Retour des drones policiers – le Parlement doit saisir le Conseil constitutionnel

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La loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure » a fini d’être examinée par le Parlement le 18 novembre dernier. Elle sera définitivement adoptée le 16 décembre. Elle prévoit notamment de ré-autoriser les drones policiers qui, l’an dernier, avaient été interdits par le Conseil constitutionnel lors de la censure de la loi sécurité globale.

Non seulement la nouvelle loi ne corrige aucun des graves manquements qui avaient justifié la censure de la loi sécurité globale mais, plus grave, elle en ajoute de nouveaux. Notamment, elle autorise les images captées par drones à être analysées par reconnaissance faciale, ce que la loi sécurité globale avait explicitement interdit.

En théorie, tout devrait conduire à une nouvelle censure des drones dans cette nouvelle loi. Pourtant, le Conseil constitutionnel n’a toujours pas été saisi par les parlementaires. Depuis trois semaines, nous attendons que les différents groupes de gauche réunissent les 60 député·es ou 60 sénateur·ices nécessaires pour saisir le Conseil, ce qu’ils avaient réussi à faire sans soucis contre la loi sécurité globale.

Pour une raison incompréhensible, surtout en période électorale où on attendrait de l’opposition qu’elle joue toutes ses cartes, il semble que le Parti Socialiste hésite encore à attaquer cette nouvelle loi, dont la contrariété à la Constitution est pourtant plus importante que la précédente loi qu’il n’avait pas hésité à attaquer.

Au sein de l’Observatoire des Libertés et du Numérique1Les membres de l’OLN s’étant joints à cette analyse sont La Quadrature du Net, la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature et le CECIL., nous publions ci-dessous (ou en PDF) l’analyse juridique transmises aux députés et sénateurs de gauche le 16 novembre afin de les convaincre de saisir le Conseil constitutionnel (à noter qu’il s’agit d’une simple analyse juridique qui ne couvre pas l’ensemble de nos arguments politiques contre les drones policiers).

Analyse de constitutionnalité des articles 7 à 9 de la loi responsabilité pénale et sécurité intérieure

Articles 8 et 8 bis – Drones

Tout comme l’article 47 de la loi sécurité globale, les articles 8 et 8 bis autorisent la police administrative et la police judiciaire à déployer des drones de surveillance. Ces articles doivent être censurés par le Conseil constitutionnel pour deux raisons : ils échouent à présenter les garanties qui faisaient déjà défaut à l’article 47 et qui en avaient justifié la censure par le Conseil constitutionnel (I) ; ils présentent encore moins de garanties que cet article 47 (II).

I – Des garanties toujours absentes

La grande majorité des garanties qui faisaient défaut à la loi sécurité globale et qui en avait justifié la censure font aussi défaut à la nouvelle loi.

Finalités

Le Conseil constitutionnel a justifié la censure de la loi sécurité globale en rappelant la longue liste des finalités permettant la surveillance par drones (voir point 137 de sa décision).

En matière de police judiciaire et de police municipale, il faut reconnaître que le législateur a apporté quelques précisions utiles par rapport à la loi sécurité globale (par exemple, en matière municipale, la très large finalité consistant à « assurer l’exécution des arrêtés de police du maire » a été remplacée par une liste de finalités plus explicites : sécurité des événements public, régulations des transports, assistance aux personnes…).

En revanche, en matière de police administrative, la liste des finalités reste inchangée et toujours aussi excessive que le Conseil constitutionnel ne l’avait constaté pour la loi sécurité globale.

De plus, la nouvelle loi ajoute pour la police judiciaire une nouvelle finalité particulièrement large : la « recherche d’une personne en fuite ». La logique même de la fuite, couplée à la très grande mobilité des drones, est susceptible d’entraîner la surveillance de zones géographiques aussi larges qu’impossibles à anticiper.

Durée

Le Conseil a censuré de la loi sécurité globale au motif que « le législateur n’a lui-même fixé aucune limite maximale à la durée » des autorisations de déploiement des drones (point 138).

La nouvelle loi prévoit que l’autorisation rendue par le préfet en matière de police administrative ou de police municipale peut être renouvelée par le préfet tous les trois mois de façon illimitée. De même, elle prévoit que l’autorisation rendue par le procureur en matière de lutte contre les infractions ou de poursuite des personnes en fuite peut être renouvelée indéfiniment tous les mois.

