L'ex-ministre danoise de l'Immigration, Inger Stojberg, au siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 6 janvier 2016. Crédit : Reuters
L'ex-ministre danoise de l'Immigration, Inger Stojberg, au siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 6 janvier 2016. Crédit : Reuters

En 2016, Inger Støjberg avait ordonné aux services d'immigration du Danemark de séparer les couples de demandeurs d'asile, lorsque l'un d'entre eux était âgé de moins de 18 ans. Une décision jugée "illégale" pour la Cour spéciale de justice danoise, qui a condamné, lundi, cette proche de l'extrême-droite à 60 jours d'emprisonnement.

L'ex-ministre de l'Intégration du Danemark a été reconnue coupable, lundi 13 décembre, d'avoir illégalement séparé d'office plusieurs couples de demandeurs d'asile. En conséquence, Inger Støjberg, a été condamnée à "un emprisonnement ferme de 60 jours", a indiqué la Cour spéciale de justice, en charge du procès. Il est cependant peu probable que l'accusée aille en prison. Au Danemark, les personnes qui purgent des peines d'emprisonnement de moins de six mois peuvent bénéficier d'un placement sous surveillance électronique.

C'est seulement la troisième fois depuis 1910 qu'un responsable politique est renvoyé devant cette institution, destinée à juger des ministres ayant commis des malversations ou négligences dans l'exercice de leurs fonctions.

Cette proche de l’extrême-droite, farouchement anti-immigration, était accusée d'avoir violé la Convention européenne des droits de l'Homme en ordonnant aux services d'immigration du Danemark de séparer les couples de demandeurs d'asile, dont certains avaient des enfants, lorsque la femme était âgée de moins de 18 ans. Officiellement, pour lutter contre les mariages d'enfant forcés.

En 2016, 23 couples, dont la différence d'âge était majoritairement peu importante, avaient été séparés, sans examen individuel de leur dossier, en vertu de la consigne donnée par la ministre libérale.

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Une initiative "illégale", aux yeux du président de la Cour Thomas Rørdam, "car le ministère de l'Immigration n'était pas tenu de prendre un arrangement concret (...) dans lequel aucune considération n'était accordée individuellement aux personnes concernées", a-t-il indiqué lors de l'énoncé du jugement, en présence de 25 autres juges.

"Je suis très, très surprise. Je pense que ce sont les valeurs danoises qui ont perdu", a déclaré de son côté Inger Støjberg, qui plaidait non coupable dans ce procès où elle comparaissait depuis septembre. "J'ai souhaité et souhaite toujours protéger ces filles. Je prends cette punition la tête haute".

110 amendements restreignant les droits des étrangers

"Une grande majorité me trouve coupable mais contrairement à vous, je sais que je n'ai pas ordonné quelque chose d'illégal", avait-elle plaidé lors d'une commission d'enquête, en février 2021. "Imaginez que vous arriviez dans un pays comme le Danemark, un pays de parité, en tant que jeune fille victime d'un mariage forcé, et que vous découvriez qu'au lieu de vous donner la possibilité de rompre votre mariage forcé, l'État vous y force en vous logeant ensemble dans un centre d'asile".

Ministre de l'Immigration de 2015 à 2019, dans un gouvernement de centre-droit soutenu par la droite populiste anti-immigration DF (parti du peuple danois), Inger Støjberg assumait la très restrictive politique d'accueil du Danemark et s'enorgueillissait d'avoir adopté plus de 110 amendements restreignant les droits des étrangers.

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L'exécutif danois mène actuellement une des politiques migratoires les plus restrictives d'Europe. Une loi votée en juin prévoit que tout demandeur d'asile au Danemark sera, une fois sa demande enregistrée, envoyé dans un centre d'accueil en dehors de l'Union européenne. Si pour l'heure aucun pays tiers n'a accepté ce projet de délocalisation, les ONG se sont insurgées de cette mesure, estimant que le dispositif bafoue le principe du droit d'asile.

D'autres mesures considérées comme anti-migrants ont été prises par les autorités ces dernières années : retrait du permis de séjour de Syriens parce que leurs régions d'origine seraient désormais sûres, durcissement d'une loi anti-ghettos visant à plafonner le nombre d'habitants "non occidentaux" dans les quartiers, ou encore l'objectif officiel d'atteindre le "zéro réfugié".

Après la reconnaissance de la culpabilité de Inger Støjberg par la Cour spéciale de justice – dont le verdict est définitif et ne peut faire l'objet d'un appel - le Parlement doit désormais se prononcer sur son éventuelle exclusion de son mandat de députée, qui est indépendante de la peine.

 

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