À la suite du décès en 2014 du collectionneur Cornelius Gurlitt, fils du marchand d’art Hildebrand Gurlitt, le Kunstmuseum de Berne (Suisse) découvre avec stupéfaction qu’il est l’unique héritier de sa collection d’art, qui compte quelque 1600 œuvres dont des chefs-d’œuvre signés Otto Dix, Gustave Courbet, Marc Chagall, Pablo Picasso ou encore Henri de Toulouse-Lautrec. Après plusieurs années d’investigation, l’institution déclare renoncer à 38 de ces œuvres, issues de spoliations nazies ou à la provenance douteuse, dont deux aquarelles d’Otto Dix.
Des recherches approfondies
Quelques mois après avoir appris la volonté de Cornelius Gurlitt de lui léguer l’intégralité de sa collection, le Kunstmuseum a passé un accord avec la République fédérale d’Allemagne et l’État libre de Bavière. L’objectif : mettre en place une procédure permettant de classer les œuvres en différentes catégories, en fonction de leur provenance, et pouvoir ensuite décider de leur sort.
L’objectif : mettre en place une procédure permettant de classer les œuvres, et pouvoir ensuite décider de leur sort. ©Kunstmuseum Bern
Plusieurs catégories ont été établies : « vert » (« L’historique de l’œuvre pendant la période de 1933 à 1945 a pu être complètement retracé. Il ne s’agit pas d’une œuvre spoliée sous le régime national-socialiste »), « vert-jaune, sans rapports de recherche » (« œuvres créées par des membres de la famille Gurlitt […] »), « vert-jaune » « […] il reste des lacunes dans la chaîne de provenance. […] Les recherches présentées ne révèlent aucunement la preuve d’une spoliation sous le régime national-socialiste. En outre, il n’y a aucun indice d’une spoliation par le régime national-socialiste et/ou de circonstances suspectes »), « jaune-rouge » (idem, mais « il existe des indices et/ou des circonstances suspectes »), et « rouge » (« l’historique de ces œuvres pendant la période de 1933 à 1945 a pu être entièrement reconstitué. Il s’agit d’œuvres spoliées sous le régime national-socialiste »).
Des restitutions aux propriétaires
La catégorie « rouge » compte neuf œuvres, dont le Kunstmuseum indique dans un communiqué qu’elles ont déjà été restituées à leurs propriétaires par la République fédérale d’Allemagne. Dans le cas de la catégorie « jaune-rouge », 22 œuvres vont bénéficier de plus amples recherches, tandis que cinq autres ont été rendues à la République fédérale d’Allemagne. Enfin, deux aquarelles d’Otto Dix sont en cours de restitution aux héritiers de l’avocat Ismar Littmann, et aux descendants du Dr. Paul Schaefer, qui s’en réclament propriétaires légitimes, sous réserve de la conclusion à l’amiable d’un accord de remise.
Cette Montagne Sainte-Victoire, propriété du Kunstmuseum de Berne, est désormais partagée entre Berne et le Musée Granet d’Aix-en-Provence ©Kunstmuseum Bern
Le Kunstmuseum a choisi de rester propriétaire des œuvres appartenant aux catégories « vert-jaune » et « vert », soit plus de mille œuvres. L’institution précise néanmoins que « dans le cas où une œuvre d’art acquise de manière pérenne par la Fondation Kunstmuseum Bern s’avérerait, lors de nouvelles recherches effectuées par le Kunstmuseum Bern, être une œuvre d’art spoliée par les nazis, celle-ci sera immédiatement restituée aux ayants droit ».
Une exposition à venir
Le Kunstmuseum consacrera en 2022 une grande exposition au legs Cornelius Gurlitt. Intitulée « Gurlitt : un Bilan », elle devrait accueillir les visiteurs de septembre 2022 à janvier 2023 et présenter l’intégralité des œuvres constituant le legs, des dessins de l’art français du XIXe siècle aux statuette archéologiques. Elle abordera également « les défis auxquels un musée est confronté lorsqu’il est amené à gérer la succession d’un marchand d’art de l’époque du national-socialisme, ainsi que les considérations éthiques qui s’y rattachent ».