Dans le Pacifique, un cable sous-marin au cœur de la nouvelle guerre froide

Un soldat australien monte la garde devant un commerce du « China Town » de Honiara, capitale des îles Salomon, le mois dernier, théâtre d’émeutes. ©AFP - Gary Ramage / AFP
Un soldat australien monte la garde devant un commerce du « China Town » de Honiara, capitale des îles Salomon, le mois dernier, théâtre d’émeutes. ©AFP - Gary Ramage / AFP
Un soldat australien monte la garde devant un commerce du « China Town » de Honiara, capitale des îles Salomon, le mois dernier, théâtre d’émeutes. ©AFP - Gary Ramage / AFP
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Les États-Unis, le Japon et l’Australie vont financer la pose d’un câble sous-marin entre des îles du Pacifique, pour barrer la route aux Chinois, un geste symbolique du climat de "guerre froide" qui s’étend partout dans le monde.

C’est l’une de ces informations microscopiques qui permettent de comprendre des enjeux beaucoup plus vastes. Les États-Unis, le Japon et l’Australie vont financer la pose d’un câble sous-marin de communications entre les îles de Nauru, de Kiribati et la fédération des îles de Micronésie. Ce câble va améliorer la connexion pour quelque 100 000 personnes vivant dans ces dizaines d’îles éparpillées en Océanie.

A priori, rien de spectaculaire. Sauf que ce financement vient couper l’herbe sous le pied, vous l’aurez peut-être deviné, du chinois Huawei, qui était favori pour remporter un financement de la Banque mondiale. Pas question pour Washington de laisser cette entreprise chinoise, bannie des réseaux américains, étendre son influence dans le Pacifique ; surtout dans les États de Micronésie, liés par des accords spéciaux aux États-Unis ; et en particulier à Guam qui abrite une base militaire américaine.

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C’est un signe de plus de cette ambiance de guerre froide qui touche progressivement l’ensemble de la planète ; et certainement dans cette partie du Pacifique où l’influence chinoise est palpable.

Un exemple, les îles Salomon, plus au sud, un archipel qui compte environ 700 000 habitants, et qui a rompu il y a deux ans ses relations diplomatiques avec Taïwan au profit de Pékin, dans ce qu’on a appelé la « diplomatie du carnet de chèque ». Le mois dernier, des émeutes ont secoué l’archipel, au point d’appeler à l’aide l’Australie pour rétablir l’ordre.

Cible des manifestants, le quartier chinois de la capitale, Honiara, partiellement incendié. Au cœur des émeutes, les rivalités entre deux des principales îles, les difficultés économiques, mais aussi un désaccord sur ce changement de liens au profit de la Chine et ses retombées économiques inégalement réparties. Les autorités locales de l’île de Malaita refusent de reconnaître Pékin, et restent attachées à Taipei.

Souvent réelle et parfois fantasmée, l’influence chinoise devient donc un facteur clivant dans toute la région Pacifique ; on en a également parlé en marge du référendum en Nouvelle Calédonie ce weekend.

A leur tour, les États-Unis ont donc recours au carnet de chèques, et pas seulement dans le Pacifique. Les Occidentaux ont été pris de court par la stratégie chinoise des routes de la soie, qui passe par la construction d’infrastructures financées par Pékin. Cette stratégie a permis à la Chine de développer son influence sur tous les continents.

Les États-Unis, mais aussi l’Europe, contre-attaquent en créant, eux aussi, des fonds destinés à financer des infrastructures. Le Congrès américain a ainsi voté un crédit d’un milliard de dollars pour les îles du Pacifique, dans lequel s’inscrit ce câble sous-marin.

L’Union européenne a annoncé récemment un programme intitulé « le Portail mondial », doté en théorie de 300 milliards d’euros dont on ne sait pas trop s’il s’agit réellement de fonds nouveaux. Les Américains ont lancé le « Partenariat pour construire un monde meilleur », aux contours un peu flous. La Chine a clairement un coup d’avance.

Cette émulation serait formidable si elle avait pour objectif le développement du monde, et pas des calculs de rivalités de puissance. En attendant, si ça permet aux habitants de Kiribati de mieux communiquer, c’est toujours ça de gagné.

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