Droits sociaux

Tornade : Amazon mis en cause après la mort de six de ses salariés dans l’Illinois

Six personnes travaillant pour le géant du commerce en ligne ont succombé vendredi au passage d’une tornade dans l’Illinois, dans des conditions qui suscitent l’indignation de plusieurs associations.
par Samuel Ravier-Regnat
publié le 13 décembre 2021 à 19h31

Pour Amazon la tempête ne fait que commencer. Le géant du commerce en ligne est accusé de ne pas protéger suffisamment ses employés après que six travailleurs ont été tués vendredi dans un dépôt d’Edwardsville, dans l’Illinois, par le passage d’une tornade destructrice qui a fait au moins 78 morts dans quatre Etats du pays, notamment le Kentucky. Des événements d’une violence exceptionnelle, comme l’a raconté au New York Times Alonzo Harris, un livreur de 44 ans : «J’ai eu l’impression que le plancher se détachait du sol. J’ai senti le vent souffler et j’ai vu des débris voler partout, et les gens ont commencé à crier et à brailler et les lumières se sont éteintes.»

Piégés par l’effondrement de deux murs de douze mètres de haut, 45 survivants ont été retrouvés par les secours, parmi lesquels une employée a été évacuée par avion vers un hôpital. Les opérations de sauvetage sont toujours en cours dans cette ville située à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Saint-Louis, à la frontière du Missouri. Mais les autorités ont indiqué n’avoir aucun espoir de découvrir de nouveaux survivants. Le bilan pourrait donc être amené à s’aggraver dans les jours à venir, faute d’information précise sur le nombre de personnes présentes sur les lieux au moment des faits.

«Inexcusable»

Président du syndicat RWDSU dont l’activité concerne essentiellement le commerce, Stuart Appelbaum a pointé la responsabilité de l’employeur dans un communiqué publié dès le lendemain du drame : «Une fois de plus, Amazon fait passer ses résultats financiers avant la vie de ses employés. Exiger que les employés travaillent pendant une alerte à la tornade aussi importante que celle-ci est inexcusable.» Le responsable syndical a accusé la firme de vouloir préserver coûte que coûte ses «profits», la période de Noël étant habituellement particulièrement faste pour la société du milliardaire Jeff Bezos.

«Si les catastrophes naturelles ne sont pas contrôlables, les protocoles de préparation et de sécurité d’Amazon le sont. Cette catastrophe remet en question les résultats d’Amazon en matière de sécurité des travailleurs et de normes de construction», a insisté Warehouse Workers for Justice. Le collectif, qui lutte pour la protection des droits des travailleurs des entrepôts dans l’Illinois, a réclamé davantage d’informations sur l’accessibilité des abris dédiés aux catastrophes naturelles et sur la tenue d’éventuels exercices de prévention. Il a trouvé un soutien de poids en la personne d’Alexandria Ocasio-Cortez, élue de la Chambre des représentants à New York et figure de la gauche américaine. Sur Twitter, cette dernière a partagé le message d’un journaliste incriminant Amazon et estimant que les événements de vendredi auraient dû être anticipés.

Interdiction des téléphones portables

Par ailleurs, plusieurs employés ont témoigné ce dimanche auprès de l’agence de presse Bloomberg de leur inquiétude à l’égard de la politique d’Amazon consistant à interdire aux employés d’utiliser leur téléphone portable au travail. Imposée dans une perspective d’augmentation de la productivité, cette consigne avait été levée au début de la pandémie de Covid-19. Mais elle est progressivement réintroduite, localement, au grand dam de plusieurs travailleurs qui y voient un risque pour leur intégrité physique : dans le cas d’Edwardsville, les services météorologiques ont alerté les habitants par message électronique un peu moins d’une heure avant que la tornade ne déferle sur la ville. «Après ces décès, il est hors de question que je compte sur Amazon pour assurer ma sécurité. S’ils interdisent le téléphone portable, je démissionne», a prévenu un salarié, sous couvert d’anonymat.

Sur la défensive, les responsables d’Amazon se sont attelés tout au long du week-end à déminer le terrain, sans répondre frontalement aux critiques émises à leur encontre. «Le cœur brisé», le PDG Andy Jassy a fait part de sa tristesse face à ces événements «terribles» et assuré que ses équipes travaillaient en «étroite collaboration» avec les responsables locaux dans le cadre des opérations de sauvetage. Jeff Bezos y est aussi allé de son petit mot : «Les nouvelles d’Edwardsville sont tragiques. Nous avons le cœur brisé par la perte de nos coéquipiers là-bas, et nos pensées et nos prières accompagnent leurs familles et leurs proches», a assuré le fondateur d’Amazon sur Twitter. Peine perdue : le milliardaire a subi la colère des internautes pour avoir attendu dimanche pour réagir au drame d’Edwardsville. La veille, il avait publié une photo à l’adresse de l’équipage de la fusée à bord de laquelle il vient de réaliser un nouveau vol «touristique» dans l’espace.

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