élection présidentielleLa "Reconquête" de Zemmour, déclaration de guerre aux LGBT et à ceux qui les soutiennent

Par Thomas Vampouille le 06/12/2021
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La violence aperçue au meeting d'Éric Zemmour à Villepinte n'est pas un accident. Le candidat a lui-même théorisé dans son livre vouloir faire naître sa "Reconquête" des cendres anti-LGBT de la Manif pour tous, dont il considère que "le pacifisme" des manifestants "a été leur plus grande faiblesse"

"Nous chasserons de nos écoles le pédagogisme, l’islamogauchisme et l’idéologie LGBT !" La saillie est courte mais nette, belliqueuse, et la salle en délire. Lors de son meeting de Villepinte ce dimanche 5 décembre, Éric Zemmour n'a eu de cesse que de désigner à ses troupes non pas seulement ses adversaires politiques mais les ennemis d'une France éternelle dont ce fasciné d'un temps figé appelle de toutes ses forces la "Reconquête", nom donné à son parti. L'idée n'est pas seulement de gagner la bataille des images d'Épinal, voire l'élection présidentielle, mais de chasser, et si possible en meute.

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Violence au meeting et "Zouaves" déchaînés

Les groupuscules d'extrême droite que charrie le sillage de Zemmour n'avaient nul besoin de ce nouveau mot d'ordre pour se mobiliser, eux qui connaissent par cœur les discours, et surtout les écrits, du candidat et consorts maurassiens. Dimanche après le meeting, des membres de l'un d'entre eux, les "Zouaves Paris", ont posé fièrement sur les marches du parc des expositions de Villepinte, diffusant sur leurs réseaux sociaux le cliché accompagné de ce slogan : "Paris est nationaliste !"

Libé ayant identifié dans la salle "des membres du groupuscule de hooligans néonazi", on les imagine mal rester les bras croisés lorsque des échauffourées ont éclaté au fond de la salle contre des militants de SOS racisme venus exhiber des t-shirts "Non au racisme". Car derrière cet autre "Z", un groupuscule d'activistes de rue qui n'aime rien tant que les opérations coup de poing, littéralement, en particulier contre les groupes d'antifas. On les a connus s'en prenant aux militants du Nouveau parti anticapitaliste en marge des gilets jaunes, où ils arboraient ce slogan : "Le peuple aux abois, tuons le bourgeois". Pas plus tard qu'en novembre, cinq de leurs membres présumés ont comparu devant la justice pour le raid en juin 2020 à Paris, revendiqué par ces "Zouaves Paris", du Saint Sauveur, un bar de Ménilmontant identifié de la mouvance libertaire parisienne. 

Ces temps-ci, les "Zouaves" ont de quoi s'occuper en marge de la campagne Zemmour. Avant le congrès dimanche, ils ont revendiqué d'avoir fait fuir des antifas à Villepinte, leur réitérant cette promesse : "Nous vous traquerons partout !". Deux jours plus tôt, vendredi, une vidéo du même groupe, également partagée sur les réseaux sociaux, a revendiqué la destruction, filmée, d'une vitrine de dos de kiosque où était affichée la dernière une de TÊTU. Les images montrent un individu fracassant la vitrine à l'aide de mobilier urbain pour en arracher l'image qui les défrise tant : "Voilà la une du magazine LGBT 'Têtu' montrant le travesti Bilal Hassani (sic) en Sainte Vierge". Et d'appeler leurs aficionados à suivre l'exemple : "Camarades, vous savez ce qu'il vous reste à faire"

L'obsession anti-LGBT d'Éric Zemmour

Alors, quel lien établir entre le discours d'Éric Zemmour et cette action isolée ? Le candidat à la présidentielle, trumpiste mais malin, n'a pas - encore - eu l'audace comme l'ancien président américain d'enjoindre directement à ses foules de marcher sur le Capitole ou sur les kiosques à journaux. Mais le vocabulaire est là : "Nous chasserons", promet-il, en écho à ses supporters les plus belliqueux qui promettent "nous vous traquerons". Et parmi les cibles désignées par le Z en chef, l'une revient en particulier : "les LGBT", ou "l'idéologie LGBT". Une obsession bien connue du bonhomme, mais plus que ça…

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L'homophobie d'Éric Zemmour est affichée, il suffit d'égrener quelques unes de ses innombrables sorties sur le sujet, depuis des années. En 2012 déjà, l'idéologue médiatique comparait sur RTL le mariage pour tous au mariage polygame et incestueux. Deux ans plus tard dans l'émission qui le propulsa dans tous les foyers, ONPC, il s'en prenait aux "gays", "c'est-à-dire le mouvement gay, LGBT", plaçant "ces gens-là" parmi des "minorités agissantes qui déconstruisent toutes les structures traditionnelles".

