C'est un rapport alarmant sur les inégalités à travers le monde. Selon le World Inequality Report 2022, un rapport annuel dressant un état des lieux détaillé des inégalités mondiales publié mardi 7 décembre, les très riches ont vu leur fortune croître grâce à des patrimoines essentiellement financiers ces dernières années. Symbole de cette situation Elon Musk, première fortune mondiale, qui pourrait devenir le tout premier homme à voir sa fortune dépasser les 1.000 milliards de dollars.

Coordonné par l'économiste Lucas Chancel, avec la contribution de Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, ce rapport de 228 pages milite pour la mise en place d'une imposition progressive du patrimoine à l'échelle mondiale, ainsi que d'un registre financier international afin d'agir contre l'évasion fiscale. Pour une petite caste, ce patrimoine est stratosphérique : le classement du magazine américain Forbes qui évalue ce que possèdent les plus riches en temps réel, montre que les dix premiers possèdent plus de 100 milliards de dollars chacun.

La suite sous cette publicité
Publicité
La suite sous cette publicité
Publicité

Un monde encore plus polarisé

En tête de ce classement, le patron de Tesla Elon Musk avec 266 milliards de dollars. Tous les autres membres de ce classement sont également américains à l'exception du patron français du groupe de luxe LVMH Bernard Arnault. Au total ils ont amassé une fortune à 12 chiffres essentiellement dans la tech grâce à une envolée des cours boursiers. Jeff Bezos, à la deuxième place, détient 9,9% d'Amazon, et Mark Zuckerberg 12,3% de Facebook.

>> A lire aussi - CAC 40, milliardaires, inflation… qui a profité de la crise du Covid-19 ?

"Après plus de 18 mois de Covid-19, le monde est encore plus polarisé" en terme d'inégalités de richesse, souligne auprès de Lucas Chancel, codirecteur du World Inequality Lab à l'École d'économie de Paris. "Pendant que le patrimoine des milliardaires a pris plus de 3.600 milliards d'euros, ce sont 100 millions de personnes supplémentaires qui ont rejoint les rangs de l'extrême pauvreté", détaille-t-il, alors que depuis 25 ans l'extrême pauvreté avait baissé.

La suite sous cette publicité
Publicité

Selon le rapport, les 52 personnes les plus fortunées ont vu la valeur de leur patrimoine croître de 9,2% par an depuis 25 ans, largement plus que les catégories moins dotées. Le club du 1% le plus riche, soit les personnes détenant plus de 1,3 million de dollars en patrimoine, a lui capté plus du tiers de la fortune accumulée sur la planète depuis 1995. "Étant donné la concentration très forte des richesses, une taxation modeste et progressive peut engendrer des revenus significatifs pour les gouvernements" dont l'endettement s'est envolé face à la crise de 2007-2008 et la pandémie, propose le rapport.

Taxation en plusieurs tranches

Là où l'imposition sur le patrimoine se focalise aujourd'hui trop sur le foncier, il milite pour une modernisation et une progressivité de cette taxation. Toutes les formes d'actifs doivent être concernées, surtout les actifs financiers qui représentent l'essentiel des fortunes modernes. Le rapport évalue une hypothèse de taxation en plusieurs tranches, à partir de un million de dollars, et progressive jusqu'à une tranche haute supérieure à 100 milliards de dollars de patrimoine.

La suite sous cette publicité
Publicité
La suite sous cette publicité
Publicité

Sur l'évasion fiscale, le rapport préconise la création d'un registre financier international, par exemple sous l'égide de l'OCDE ou de l'ONU, qui "permettrait aux autorités fiscales et réglementaires de vérifier si les contribuables déclarent correctement leurs actifs et revenus du capital, indépendamment de ce que les institutions financières offshore veulent communiquer".

Parallèlement, le World Inequality Report appelle à maintenir une taxation sur le patrimoine aux expatriés, et imposer une "exit tax" de plusieurs années pour les contribuables qui décident de déménager pour raisons fiscales. Les échanges d'informations plus automatiques désormais entre juridictions fiscales et les progrès du numérique permettront une application plus précise des règles, explique également ce rapport.

>> A lire aussi - IFI : ces communes qui concentrent les gros patrimoines

"On observe les prémices d'un changement", veut croire Lucas Chancel, citant l'introduction récente d'une contribution exceptionnelle sur les grandes fortunes en Argentine, un débat sur le sujet lors des récentes élections législatives allemandes, et le volontarisme du président américain Joe Biden, bien que plusieurs de ses initiatives se heurtent au Congrès.

La suite sous cette publicité
Publicité

L'adoption après des années de négociations d'un projet d'imposition minimale à 15% sur les riches multinationales est aussi selon lui un signe du changement à l'oeuvre. "On y arrivera à un moment tout simplement car il y a un besoin des États de financer leurs dépenses", ajoute-t-il.