Le quotidien des prisons documenté sur les réseaux sociaux

La prison des Baumettes, à Strasbourg ©AFP - BORIS HORVAT / AFP
La prison des Baumettes, à Strasbourg ©AFP - BORIS HORVAT / AFP
La prison des Baumettes, à Strasbourg ©AFP - BORIS HORVAT / AFP
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En principe, le portable est interdit en prison ; pourtant, TikTok et Instagram fournissent aujourd'hui une fenêtre ouverte sur la vie en milieu carcéral. Que font les détenus sur les réseaux sociaux ?

Le téléphone portable est interdit en prison; de plus en plus de cellules sont d'ailleurs équipées de téléphones fixes avec lesquels les détenus peuvent appeler des numéros validés par la justice. Une mesure censée aussi faciliter la réinsertion des prisonniers à leur sortie de prison, puisque le contact avec les proches leur permet de lutter contre la dépression et les mauvaises rencontres.

La contrebande immortalisée sur les réseaux sociaux

Cependant, les prisons sont pleines de portables, et les détenus profitent des réseaux sociaux pour documenter leur quotidien. Premier sujet des vidéos : la contrebande. Sur Instagram, ‘ tefcha’ (3 200 abonnés) publie des vidéos de livraisons illicites. Depuis le parking de la prison, quelqu'un balance des colis emballés que les détenus peuvent récupérer au milieu des détritus qui jonchent le sol pendant leur promenade quotidienne. Comme l’explique un détenu sur TikTok, les “tayesheurs” (littéralement, les jeteurs en arabe) sont rémunérés pour jeter des colis par-dessus l’enceinte de la prison. Ils se font néanmoins aussi souvent attraper.

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Les colis révèlent des téléphones emballés dans des paquets hermétisés par du ruban adhésif. Plusieurs vidéos abordent aussi un sujet sensible : où cacher son portable dans une cellule. Réponses sur TikTok : incrustés dans le bois d'une armoire, sous le matelas ou même à l’intérieur de l’écran télé.

Un Tiktolard”, célèbre Tiktokeur pour ses vidéos de cuisine en cellule qu’il adresse à ses 406 mille abonnés, tourne en dérision cette course à la meilleure cachette et dissimule ses engins connectés dans un poulet fermier dans son frigo.

TikTok est aussi devenu un lieu d’échange sur la débrouille autant qu’un partage du quotidien carcéral, comme ces vidéos d’un atelier de coiffure dans les douches collectives. Un monde masculin, où les internautes montrent leurs muscles, écoutent du rap, rendent compte de bagarres entre détenus. Certaines vidéos présentent aussi les rangement et stocks de nourriture, dont l’alignement ultra-méthodique trahit l’ennui des détenus.

La présence de détenus sur TikTok : un secret de polichinelle entre prisonniers et gardiens

La présence de détenus sur TikTok est un secret de polichinelle entre prisonniers et gardiens.

Alors, contre l’utilisation du portable, l’administration installe des brouilleurs de réseau téléphonique. Mais dans la plupart des centres pénitentiaires, ces installations onéreuses passent très mal auprès des détenus : à Rennes, en septembre, des prisonniers avaient refusé de regagner leurs cellules à cause du système de brouilleur ; à Marseille ou à Seysses, des équipes d’intervention ont dû être mobilisées pour répondre aux tumultes créés par la mise en place de brouilleurs.

Néanmoins, le ministère de la justice reste déterminé à lutter contre le portable en prison. Comme le rappelle un délégué régional du syndicat pénitentiaire FO Justice, "les téléphones portables sont un fléau en détention. C’est ce qui permet aux personnes encore à l’intérieur de pouvoir continuer leur trafic à l’extérieur; ça permet aussi à certaines personnes détenues de continuer à harceler leurs victimes."

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