Il n’y a que pour les recherches des causes de la mort ou des causes de la disparition que l’autorisation, renouvelable tous les quatre mois, est limitée par le législateur à une durée maximale de deux ans. Ce contraste souligne clairement que, en dehors de ce cas limité, les autorisations peuvent être renouvelles pour une durée à laquelle le législateur n’a fixé aucune limite maximale, contrairement aux exigences constitutionnelles.

Périmètre

De même, le Conseil a censuré la loi sécurité globale au motif que « le législateur n’a lui-même fixé […] aucune limite au périmètre dans lequel la surveillance peut être mise en œuvre » (point 138). Aujourd’hui, le législateur n’a toujours pas tenté de corriger ce manquement. La nouvelle loi continue de laisser la délimitation du périmètre surveillé à la discrétion du préfet ou du procureur sans que ce choix ne soit d’aucune façon circonscrit par la loi.

En pratique, cette absence de limitation empêchera toute autorité indépendante d’examiner au préalable la nécessité et la proportionnalité de la mesure de surveillance, contrairement à ce qu’exige le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence (voir décision 94-352 DC, 18 janvier 1995, §§ 6 et 12).

Par exemple, si le préfet de police autorise la surveillance par drones de l’ensemble de la région parisienne au cours des jeux olympiques de 2024, aucune autorité indépendante ne pourra examiner au préalable la nécessité de surveiller les lieux que la police choisira effectivement de surveiller. Cela permettrait par exemple aux agents de police, de leur seule décision et sans aucun contrôle extérieur préalable possible, de surveiller n’importe quelle manifestation ou local associatif situés dans la région parisienne grâce à cette autorisation. Ce n’est qu’a posteriori, une fois que l’atteinte aux libertés de la population aura été consommée et dans le cas hypothétique où elle en serait saisie, qu’une autorité extérieure pourra éventuellement examiner la mesure et demander à ce qu’elle prenne fin.

Subsidiarité

Le Conseil a censuré la loi sécurité globale au motif que le déploiement de drones ne présentait « pas un caractère subsidiaire » – autrement dit, que les drones pouvaient être déployés en l’absence de « circonstances liées aux lieux de l’opération [qui] rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’image » (point 139). Cette garantie de subsidiarité fait toujours défaut dans la nouvelle loi : le préfet et le procureur ne sont toujours pas tenus de vérifier si d’autres outils moins intrusifs permettraient d’atteindre le même objectif avant d’autoriser le déploiement de drones.

Ce principe de subsidiarité est d’autant plus indispensable que l’article 10 de la directive européenne 2016/680 (dite « police-justice ») exige lui aussi que les données biométriques (telles que les images du visage) ou sensibles (tel que le fait de participer à une manifestation politique) ne puissent être traitées qu’en cas de « nécessité absolue » – autrement dit, si aucune autre mesure ne permet d’atteindre l’objectif poursuivi.

Or, dans sa décision du 22 décembre 2020 (décision n° 446155) qui a interdit les drones policiers à Paris, le Conseil d’État a lui-même souligné que « le ministre n’apporte pas d’élément de nature à établir que l’objectif de garantie de la sécurité publique lors de rassemblements de personnes sur la voie publique ne pourrait être atteint pleinement dans les circonstances actuelles, en l’absence de recours à des drones ». Le gouvernement n’a jamais pris la peine de chercher de telles preuves : il refuse de démontrer en quoi les drones seraient « nécessaires » à l’action quotidienne de la police – et échoue d’autant plus à en démontrer la « nécessité absolue ». Tant que le gouvernement refusera d’ouvrir un tel débat, le principe de subsidiarité exigé par le Conseil constitutionnel est incompatible avec le principe même de drones de surveillance.

Information

Le Conseil constitutionnel a censuré la loi sécurité globale au motif que l’information du public concernant les caméras mouvantes « n’est pas donnée lorsque « les circonstances l’interdisent » ou lorsqu’elle « entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». De telles exceptions permettent de déroger largement à cette obligation d’informer » (point 144).