Une cinquième colonne donc, qui par l'homoparentalité, "détrui[t] ce qu'il y a de plus fondamental chez l'être humain", ajoutait-il en 2019 sur la chaîne CNews - relais consciencieux de la propagande zemmourienne. Histoire de ne laisser aucun esprit faible sur le bord de la route, le candidat explicitait en octobre dernier l'immensité du danger, après avoir été baiser à Budapest l'anneau de l'homophobe en chef de l'Europe, le Hongrois Viktor Orban : "On est vraiment dans le docteur Mengele, quoi (…) Il faut arrêter de tomber et de se soumettre aux injonctions abominables des militants LGBT, ils n'ont rien à faire à l'école (…) c'est une mode criminelle". Les mots sont choisis, et lourds.

Une "reconquête" théorisée… contre "le pacifisme"

Mais l'obsession d'Éric Zemmour n'est pas que viscérale, elle est politique. Le candidat ne désigne pas seulement "les LGBT" comme une cible, il les a théorisés comme base de sa victoire. C'est écrit dans son dernier livre, p.184. Entre deux odes lyriques à Christian Vanneste, feu le député de la droite excommunié par l'UMP pour ses déclarations négationnistes sur la déportation des homosexuels - "Je vois dans son regard bleu que Christian Vanneste est un homme brisé qui restera inconsolable" -, Éric Zemmour expose au lecteur le scénario imaginé de son accession au pouvoir. Curieusement, a priori, celui-ci est exposé au chapitre… "La défaite pour tous", où l'auteur revient sur l'échec en 2013 de la bataille contre le mariage pour tous. 

"Le pacifisme des manifestants trop bien élevés de 'La Manif pour tous' a été leur plus grande faiblesse"

Éric Zemmour dans "La France n'a pas dit son dernier mot"

"Une défaite politique à court terme peut cependant se transfigurer en victoire culturelle au long cours", prophétise alors le féru d'histoire politique en invoquant "la grande leçon de Mai 68" à ses yeux : "Il faut tirer toutes les leçons de Mai 68. Trois ans après, François Mitterrand rassemblait les chapelles socialistes derrière lui à Épinay. Encore un an, et il réalisait un programme commun avec le parti communiste à l’occasion de 'l’union de la gauche'." Conclusion de l'auteur : "On attend l’équivalent à droite ou parmi les souverainistes ou les populistes"… Les perdants de 2013 ont bien reçu le message : dimanche, Christine Boutin était au premier rang du meeting et la veille, Laurence Trochu, présidente de Sens Commun, l'émanation politique de La Manif pour tous (LMPT), a lâché Pécresse pour Zemmour, avec lequel elle est allé entonner la Marseillaise à Villepinte (cf. photo d'illustration).

C'est donc bien sur les cendres de LMPT qu'Éric Zemmour compte bâtir son Épinay de la droite réactionnaire, en se servant des droits des personnes LGBTQI+ comme d'un paillasson vers l'Élysée. Ou l'énième retour de la Réaction, vieille comme le Progrès. Quel rapport, à nouveau, entre ces propos et les actions de rue de ses partisans les plus violents ? Eh bien, là encore, il suffit de lire Zemmour. Car avant de prophétiser la victoire à retardement des partisans de LMPT, le candidat analyse dans son livre "la cause de leur défaite", que voici exposée noir sur blanc : "Le pacifisme des manifestants trop bien élevés de 'La Manif pour tous' a été leur plus grande faiblesse". Tout un programme…

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Crédit photo : capture d'écran meeting d'Éric Zemmour à Villepinte, 5 décembre 2021