Coronavirus

Le reportage invraisemblable des journalistes séquestrés par la sénatrice antivax Diana Sosoaca qu’ils étaient allés interviewer

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Par Sandro Faes Parisi

C’est l’histoire d’un reportage sur le coronavirus qui a mal tourné. C’est l’histoire d’une équipe de la télévision italienne (RAI) partie en Roumanie réaliser un sujet sur le taux très bas de vaccination contre le Covid-19 du pays, alors même que la menace Omicron semble se préciser.

Fin de semaine dernière, Lucia Goracci, l’envoyée spéciale de la chaîne italienne RAI Uno, se rend donc à Bucarest. Soucieuse de comprendre les mécanismes qui mènent la population à se méfier des vaccins, la journaliste décide de donner la parole à la très médiatique sénatrice Diana Ivanovic Sosoaca, antivax notoire et très active sur les réseaux sociaux. Habituée des coups d’éclat, celle qui n’hésite pas à comparer les personnes allant se faire vacciner à des agneaux qui vont à l’abattoir accepte l’invitation et propose à l’équipe de l’interviewer dans ses bureaux.

La sénatrice Sosoaca offre un sac mortuaire au Premier ministre (Antena3/Roumanie)

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Des gens se sont introduits dans mon bureau et sont en train de me menacer

Très vite, Diana Sosoaca se montre fidèle à elle-même, souligne le taux de mortalité très bas et parle de nouveau procès de Nuremberg à venir pour ceux, autorités comprises, qui poussent les gens à se faire vacciner. Devant ce parallèle douteux avec l’histoire sombre de l’humanité, la journaliste tente de recentrer l’interview sur le concret. Rien n’y fait, la situation se crispe. La sénatrice demande alors à l’équipe italienne de s’en aller, avant de se raviser, de se lever et d’enfermer les journalistes. Dans la foulée, l’élue appelle la police : " Je suis la sénatrice Sosoaca, je vous demande de l’aide parce que des gens se sont introduits dans mon bureau et sont en train de me menacer."

Fouillez-les, ils ont sans doute volé des choses

Dans le tumulte, la journaliste de la RAI, habituée aux zones de guerre, réussit à sortir tandis que son équipe reste enfermée à l’intérieur. Convaincue de pouvoir expliquer la situation réelle à la police, c’est l’incompréhension lorsqu’elle se rend compte que ceux-ci ne l’écoutent pas. Pire, de retour à l’intérieur, Lucia Goracci est malmenée et essuie des coups de la part du mari de la sénatrice bien décidé à leur faire effacer leurs images. Un souhait, presque un ordre, réitéré par la sénatrice Sosoaca lorsque la police embarque la troupe et les emmène vers le commissariat : "Fouillez-les, ils ont sans doute volé des choses, et effacez toutes les images."

Au poste, les menaces continuent mais les journalistes sont bien décidés à faire valoir leurs droits. Ils refusent de céder à la pression, d’effacer leurs images, la seule preuve de ce qui s’est réellement passé. Lucia Goracci réussit finalement à joindre l’ambassade d’Italie. Huit heures plus tard, la troupe de journalistes est enfin libre. Libre de raconter ce qui s’est passé, images à l’appui.

Le reportage est finalement monté et diffusé au TG1, le principal journal télévisé de la RAI, déclenchant un tollé médiatique. Parallèlement les autorités italiennes se mobilisent. L’ambassadeur roumain en poste à Rome est convoqué. Dans la foulée l’ambassadeur italien à Bucarest fait part de ses griefs aux autorités roumaines.

Condamnation officielle de la part des autorités roumaines

Quelques heures plus tard, le gouvernement roumain a condamné fermement cet acte d’intimidation de journalistes et d’entrave au droit des citoyens à la libre information. Le Premier ministre Nicolae-Ionel Ciucă a pour sa part déclaré que cet incident était inacceptable et désapprouvait fermement la manifestation de divergences d’opinions par la violence. Une enquête a été ouverte et plainte a été déposée contre le mari de la sénatrice pour voie de fait.

Quant à la journaliste Lucia Goracci, elle a reconnu dans divers médias de la péninsule avoir eu peur : "Je ne m’attendais pas à ce que cela puisse arriver en Roumanie… Oui, j’étais inquiète, surtout lorsque la situation est passée de grotesque à clairement tendue et intimidante. D’autant plus que ça a duré des heures et des heures. Nous avions rendez-vous au bureau de Sosoaca à 15h30, et à minuit nous étions encore au commissariat.

La télévision roumaine TVR évoque les sanctions possibles contre la sénatrice Diana Șoșoacă dans son Journal Télévisé

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