Les paquebots s'étendant sur des milliers de mètres carrés commencent à couler. Les plus gros hypermarchés, symbole de la consommation de masse, ne répondent plus aux attentes des consommateurs. Chaque distributeur adopte une stratégie différente pour sortir indemne de ce naufrage annoncé. Alors que leur fréquentation est en baisse, la réinvention de ce modèle quelque peu périmé se fait urgente.
C’était le 15 juin 1963. À sainte Geneviève-Des-Bois dans l’Essonne, un nouveau concept s’installe pour la première fois en France, un hypermarché. À sa tête, la petite entreprise Carrefour tente un coup de poker : 5 000 références de produits alimentaires, du jamais vu à l’époque, remplissent les rayons de ce magasin de 2 500 m2. Une révolution. Devant ce qui va devenir le temple de l’hyperconsommation, la foule se presse. Charcuteries, fromages, légumes… tout est réuni sous un même toit à prix cassé. Le cabas est remplacé par un chariot, les coffres des voitures se remplissent sur des parkings aux tailles démesurées.


60 ans plus tard, les hypermarchés sont toujours présents, et se sont multipliés comme des champignons sur tout le territoire. Mais les modes de consommation ont changé. "Il y a un désamour pour les très grands hypermarchés", avance Karine Sanouillet, experte RSE et grande distribution, passée par Carrefour. "L’époque où se promener dans un hyper était une occupation, un loisir, est révolue. Maintenant les consommateurs veulent aller vite", explique la spécialiste.

Carrefour, Casino, Auchan… à chacun sa méthode


Signe d’une perte d’intérêt, Carrefour vient d’annoncer se délester d’une quinzaine d’hypermarchés pour les placer sous le statut de la location-gérance. Parmi eux, des mastodontes comme l’hyper de Vitrolles et ses 19 000 m2 ou ceux de Portet sur Garonne ou Aulnay Sous Bois, qui s’étendent respectivement sur 17 000 et 14 000 m2. Si Alexandre Bompard le patron du groupe, se veut rassurant, la stratégie du distributeur est claire : réduire la dépendance à ces poids lourds. Dans le magazine spécialisé LSA, Carrefour explique ainsi que ce "sont des très grands magasins très déficitaires, pour lesquels le redressement est quasiment impossible dans le cadre du modèle intégré. La location-gérance est le seul modèle de gestion qui permet de préserver l’emploi et d’assurer un redressement".


Il y a encore une quinzaine d’années, les Français réalisaient plus de la moitié de leurs courses dans ces hypermarchés, le taux chute à 41 % cette année. Alors que Casino revend ses hypermarchés à tour de bras aux concurrents, Auchan, très dépendant de ses hyper, va à la pêche au client avec ses "drive piéton". Dans ces magasins situés en centre-ville, le client peut récupérer ses courses commandées sur internet. "Nous voulons faire découvrir la largeur de l’offre de l’hyper à des clients qui n’ont pas l’habitude d’aller en périphérie, ou qui n’étaient pas clients chez nous", explique au Figaro Cyril Olivier, directeur du digital d’Auchan. 


Est-ce à dire que le modèle des hypermarchés est mort ? Il est en tout cas périmé et doit se réinventer pour coller au mieux aux attentes des consommateurs. Car s’il y a une désaffectation, les hypermarchés de taille plus modeste ont toujours leur place et sont en train d’évoluer. "S’il y avait un vrai rejet des hyper, on assisterait à l’explosion des épiceries vrac, des enseignes bio, des Amap… Il y a de nouvelles attentes des consommateurs mais pas de bascule", analyse Karine Sanouillet. Sur le secteur de l’alimentation bio par exemple, c’est toujours la grande distribution qui domine. 
Marina Fabre Soundron @fabre_marina 


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