edouard Simon, chercheur associé à l’IRIS et expert des questions de  défense européenne.

Selon les services de renseignements militaires américains et ukrainiens, la probabilité d’une attaque russe serait de plus en plus élevée et pourrait même intervenir dès le début de l’année 2022.

Le prix de la guerre Russie-Ukraine

Cependant, si la menace est crédible, le coût d’une attaque de l’Ukraine pourrait s’avérer considérable pour la Russie.

Soutenue par les États-Unis, l’Ukraine a désormais des capacités militaires bien plus importantes qu’en 2014, année de l’annexion illégale de la Crimée par Moscou. Selon un porte-parole du Pentagone interrogé en juin, Washington a investi plus de 2,5 milliards de dollars pour renforcer la défense du pays depuis 2014.

>> À lire : Russie-Ukraine : retour sur le conflit en quelques dates-clés

Dernière livraison d’aide militaire en date : 80 tonnes de munitions. Les Américains auraient également fourni ce mois-ci un nouveau lot de systèmes antichars Javelin et des équipements de localisation.

L'alliance dirigée par les États-Unis est à la recherche d’un équilibre fragile : éviter l’escalade mais montrer au Kremlin qu'il payerait très cher une agression dans l’est de l’Ukraine, même si le pays ne fait pas partie de l'Otan.

"L’Otan va sans doute accentuer sa coopération avec l’Ukraine mais les États-Unis ne veulent pas que ça dégénère en conflit, car leur priorité c’est la Chine", explique Jean Gliniasty.

"Les États-Unis veulent aussi préserver le caractère sacro-saint de l’article 5 du traité de l’Atlantique nord", ajoute Edouard Simon. "L’idée est de dire qu’il y aura des conséquences mais que ce n’est pas la même chose d’attaquer un membre de l’Otan comme l’Estonie ou la Pologne".

L’article 5 stipule que si un pays de l’Otan est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres.

"Faire monter les enchères"

Si le risque d’escalade est bien réel, l’objectif premier du Kremlin n’est probablement pas une confrontation directe avec l’armée ukrainienne et ses alliés occidentaux sur le front du Donbass.

Depuis 2014, cette région est déchirée par une guerre entre séparatistes soutenus et financés par la Russie et les autorités de Kiev. Les accords de Minsk devaient permettre de faire taire les armes mais les accrochages sont encore nombreux.

Les Russes reprochent aux Ukrainiens de ne pas respecter les termes de l’accord, notamment la mise en application d'une loi accordant de manière temporaire l'autonomie locale dans les régions de Donestk et de Lougansk. Autre point de friction : la question de l’amnistie de toutes les personnes impliquées dans la guerre du Donbass.

"Les accords de Minsk sont au point mort car les Ukrainiens n’en veulent pas. Ils ont été signés par l’ancien président Porochenko dans une situation d’extrême faiblesse de l’armée ukrainienne", rappelle Jean Gliniasty. "Il faut espérer que les Russes fassent aujourd’hui monter les enchères pour accélérer des négociations qui sont dans l’impasse".

Dans ce contexte, la Russie a donc tout intérêt à laisser planer le doute sur ses intentions. Invité par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à démentir l’existence d’un plan d’invasion à grande échelle, le Kremlin a fait le choix d’un silence éloquent.

Nul doute que d’âpres négociations se préparent en coulisses pour débloquer la situation alors que le conflit au Donbass a déjà fait plus de 10 000 morts.

Prochain rendez-vous en fin de semaine à Stockholm, à la réunion des ministres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), rare forum international dont les États-Unis et la Russie soient tous les deux membres. Il se déroulera en présence du secrétaire d’État américain Anthony Blinken et du ministre russe des Affaire étrangères, Sergueï Lavrov. C'est la première fois depuis 2017 que les représentants américain et russe seront présents ensemble à cette réunion annuelle.

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