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Volley: rencontre avec Nicole, première joueuse transgenre du championnat de France

Originaire du Pérou, Nicole est devenue la première joueuse de volleyball transgenre à évoluer dans le championnat français. Elle a reçu sa licence il y a deux semaines. Un long chemin parcouru. C’est son club de Chaville, dans les Hauts-de-Seine (en Nationale 2), qui lui a permis d’être officiellement licenciée.

Un large sourire sur son visage. Nicole, 34 ans, découvre le championnat français de volley. Un premier match contre Rennes, en Nationale 2. Alors qu’il y a quelques temps, exaspérée par les démarches administratives qui n’aboutissaient pas, elle pensait arrêter.

"Au début je n’y croyais pas parce que cela faisait du temps que nous essayions de l’obtenir. Maintenant que je l’ai, je suis contente, a estimé la volleyeuse transgenre auprès de RMC Sport. Parce qu’il y a encore peu de temps, j’avais clos cette étape de ma vie (la compétition), je ne pensais pas qu’elle se réaliserait."

Nicole, première joueuse transgenre du championnat de France
Nicole, première joueuse transgenre du championnat de France © DR RMC Sport

En mai dernier, elle obtient son changement d’identité et pouvait donc de fait évoluer avec une équipe féminine. Mais sans licence, elle ne pouvait jouer en championnat. A l’époque, la demande est faite par son ancien club, l’US Malakoff. Mais la Fédération Française de volleyball s’intriguait face à l’absence de résultat sous le nom de Nicole. Et puis, à son arrivée en juillet dernier à Chaville-Sèvres Volleyball, les dirigeants ont pris les devants.

"Elle nous avait bien sûr parlé de son cas. On a présenté ses papiers et sa carte d’identité est marquée comme femme. Aujourd'hui dans le règlement fédéral, il n'y a pas de prérogatives, à ce qu'un joueur transgenre puisse être licencié à partir du moment que sa carte est bien du sexe féminin ou masculin", indique Julien Géraudie, l’entraîneur du club depuis six ans. C’est d’ailleurs lui qui lui a annoncé la nouvelle: "la licence a été créée il y a un peu plus de deux semaines. J’ai eu l’honneur de lui annoncer lors d’un entraînement. Elle était contente, elle avait le sourire. Nicole était soulagée aussi, c’est un aboutissement pour elle. Elle va pouvoir se lancer dans la compétition officielle."

"Me travestir n’était pas un déguisement, j’exprimais qui je suis"

Le volleyball est sa passion depuis ses 15 ans. Un sport qu'elle a découvert dans son pays d’origine. "Je jouais énormément dans la rue avec des amis du quartier. Et puis, j’ai intégré l’équipe nationale jeune, raconte Nicole. Cela n’a pas duré longtemps, à peine deux ans. J’ai dû quitter l’équipe en raison de mon identité, à un moment je me suis sentie discriminée là-bas."

Parce que depuis toute jeune, Nicole se posait beaucoup de questions: "J’étais perdue et je ne savais pas qui j’étais réellement. Je me souviens particulièrement des commentaires que ma mère me faisait, j’avais des gestes féminins et elle me disait que je devais me comporter en accord avec le genre qui m’avait été assigné à la naissance."

Nicole fait alors un premier coming out, pensant être homosexuelle. "C’était la première explication que j’avais à ce qu’il m’arrivait", explique-t-elle encore auprès de RMC Sport. Et finalement, les années passent et c’est en échange universitaire au Portugal qu’elle trouve enfin les réponses. "J’ai commencé à me travestir et je me sentais vraiment moi. Je me suis rendue compte que me travestir n’étais pas un déguisement, mais que j’exprimais vraiment qui je suis", précise la jeune femme de 34 ans. C’est à ce moment-là, qu’elle réalise un deuxième coming out: "J’ai toujours été dans le faux depuis le début, je suis finalement une femme trans", lâche-t-elle.

"Je peux me regarder dans la glace et être bien avec moi-même"

Arrivée en France, Nicole est suivie médicalement afin de réaliser sa transition. Aujourd’hui, elle est heureuse et épanouie. "Enfin je peux me regarder dans la glace et être bien avec moi-même, cela n’était pas le cas quand j'étais enfant,, sourit Nicole. Grande, mince, athlétique, la jeune femme n’a jamais laissé de côté le volley.

C’est d’ailleurs à Paris, dans le parc de Bercy, que la Péruvienne joue d’abord pour le plaisir avec des amis. "Un jour, une jeune femme est venue jouer avec mon équipe et elle m’a invitée à aller dans son club, à Anthony en région parisienne", raconte-t-elle pour RMC Sport.

Un peu craintive, Nicole hésite, puis cette joueuse lui prononcera la phrase qui la motivera: "Elle m’a dit 'tu n’as pas à avoir peur parce que tu es une joueuse comme nous', cela m’a réconfortée." Cette crainte, c’est ce que subissent de nombreux jeunes sportifs et sportives. Pour Clémence Zamura Cruz, militante pour les droits LGBT, il faut que cela change: "Les difficultés commencent jeune, quand ils font leur transition et coming out à l’école, ils se retrouvent devant des problèmes administratifs où on leur demande de pratiquer le sport dans le genre dans lequel ils ont été assignés à la naissance. C’est une violence pour les personnes transgenres et pour ça que beaucoup abandonnent."

Nicole, joueuse transgenre de Chaville
Nicole, joueuse transgenre de Chaville © DR RMC Sport

La joueuse péruvienne, elle, n’a pas abandonné. Aujourd’hui, c’est une nouvelle étape dans sa vie, dans une nouvelle équipe qu’elle a rejoint en juillet dernier. Ses coéquipières sont au courant de son histoire. La voilà déjà extrêmement bien intégrée dans l’équipe de Chaville, évoluant en Nationale 2: "C’est un groupe très accueillant et chaleureux. Les filles sont très sympathiques et à l’écoute. Je ne me suis jamais sentie à l’écart du groupe, elles m’ont soutenue depuis le début."

Elle devient la première joueuse transgenre dans le championnat français de volley (déjà une joueuse transgenre en rugby, Alexia Cérénys). Alors pour l’athlète, rendre son histoire publique était important: "Si j’ai pris la décision de témoigner ici à visage découvert, c’est pour ma communauté et les générations qui arrivent, c’est pour leur permettre d’avoir des modèles parce que moi je n’en ai pas eu et peut-être que mon histoire aurait été différente si j’avais pu en avoir lorsque j’étais enfant."

Et d’ajouter: "J’ai eu cette opportunité, d’être la 'première', mais je préfère me voir comme une référente, un exemple. Nous ne sommes pas là pour prendre la place de qui que ce soit mais nous essayons simplement de trouver notre place au sein de la société, et ici en l’occurrence dans le sport."

Léna Marjak