Le caractère trop large de cette dérogation a justifié de censurer les dispositions qui en bénéficiaient, notamment l’article 48 autorisant les caméras embarquées, mais la disposition qui organisait cette information a elle-même survécu pour être codifiée à l’article L242-3 du code de la sécurité intérieure. La nouvelle loi ne modifie en rien cet article L242-3 mais prévoit d’y rattacher la nouvelle disposition autorisant les drones policiers. Cette nouvelle disposition devra être censurée de la même façon que le Conseil a censuré les dispositions de la loi sécurité globale bénéficiant des mêmes dérogations.

II – Des garanties en moins

La nouvelle loi devra aussi être censurée en ce qu’elle a retiré certaines des garanties prévues par la loi sécurité globale.

Reconnaissance faciale

La nouvelle loi propose de supprimer le second alinéa de l’article L242-1 du code de la sécurité intérieure qui, créé par la loi sécurité globale au sujet des drones, interdit « l’analyse des images issues de leurs caméras au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale ».

La nouvelle loi remplace cette ancienne interdiction générale par une disposition bien plus limitée, introduite à l’article L242-4 de ce même code : l’interdiction d’installer des logiciels de reconnaissance faciale sur les drones eux-mêmes.

En comparaison avec le droit actuel, désormais, plus rien n’empêchera les images captées par drones d’être analysées par des logiciels de reconnaissance faciale installées sur d’autres dispositifs que les drones eux-mêmes. Or, la loi prévoit déjà que les images seront transmises en temps réel aux ordinateurs du poste de commandement et, en pratique, ce sera sur ces ordinateurs que les images seront le plus facilement et le plus efficacement analysées. Cette analyse pourra notamment être un rapprochement par reconnaissance faciale avec l’une des 9 millions de photographies contenues dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), tel que prévu par le décret du 4 mai 2012 – ce que la loi sécurité globale avait jusqu’alors interdit explicitement.

Intérieur des domiciles

La loi sécurité globale exigeait que les captations d’image par drones soient « réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ». La nouvelle loi prévoit désormais que les drones pourront capter de telles images si cette captation est réalisée par inadvertance – si les drones « ne visent pas à recueillir les images de l’intérieur des domiciles », mais les recueillent malgré tout. La loi prévoit désormais que les images ainsi captées seront conservées 48 heures afin d’être transmises au procureur si elles révèlent une infraction.

Une telle situation n’était pas permise par la loi sécurité globale qui s’opposait tout simplement à l’existence de telles images, tel qu’exigé par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence (voir par exemple sa décision 94-352 DC, point 5) ainsi que dans sa décision contre la loi sécurité globale (point 144).

Autorisation facultative

La nouvelle loi reprend la procédure d’autorisation préalable du préfet prévue par la loi sécurité globale en matière de police administrative, mais lui ajoute une nouvelle exception. Désormais, lorsque les agents de terrain considéreront que « l’urgence résultant d’une exposition particulière et imprévisible à un risque d’atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens le requiert », ils pourront se passer de l’autorisation du préfet et faire décoller des drones de leur propre chef pour une durée de 4 heures.

Cette absence d’autorisation préalable est en totale contradiction avec les exigences dégagées par le Conseil constitutionnel en matière de surveillance vidéo : le législateur « ne peut subordonner à la diligence de l’autorité administrative l’autorisation d’installer de tels systèmes sans priver alors de garanties légales les principes constitutionnels » protégeant la liberté d’aller et venir, la vie privée et l’inviolabilité du domicile (Conseil constit., 94-352 DC, 18 janvier 1995, point 12).

C’est notamment pour cette raison que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions relatives aux caméras embarquées dans la loi sécurité globale : « la décision de recourir à des caméras embarquées relève des seuls agents des forces de sécurité intérieure et des services de secours » (décision 2021-817 DC, §147). Désormais, cette critique devra être étendue aux dispositions de surveillance par drones qui devront être censurées pour les mêmes raisons.

Information

Comme vu plus avant, la loi sécurité globale a ajouté un article L242-3 au code de la sécurité intérieure pour organiser la façon dont le public aurait du être informé du déploiement de drones par la police administrative, municipale ou judiciaire. Cette information prévoyait des dérogations jugées trop larges par le Conseil constitutionnel. Toutefois, aussi imparfaite était-elle, cette information avait au moins le mérite de constituer une potentielle base de travail à améliorer.

