"La vie est belle, mais je ne l'apprécie plus": atteinte de la maladie de Charcot, cette Varoise a fait le choix de la Suisse pour mourir dignement

A 49 ans, Christelle Calabrèse a une sclérose latérale amyotrophique (SLA). Ce jeudi 9 décembre, elle s'est rendue en Suisse accompagnée de sa fille, Salomé, pour procéder à un suicide assisté. Quelques jours avant son départ, elle a accepté de nous raconter son histoire.

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Elodie Antoine Publié le 10/12/2021 à 07:00, mis à jour le 10/12/2021 à 09:49
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Christelle est assise sur le canapé. Ses yeux bleus pétillent, le reste de son visage encadré par de jolies boucles blondes est caché sous un masque. Elle garde le sourire et refuse de pleurer, parce que "ça ne sert à rien", dit-elle.

Ses jours sont comptés. Elle le sait et d'ailleurs tout son entourage le sait. Mais elle n'attendra pas que la mort vienne la chercher, que dans deux ou trois ans son diaphragme cesse de fonctionner alors que tout son corps, lui, sera déjà sûrement paralysé depuis plusieurs mois.

Christelle a choisi le suicide assisté pour abréger les souffrances qu'inflige la maladie et mourir dignement.

La Varoise espère que son témoignage aidera à faire avancer la loi française. Que son expérience serve à l’avenir, pour que le respect des malades soit écrit, mais aussi pour que sa pathologie soit davantage connue.

"Un coup de bâton derrière la tête"

Les premiers symptômes sont apparus en novembre 2019. Elle se souvient: "J'ai commencé par avoir des fasciculations dans la jambe gauche, ce sont des contractions involontaires et puis, des crampes très douloureuses qui se sont accentuées au fil des mois et qui se sont propagées dans les deux jambes".

Les médecins pensent d'abord à une vie trop intense, aussi bien personnelle, que professionnelle. Pour eux, Christelle qui est DRH (directrice des ressources humaines, Ndlr) a besoin de repos. "Ils pensent à des choses qui ne sont pas trop graves".

La mère de famille consulte plusieurs neurologues à Sainte-Musse à Toulon ou à l'hôpital de la Timone de Marseille, passe une batterie d'examens qui ne montre rien d'alarmant. Pourtant, les fasciculations se manifestent désormais dans le ventre et dans les bras. La Varoise constate une perte musculaire, sa marche devient saccadée et son releveur de pied ne fonctionne plus.

Le 9 décembre 2020, après plus d'un an de recherches et d'incertitudes, le diagnostic tombe. Christelle est atteinte d’une SLA (sclérose latérale amyotrophique), plus connue sous le nom de la maladie de Charcot. A cette annonce, elle se prend "un coup de bâton derrière la tête", même si au fond, elle le savait déjà... 

"Dans ma tête, c'était clair"

"J’avais vu une émission sur la Belgique et dans ma tête c'était très clair depuis longtemps. Je me suis dit le jour où j’ai une maladie incurable, qui fait souffrir, qui m’empêche d’être la personne que je suis, j’irai en Belgique".

Christelle a toujours croqué la vie à pleines dents, elle a toujours détesté la routine et toute sa vie, elle a "vécu chaque jour comme si c'était le dernier". Photo DR.

Finalement, elle choisit la Suisse, car en Belgique on ne pratique que l'euthanasie et non le suicide assisté. Christelle est assommée durant deux mois et trouve ensuite le courage de s'occuper de toutes les formalités, car elle ne veut pas infliger à ses proches, ni à elle-même, la lourde charge de cette pathologie. "Ça n'a pas été facile au début. Ça a été un long travail pour moi. Je me disais: "Comment je vais trouver le courage de prendre ce verre, de le boire, tout en sachant que l'issue sera fatale".

Malgré tout, la mère de famille garde son humour, son dynamisme, son sourire et "apprivoise" ce mal qui la ronge. Elle exauce alors toutes ses envies, part en voyage, fait des balades à moto, saute en parachute et bien plus encore, tout en prenant en compte la fatigue et la dégénérescence.

Une dégénérescence rapide

Deux ans après les premiers signes de la maladie, elle ne peut plus bouger sa jambe gauche. "Dans mon corps ça saute de partout, tout le temps. J'ai des vibrations, des tremblements, des crampes à tous les niveaux et je ressens beaucoup de brûlures. Je rencontre aussi des problèmes d'élocution car ma langue roule moins". Elle reste dans le canapé toute la journée, elle qui était si sportive et toujours en activité, de "six heures du matin à minuit". De cette vie-là, elle n'en veut pas.

"Je n'ai plus peur, je suis sereine"

Aujourd'hui, Christelle n'est plus. Hier, jeudi 9 décembre, elle était avec sa fille unique Salomé, âgée de 21 ans, dans une chambre en Suisse. Elle a bu ce liquide létal qui l'a soulagé de tous ses maux.

Il y a quatre jours, elle nous confiait être en train de "lâcher prise". "J'en ai un peu assez. Je ne m’émerveille plus devant un coucher ou un lever de soleil, la vie est belle, mais je ne l’apprécie plus. Vous savez, c'est un peu comme lorsque l'on travaille, plus les vacances approchent et plus on est fatigué. Je n'ai pas peur, je suis sereine, je pars légère".

La rédaction de Var-matin adresse ses plus sincères condoléances à Salomé, sa fille et à ses proches.

Qu'est-ce que la maladie de Charcot?

La sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi connue sous le nom de maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative grave qui se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire. Elle affecte également la phonation (la production de sons, ndlr) et la déglutition.

"La SLA affecte aujourd’hui 5.000 à 7.000 patients en France avec une incidence annuelle proche de 2,5 pour 100.000 habitants", selon l’ARSLA, une association leader dans la lutte contre la maladie de Charcot.

D'après l'Inserm, dans environ 30% des cas, elle débute au niveau du tronc cérébral. On parle alors de formes à début bulbaire dont les premières manifestations sont les difficultés à articuler ou à déglutir.

Dans les autres cas, comme celui de Christelle, la SLA altère d’abord les motoneurones périphériques: dans ces formes à début spinal, c’est par une faiblesse et une gêne au niveau d’un bras, d’une jambe ou d’une main que se manifeste le début de la maladie.

Quelles différences entre un suicide assisté et l'euthanasie?

Le suicide assisté, que l'on appelle également aide au suicide, consiste à fournir un environnement et des moyens à une personne pour qu'elle mette fin à ses jours. L'euthanasie, a contrario, consiste à déclencher la mort d'une personne qui n'a plus les facultés de se la donner. La décision est à la fois prise par le corps médical, mais aussi par le malade.

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Var-Matin

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