Plastique : en Île-de-France, près de 9 déchets sur 10 ne sont pas recyclés

Seuls 14% des déchets en plastique produits par les ménages et les entreprises franciliennes sont collectés pour être recyclés, a calculé une étude de l'Observatoire régional des déchets d'Ile-de-France (Ordif). En cause, les emballages qui passent notamment entre les mailles du filet.
Giulietta Gamberini
Pourtant, deux tiers des emballages disposent déjà d'une filière de recyclage, selon leur éco-organisme.
Pourtant, deux tiers des emballages disposent déjà d'une filière de recyclage, selon leur éco-organisme. (Crédits : DR)

Les objectifs de la première région française sont ambitieux : recycler la moitié de ses déchets en plastique en 2025, et éradiquer les objets en plastique à usage unique de son territoire en 2030. Mais aujourd'hui, l'Île-de-France en est très encore loin. Des 860.000 tonnes de déchets en plastique jetées chaque année par les ménages et les entreprises franciliens, seules 14% sont collectés pour être recyclés, contre 24% en moyenne au niveau national, montre une étude publiée le 30 novembre par l'Observatoire régional des déchets d'Ile-de-France (Ordif) - qui reconnaît toutefois des différences de modes de calcul pouvant affecter cette comparaison.

34% de ces déchets en plastique sont enfouis en décharges, et 43% incinérés pour être valorisés sous forme d'énergie. Le reste, "non collecté ou mal géré", est en partie disséminé dans l'environnement. L'Ordif estime notamment que quelque 17.000 tonnes de déchets en plastique franciliens rejoignent chaque année les milieux aquatiques et les sols, où leur durée de vie oscille entre 100 et 1.000 ans. Des 150 tonnes des déchets en plastique relarguées chaque année par la Seine, 110 tonnes proviendraient de l'Île-de-France, soit l'équivalent de 3,3 millions de bouteilles d'eau.

Seuls 8% des emballages ménagers sont triés

La principale difficulté vient des emballages, dont la durée de vie est très courte et qui représentent la grande majorité des 560.000 tonnes de déchets en plastique produits par les ménages et les TPE-PME franciliens. Bien qu'ils constituent les trois quarts des déchets triés, leur taux de tri reste très faible: 90% des emballages franciliens sont ainsi jetés dans la poubelle mixte. Seuls 8% des emballages ménagers et 30% des emballages professionnels sont captés pour être orientés vers le recyclage, relève l'Ordif.

Une situation paradoxale si l'on compte que c'est autour des emballages que la filière de récupération est principalement structurée, en Île-de-France comme dans tout l'Hexagone. Des 58 centres de tri présents dans la région, 21 sont ainsi dédiés aux emballages ménagers. Entre 2016 et 2018, ils ont enregistré une hausse de 20% des plastiques sortants. Mais la diversité des types de résines et leur association avec d'autres matériaux restent un frein au tri comme au recyclage.

La majorité des déchets plastiques collectés pour être recyclés sont toutefois constitués des déchets issus d'activités économiques, qui représentent 270.000 tonnes annuelles au total. Pour ces déchets, la principale difficulté vient de la dispersion du gisement (44% sont issus du BTP, 34% du commerce, 12% des services et 11% de l'industrie), ainsi que de l'existence de filières de collecte très différentes.

Dans l'industrie notamment, "la dissémination des tonnages complique le captage", note l'Ordif.

Une économie circulaire peu locale

Ce premier état des lieux des déchets plastiques en Île-de-France pointe en outre du doigt une économie circulaire francilienne non seulement encore très timide, mais de surcroît très peu locale. Une fois trié, le plastique - produit majoritairement en Asie -, est très peu préparé au recyclage et ensuite régénéré dans la région. L'étude ne compte que deux sites qui compactent du polystyrène expansé et deux installations dédiées au démantèlement, à la dépollution et au broyage de déchets d'équipements électriques et électroniques. Quant à la quarantaine de régénérateurs présents en France - qui trient plus finement les déchets, les lavent, les broient et les fondent en granulés ou poudres utilisables en plasturgie -, l'Île-de-France n'en compte que deux. Une autre dizaine, bien que très spécialisés, se trouvent toutefois à moins de 200 km de Paris, note l'Ordif.

Les déchets d'Île-de-France viennent ainsi grossir les tonnages français exportés pour être recycles : la moitié du plastique capté. Depuis la fermeture de divers pays asiatiques, et notamment de la Chine, qui ont durement restreint l'importation de déchets, l'export hors Europe reste toutefois "extrêmement réduit (quelques pourcents en 2018, contre un quart des exports en 2016)", note l'Ordif, en ajoutant qu'"aujourd'hui, les emballages sont orientés préférentiellement en France (80%)".

Des déchets en majorité recyclables

L'observatoire appelle alors à "passer d'une simple gestion des déchets à une économie de la ressource" en Île-de-France, cohérente avec le Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) de la région, où le flux du plastique figure comme prioritaire en matière de prévention et de valorisation des déchets.

"Le recyclage des plastiques franciliens est le moyen d'éviter de produire environ 230.000 tonnes de CO2 par an", calcule l'Ordif.

