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Politique

La gauche dans une situation désespérée : "Ils se disputent sur le pont du Titanic en train de couler"

Divisée, marginalisée et atomisée en cinq candidatures qui réunissent moins de 25% des électeurs, la gauche est en danger de mort. Et pourtant... après la crise des "gilets jaunes" et l'irruption de la pandémie, elle avait un boulevard.

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Jadot Hidalgo

La candidate du Parti socialiste Anne Hidalgo et celui des écologistes Yannick Jadot.

AFP

L’état de la gauche, c’est encore lui qui en parle le mieux. "Ils sont sur le pont du Titanic en train de se rejeter la responsabilité de la division alors que le navire coule", ironise le politologue Pascal Perrineau. A quatre mois de l’élection présidentielle, la gauche est en danger de mort. Divisée, marginalisée et atomisée en cinq candidatures, elle pèse moins de 25% de l’électorat. Du jamais vu sous la Ve République. Et pourtant… Après la crise des "gilets jaunes" et l’irruption du Covid-19, la gauche avait un boulevard. Elle aurait pu s'imposer. Dans notre sondage Harris Interactive, c’est elle que les électeurs jugent la plus capable de résorber les inégalités (31%), protéger les services publics (31%), affronter le réchauffement climatique (32%) ou même… sauvegarder le système de retraite (28%). Les Français, en quête de protection, plébiscitent les orientations sociales de la gauche sans pour autant se reporter sur ses candidats. Qu’il s’agisse de Jean-Luc Mélenchon (11 %), Yannick Jadot (7 %) ou Anne Hidalgo (4 %), aucun n'est en mesure de se qualifier pour le second tour de l'élection présidentielle.

Faiblesses idéologiques et structurelles

Comment expliquer ce paradoxe ? "La gauche s’est repliée sur les centres-villes des métropoles, qui sont un réduit sociologique, attaque dans Libération l'ex-ministre PS Arnaud Montebourg, en pointant les renoncements de sa famille politique : "La valeur travail et sa juste rémunération, que Benoit Hamon et son revenu universel ont abandonnées ; le retour raisonnable de la souveraineté nationale, que le PS et son euro-béatitude ont abandonné ; la réindustrialisation et le « made in France » que les Verts anti-nucléaires rendent impossibles ; la fermeté républicaine dans les domaines régaliens, que refuse LFI qui théorise son communautarisme." Dans un pays qui se droitise, sur fond d'insécurité culturelle et d'angoisses sécuritaires, la sociale-démocratie est en crise. "Nous avons perdu la bataille des idées", regrette la maire PS de Nantes Johanna Rolland et porte-parole d'Anne Hidalgo. La gauche a sa part de responsabilité. En délaissant le champ social pour investir les sujets sociétaux, elle s'est coupée de sa base historique : les ouvriers, les employés, les petits retraités. Et s'est enfermée dans des débats minoritaires, hors-sol, qui peinent à percer médiatiquement : l'écriture inclusive, les sapins de Noël, le foie gras...

Mais les faiblesses de la gauche ne sont pas seulement idéologiques. Elles sont d'abord et avant tout structurelles. Longtemps la force dominante à gauche, le Parti socialiste n'est plus en mesure de jouer le rôle de navire amiral autour duquel s'organise le rassemblement. Reléguée à 4% des intentions de vote, sa candidate Anne Hidalgo a beau multiplier les appels à l'union, elle prêche dans le vide. En plus de cette absence de leadership, la gauche souffre encore du "verrou Mélenchon". Le leader de la France insoumise est à la fois la personnalité de gauche la mieux placée dans les sondages (11%) et la plus rejetée des Français (2e personnalité politique la plus détestée après Éric Zemmour). L'ancien sénateur socialiste paie encore la séquence dévastatrice de "La République, c'est moi" lors de la perquisition menée au siège de la France insoumise en 2018. Et ses têtes à queues idéologiques, qui l'ont conduit à délaisser sa vision "républicaine" de 2017 pour s'emparer d'un logiciel multiculturel, ont pu déboussoler une partie de ses électeurs.

La dynamique Jadot contrariée

Le leader des écologistes, Yannick Jadot, a vu lui son début de dynamique contrarié par l'affaire Hulot qui a éclaboussé l'un de ses principaux lieutenants, Matthieu Orphelin. Surtout, pour contenir la dissidence interne de son adversaire des primaires, Sandrine Rousseau, il a dû gauchiser son discours, et a perdu quelques points auprès des électeurs macronistes susceptibles de le rejoindre. Enfin, la percée du nucléaire dans les débats a fragilisé le candidat d'EELV, qui a eu du mal à expliquer son rejet d'une énergie décarbonée face au réchauffement climatique. Quant à Anne Hidalgo, engluée depuis des mois autour de 5% des intentions de vote - un score qui menace jusqu'à sa capacité à financer sa campagne - "elle est victime d’un bashing permanent qui finit par peser", admet le président du groupe PS au Sénat Patrick Kanner. La candidate socialiste est très fragilisée.

Comme une éternelle ritournelle, l'extrême faiblesse des trois principaux candidats de gauche a relancé les spéculations autour de l'organisation d'une primaire de gauche. "Elle aurait un double avantage", pointe l'ancien directeur de Libération Laurent Joffrin qui s'est lancé en politique à l'été 2020 avec son mouvement Les Engagés, "imposer nos thèmes dans le débat et nous remettre en piste en dépassant les 10% et peser à nouveau dans les médias". Soutenue par Anne Hidalgo et Arnaud Montebourg, l’initiative a été sèchement rejetée par Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. "Ils ont tort de traiter le sujet avec tant de mépris, prévient Noël Mamère, ancien candidat écolo à la présidentielle. Car, vingt ans après le 21 avril 2002, ce qui menace cette fois c’est une victoire de l’extrême droite au second tour." Un danger qui ne suffit pas à fédérer. Pour l'instant.

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