Non seulement la nouvelle loi ne corrige pas cette information (tel qu’exposé plus avant) mais, plus grave, elle en exclut désormais les drones déployés par la police judiciaire, qui ont été déplacés du code de la sécurité intérieure vers le code de procédure pénale qui ne prévoit plus la moindre information du public, ce qui était pourtant une garantie essentielle exigée par le Conseil dans sa décision contre la loi sécurité globale (point 144).

Article 9 – Caméras embarquées

L’article 9 de la nouvelle loi autorise la captation d’images à partir de caméras embarquées sur les navires, camions et voitures des autorités publiques. Pour ce faire, cet article 9 reprend presque à l’identique, en l’aggravant, l’article 48 de la loi sécurité globale que le Conseil constitutionnel avait entièrement censuré.

Absence d’autorisation

La principale raison pour laquelle le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 48 est que, contrairement à ce que prétendait faire l’article 47 pour les drones, la loi sécurité globale ne prévoyait aucune forme d’autorisation extérieure s’agissant des caméras embarquées : «  la décision de recourir à des caméras embarquées relève des seuls agents des forces de sécurité intérieure et des services de secours. Elle n’est soumise à aucune autorisation, ni même à l’information d’une autre autorité » (point 147).

La nouvelle loi ne prétend même pas répondre à ce problème. De même que pour la loi sécurité globale, ce sont les agents qui, seuls, décideront comment et quand surveiller la population. L’article 9 de la nouvelle loi doit être censuré pour ce seul motif.

Finalités

L’article 48 de la loi sécurité globale dressait une liste explicite et exhaustive des finalités qui auraient permis de capter, de transmettre et d’exploiter les enregistrements réalisés à partir de caméras embarquées. Le Conseil constitutionnel rappelait la longue liste de ces finalités pour justifier la censure de la loi : « prévenir les incidents au cours des interventions, faciliter le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves, assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, faciliter la surveillance des littoraux, des eaux intérieures et des zones frontalières ainsi que le secours aux personnes et la lutte contre l’incendie, et réguler les flux de transport » (point 145).

Plutôt que de réduire ou de préciser cette liste, l’article 9 de la nouvelle loi change entièrement de logique : il ne prévoit plus aucune finalité, mais se contente de prévoir que les caméras embarquées pourront être activées « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident ». Avec cette nouvelle logique, la loi ne décrit plus ni la nature des « incidents » justifiant la surveillance (il pourrait à la fois s’agir d’infractions, de troubles à l’ordre public, d’altercations ou de simples désaccords avec les personnes contrôlées) ni l’objectif même de cette surveillance (il pourrait à la fois s’agir de collecter des preuves pour une future enquête judiciaire, de constituer des éléments pédagogiques, de contrôler la déontologie des agents ou de participer au travail des services de renseignement, notamment en manifestation).

Seules les étapes ultérieures de transfert et d’exploitation des enregistrements sont encore limitées à certaines finalités, par ailleurs excessivement larges et vagues : assurer la « sécurité des agents » et « faciliter l’établissement fidèle des faits ». Mais l’étape initiale de captation des images, elle, échappe entièrement à la logique des finalités. Cette logique est pourtant au cœur du droit des données personnelles, qu’on retrouve tant à l’article 4 de la loi informatique et liberté (les données doivent être « collectées pour des finalités déterminées, explicites »), qu’à l’article 5 du RGPD ou à l’article 4 de la directive police-justice. Tout traitement doit décrire clairement sa finalité, à défaut de quoi il est impossible d’en évaluer la proportionnalité ou de limiter au strict minimum les données traitées. Au contraire, en pratique, l’absence de finalité explicite incite le responsable de traitement à collecter un maximum de données dans la perspective qu’elles puissent servir à une finalité qui n’a pas encore été identifiée.

L’article 9 de la nouvelle loi doit être censuré pour ce seul manquement à l’essence du droit des données personnelles – manquement dont ne souffrait pas l’article 48 de la loi sécurité globale que le Conseil constitutionnel a pourtant censuré.

Durée et périmètre

De même qu’exposé ci-avant pour les drones, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 48 car, « si ces mêmes dispositions n’autorisent la mise en œuvre de ces caméras embarquées que pour la durée strictement nécessaire à la réalisation de l’intervention, le législateur n’a lui-même fixé aucune limite maximale à cette durée, ni aucune borne au périmètre dans lequel cette surveillance peut avoir lieu » (point 146).