L'Ordif relève notamment un "potentiel d'amélioration" dans "les plastiques non captés bénéficiant dès aujourd'hui d'une filière de recyclage, comme les bouteilles et flacons, dont 30 % ne sont toujours pas triés, pour un recyclage réel de seulement 50 %, après refus de tri". Selon Citeo, l'éco-organisme chargé des emballages ménagers, en effet, seul 1% des emballages n'a aujourd'hui aucune solution de recyclage, rappelle l'étude - à laquelle s'ajoutent néanmoins 15% des emballages pour lesquelles une filière de recyclage est en développement mais pas encore opérationnelle, et 20% pour lesquels on cherche actuellement des solutions d'écoconception.

Pour deux tiers des emballages en plastique, une filière de recyclage existe déjà. La simplification des consignes de tri appliquée depuis septembre 2021 en Île-de-France, permettant désormais de mettre tous les emballages en plastique dans la poubelle jaune, devrait faciliter le geste des ménages, espère la région.

La nécessité d'inventer de nouveaux modèles de collecte

Des gisements encore à développer sont en outre identifiés dans l'ameublement, qui contient environ 1,5 % de plastiques (plus de 3.000 tonnes par an), dans  les véhicules hors d'usage (qui engendrent 17.000 tonnes de déchets en plastique collectés et traités en Île-de-France, dont seulement 6 300 tonnes recyclées), et dans les les déchets électriques et électroniques (qui pourraient permettre de recycler environ 9.000 tonnes de plastique par an).

L'étude insiste aussi sur la nécessité de structurer les filières de récupération et de tri, "cruciale pour développer le recyclage" des déchets industriels mais aussi de ceux ménagers. "Pour répondre au défi du très faible captage des plastiques, par exemple, de nouveaux modèles de collecte sont à inventer", écrit l'Ordif, en citant par exemple les dispositifs qui récompensent le tri, mais aussi l'installation de broyeurs chez les gros producteurs. L'étude insiste aussi sur la nécessité d'améliorer les débouchés potentiels de la matière recyclée, afin de favoriser les investissements dans le tri et le recyclage du plastique.

La réduction en ligne de mire

Enfin, l'Ordif souligne la nécessité d'éviter en amont la production de déchets, en promouvant des modes de consommation tels que les circuits courts, le vrac, la consigne pour réemploi, la location, ainsi que la réparabilité et l'écoconception. La stratégie régionale en faveur de l'économie circulaire (SREC2) adoptée en septembre 2020 par la région Île-de-France prévoit justement le lancement en 2022 d'un appel à projets visant à accompagner les projets utiles à cette fin.

A Paris, le réseau de commerces et entreprises ayant accepté de remplir gratuitement d'eau du robinet des gourdes, lancé par l'opérateur public de l'eau de la ville afin de lutter contre le plastique à usage unique, a obtenu 200 adhésions en un mois et demi, vient d'annoncer Eau de Paris. L'objectif est d'atteindre 500 commerces avant le printemps 2022. Mais au niveau national, les dispositions de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire destinées à réduire les déchets de la restauration à emporter et à développer le réemploi sont très peu appliquées, déplore une étude récente de l'ONG No plastic in my sea.

Ainsi, "se faire servir de la nourriture dans un contenant réutilisable est rarement possible", "le droit à de l'eau potable gratuite est passé sous silence", "se faire servir une boisson à emporter dans son contenant est difficile et la réduction financière prévue n'est pas appliquée", regrette l'ONG.

Lire aussi 2 mnA Rouen, la startup Greenbig repense le recyclage des bouteilles plastique

Giulietta Gamberini

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Commentaires 7
à écrit le 02/12/2021 à 9:07
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C'est une erreur stratégique en particulier pour un pays comme la France pauvre en matières premières primaires. Hors les déchets d'aujourd'hui seront nos matières premières de demain mais ça n'a pas encore effleuré l'esprit de nos tètes plates.

à écrit le 02/12/2021 à 8:49
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l équation n est pas simple ...mais en amont a t on vraiment de 2 ou 3 emballages dans les paquets de biscuits par exemple...sachant que l on paye cet emballage qu on va jeter une hérésie économique -encore plus en cas de forte inflation ...dans le...

à écrit le 02/12/2021 à 8:49
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l équation n est pas simple ...mais en amont a t on vraiment de 2 ou 3 emballages dans les paquets de biscuits par exemple...sachant que l on paye cet emballage qu on va jeter une hérésie économique -encore plus en cas de forte inflation ...dans le...

à écrit le 01/12/2021 à 23:00
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Qu'est ce qu'elle fout la pecresse ?

à écrit le 01/12/2021 à 19:15
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"Le reste, "non collecté ou mal géré", est en partie disséminé dans l'environnement" 9% donc et ils nous disent qu'ils ont compris.

à écrit le 01/12/2021 à 17:58
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bref, afin de lutter contre la pollution et le rechauffement climatique, vu que ca concerne paris, l'ensemble de la france aura droit a un nouvel impot ecolo social de perequation de gauche qui vise a diminuer le rechauffement climatique, et surtout ...

à écrit le 01/12/2021 à 17:03
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C'est compliqué de gérer les plastiques, sauf si ça a évolué, y a quasiment que le PET des bouteilles qui est géré (20 000 bouteilles vendues par minute en France, je crois), et aussi le PEHD et le PP (genre bidon de 5L d'eau pour fer à repasser ou l...

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