Un restaurateur du dimanche a encore frappé… en Espagne, terres d’élection des restaurateurs amateurs trop zélés ou guidés par une haine inavouée des beautés du passé. Après le Christ de Borgia, le Saint Georges d’Estrella, les idoles de Rañadoiro, la copie d’après Murillo défigurée à Valence, la Tête de patate de Palencia, c’est à présent au village de Castronuño, dans la province de Valladolid qu’un méfait envers le patrimoine religieux a été identifié. Un internaute a partagé sur les réseaux sociaux des tentatives de consolidation non autorisées de l’église Santa María del Castillo, joyau de l’art roman tardif aux influences gothiques édifié au milieu du XIIIe siècle, avec… du ciment gris, retrouvé notamment autour d’une fenêtre située à près de 4 mètres du sol et sur des pans fragiles de la bâtisse médiévale.
Une restauration pas si récente ?
Si l’intervention ratée du restaurateur amateur, non identifié à ce jour, vient d’être dénoncée publiquement sur les réseaux sociaux, celle-ci pourrait pourtant avoir eu lieu il y a quelques années selon les habitants de la commune et de leur maire. La diffusion sur internet des photos de la restauration catastrophique a suscité un véritable émoi dans la région de Castille-et-León. « C’est une attaque contre un monument historique, commente un serveur d’un bar de la commune au média espagnol « El País » en novembre dernier. Si jamais on attrape celui qui a fait cela, il faudrait rudement le secouer ! ».
Castronuño busca a quien ha dañado su iglesia románica https://t.co/90ireie12m
— Federación por el Patrimonio de Castilla y León (@patrimoniocyl) November 6, 2021
Surnommée la « Reine du Douro » en raison de sa proximité avec le fleuve ibérique, l’église Santa María del Castillo est pourtant classée depuis 1962 bien d’intérêt culturel (BIC), toutefois, celle-ci n’a pas fait l’objet de travaux de restauration autorisée depuis près de soixante ans. « Rien ne peut être fait sans le feu vert de l’archevêché et de l’agence du patrimoine, et aucun argent n’a jamais été versé », explique Enrique Seoane Modroño, le maire de Castronuño à « El País ». Car, si l’édifice sacré nécessite une restauration et conservation régulées et réalisées par des professionnels (car, preuve en est, on ne peut pas s’improviser restaurateur, il s’agit bel et bien d’un métier), le monument doit également obtenir différentes autorisations pour lancer les démarches. Ainsi, cette restauration ratée, peut-être pleine de bonnes intentions, est le fruit du manque de moyens dont souffre le patrimoine de la patrie de Velázquez, Gaudí et Picasso.
Un manque de moyens
Et, sans surprise, faute des travaux pour la préserver, l’église romane tombe petit à petit en ruines : les fissures sont de plus en plus nombreuses, des fuites ont été observées dans la toiture, la pierre et la brique s’usent… Enrique Seoane Modroño défend, à juste titre, que l’édifice médiéval ne bénéficie pas de l’attention et des ressources qu’il mérite : « Les monuments inscrits à la BIC sont censés bénéficier d’une protection qui va au-delà du papier. La junte de Castille-et-León doit tout mettre en œuvre pour que les fragilités du bâtiment soient réparées et que l’église puisse être conservée comme elle le mérite. »
Cette désastreuse restauration improvisée aura au moins eu le mérite de mettre en lumière l’urgence de l’état préoccupant de l’église. Actuellement en train de restaurer les retables conservés dans son chœur, l’archevêché a confirmé au média « El Español » qu’une nouvelle intervention serait bientôt organisée pour consolider l’édifice et retirer le ciment qui n’a pas sa place dans ce joyau de l’art roman.