Le législateur n’a pas pris la peine d’essayer de corriger ces deux manquements dans la nouvelle loi.

Intérieur des immeubles

Le Conseil constitutionnel a censuré l’article 48 au motif que les caméras embarquées pouvaient capter des images « y compris, le cas échéant, de l’intérieur des immeubles » (point 144).

De même qu’exposé ci-avant pour les drones, plutôt que de corriger ce problème, l’article 9 de la nouvelle loi prévoit désormais que, lorsque les caméras embarquées captent de telles images par inadvertance, elles sont conservées pendant 48 heures afin de pouvoir être transmise au procureur si elles révèlent une infraction.

Information

Tel qu’exposé ci-avant, le Conseil constitutionnel a censuré la loi sécurité globale au motif que l’information des personnes concernées quant aux mesures de surveillance « n’est pas donnée lorsque « les circonstances l’interdisent » ou lorsqu’elle « entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». De telles exceptions permettent de déroger largement à cette obligation d’informer.

L’article 9 de la nouvelle loi reproduit exactement ce même manquement puisqu’il prévoit de déroger à l’information du public « si les circonstances de l’intervention l’interdisent » ou s’agissant de « missions impliquant l’absence d’identification du service concerné ».

Article 7 – Caméras en cellule

L’article 7 de la nouvelle loi reprend l’article 41 de la loi sécurité globale que le Conseil constitutionnel avait entièrement censuré. Il autorise la vidéosurveillance des cellules de garde à vue et des cellules de retenue douanière – alors que l’article 41 concernait les gardes à vue et les centres de rétention administrative.

Les deux lois partagent les trois mêmes finalités : prévenir les risques d’évasion, prévenir les menaces sur la personne ou sur autrui, conserver des preuves dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives. Les deux lois partagent aussi les mêmes modalités : enregistrement en continu, visionnage en temps réel, pare-vue supposé garantir « l’intimité de la personne tout en permettant la restitution d’images opacifiées », absence de dispositif biométrique ou de captation de son.

Le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 41 de la loi sécurité globale pour trois manquements dont deux sont partagés avec ce nouvel article 7.

Premièrement, les dispositions de la loi sécurité globale ont été censurées car elles « permettent au chef du service responsable de la sécurité des lieux de décider du placement sous vidéosurveillance », et ce sans avoir à obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire (point 86). L’article 7 de la nouvelle loi offre exactement les mêmes pouvoirs au chef de la sécurité qui décidera seul du placement sous vidéosurveillance.

Deuxièmement, la loi sécurité globale a été censurée car « le traitement des images ainsi recueillies peut avoir pour finalité la collecte de preuves » (point 86). L’article 7 de la nouvelle loi prévoit que les enregistrements peuvent être « utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire » et bénéficient dans ce cadre d’une dérogation à la durée de conservation initiale de sept jours pour être conservés aussi longtemps que la procédure le requiert. Cette finalité s’inscrit exactement dans l’interdiction formulée par le Conseil constitutionnel, ce qui nécessite que la disposition soit à nouveau censurée.

Troisièmement, la loi sécurité globale a été censurée car la mise sous surveillance de 48 heures « peut être renouvelée sur la seule décision du chef de service responsable de la sécurité des lieux, et sous l’unique condition d’en informer le procureur de la République » (point 87). L’article 7 semble avoir corrigé ce manquement : la mise sous surveillance décidée par le chef de la sécurité ne dure plus que 24 heures et ne peut être renouvelée qu’avec l’autorisation du procureur.

Si cette évolution répond à l’une des trois critiques formulées par le Conseil constitutionnel, ses effets seront limités en pratique et ne suffiront pas à combler les deux autres manquement : en 2019, sur le 417 000 mesures de garde à vue recensées, 298 000 ont duré moins de 24 heures (rapport d’activité 2020 de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté). Ainsi, les deux manquements que la nouvelle loi n’a pas corrigés (décision arbitraire du chef de la sécurité et possibilité de collecter des preuves) continueront de concerner 71% des mesures de gardes à vue et justifient à eux seuls de censurer l’article 7 de la nouvelle loi.

References

References
1 Les membres de l’OLN s’étant joints à cette analyse sont La Quadrature du Net, la Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature et le CECIL.