Pesticides : air, nourriture... les Français encore trop exposés

D’après une enquête de Santé publique France, «l’imprégnation» de la population aux pesticides est en baisse mais nous restons exposés à plusieurs polluants inquiétants, via l’alimentation notamment.

D'après l'étude de Santé publique France, les adultes et les enfants sont notamment exposés aux pyréthrinoïdes, une famille d’insecticides utilisés par exemple comme répulsifs contre les moustiques et employés dans les domaines agricole ou vétérinaire. LP/Olivier Lejeune
D'après l'étude de Santé publique France, les adultes et les enfants sont notamment exposés aux pyréthrinoïdes, une famille d’insecticides utilisés par exemple comme répulsifs contre les moustiques et employés dans les domaines agricole ou vétérinaire. LP/Olivier Lejeune

    Des traces de pesticides et de métaux lourds retrouvés dans les cheveux d’enfants, des résidus d’insecticides découverts dans des œufs mais aussi dans l’air que l’on respire… Les associations de consommateurs et les ONG écologistes dénoncent depuis des années, à l’appui d’analyses, notre surexposition aux produits chimiques. Ont-ils raison de jouer les lanceurs d’alerte ?

    A priori oui, à en croire les résultats d’une enquête dévoilée ce jeudi par Santé publique France. Placée sous la tutelle du ministère de la Santé, cette agence nationale estime que l’imprégnation de la population aux pesticides et à d’autres produits chimiques « est globalement en baisse ». Mais elle s’empresse d’ajouter que « certaines substances pourtant interdites aujourd’hui conduisent encore à des expositions non négligeables ». Et ce via l’air que l’on respire et le contenu de nos assiettes.

    Pour parvenir à ces conclusions, Santé publique France a mené une étude auprès de 2 500 adultes et 1 100 enfants dont les habitudes de vie et les consommations alimentaires ont été étudiées à la loupe. Ils ont été soumis à des analyses de sang, d’urine et de cheveux entre 2014 et 2016 pour détecter la présence de plusieurs familles de pesticides. Les chercheurs ont ensuite comparé leurs données avec les résultats d’une précédente étude menée dix ans plus tôt.

    Certaines substances sont pourtant interdites en France

    Verdict : si les niveaux mesurés sont globalement en diminution, notamment grâce à une réglementation plus stricte sur l’usage des produits chimiques, et similaires à ceux retrouvés dans la plupart des pays étrangers, l’exposition varie en fonction des substances. « Les adultes sont exposés notamment à certains organochlorés, au métabolite des organophosphorés (DMTP), aux pyréthrinoïdes (une famille d’insecticides utilisés comme répulsifs contre les moustiques par exemple et employés dans les domaines agricole ou vétérinaire) aux PCB, dioxines et furanes tandis que les enfants sont exposés au DMTP et aux pyréthrinoïdes », détaille l’organisme public.

    Plus inquiétant : une part non négligeable de la population absorbe des substances aujourd’hui interdites dans l’Hexagone. Comme le lindane, un insecticide longtemps utilisé en agriculture, dont la présence a été détectée chez presque la moitié des adultes ou des enfants. Quant au tristement célèbre glyphosate, il est présent chez environ 20 % de la population testée. Comment ces produits chimiques se retrouvent-ils à l’intérieur de notre corps ?

    Vivre près d’un incinérateur de déchets, même s’ils sont désormais censés respecter les normes, a pu être un facteur d’exposition, notamment aux dioxines. Consommer certains poissons de rivières conduit parfois à ingurgiter des résidus de PCB. On peut aussi être exposé à des substances organochlorées, des PCB, des dioxines et des furanes en consommant des œufs ou des matières grasses, comme de l’huile ou du beurre.

    « Aérer régulièrement son intérieur »

    « Brûler des déchets ou des plastiques dans son jardin peut être une source de contamination de l’air, explique Sébastien Denys, directeur santé/environnement/travail au sein de l’organisme public. Or, il suffit que les poules picorent la terre ou que les ruminants ingèrent de l’herbe ou de la terre contaminée pour que les substances polluantes s’accumulent et se retrouvent in fine dans la chaîne alimentaire. »

    Les consommateurs de viande bovine et de certains produits animaux sont d’ailleurs potentiellement exposés à des substances chimiques préoccupantes. Comment s’en prémunir ? D’abord en privilégiant les produits estampillés AB. « Pour trois familles de pesticides, notre enquête montre que le niveau d’imprégnation est plus faible chez les consommateurs privilégiant les produits bios », indique Clémence Fillol, responsable de l’unité surveillance des expositions à Santé publique France.

    Pour diminuer encore certaines concentrations de polluants dans notre corps, les experts suggèrent aussi de « respecter les conditions d’utilisation des insecticides au domicile et d’aérer régulièrement son intérieur ». Ouvrir en grand les fenêtres au moins quinze minutes trois fois par jour fait par ailleurs partie des recommandations des autorités sanitaires en cette période de recrudescence de Covid-19.