Opinion

Trop de fonctionnaires en France, vraiment ?

4 min
Xavier Timbeau Directeur de l’OFCE

Le nombre des fonctionnaires est une obsession française, dont Emilien Ruiz vient de publier une histoire édifiante. Et la primaire de la droite n’aura pas manqué ce rendez-vous périodique, immuable avec cette antienne.

Alors, il faut à nouveau examiner la question. Comparer le « nombre de fonctionnaires » entre les pays est décisif, mais pas si simple...

Le nombre des fonctionnaires est une obsession française, dont Emilien Ruiz vient de publier une histoire édifiante. Et la primaire de la droite n’aura pas manqué ce rendez-vous périodique, immuable avec cette antienne.

Alors, il faut à nouveau examiner la question. Comparer le « nombre de fonctionnaires » entre les pays est décisif, mais pas si simple, la notion n’étant pas retenue dans la comptabilité nationale. Contrat à durée déterminée ou indéterminée forme une catégorie, contractuel ou fonctionnaire, non. La grande diversité des pratiques, héritées de l’histoire et des réformes successives, peut expliquer cette absence d’un concept que l’on pourrait appliquer sans détour à tous les pays.

Il y a tout juste cinq ans, alors que débat sur « l’Etat obèse » était porté par les candidats à la primaire de la droite et du centre, nous avions utilisé le travail de comparaison de France Stratégie et du ministère de la Fonction publique, pour comparer le nombre de fonctionnaires pour 1 000 habitants.

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Mais pour avoir des données plus à jour, il nous faut changer de méthode. On utilise donc les données par branche de la comptabilité nationale, disponibles pour tous les pays de l’OCDE (le dernier chiffre est pour l’année 2018 à 2020), pour connaître la masse salariale dans les secteurs principalement non marchands, à savoir l’administration publique, l’enseignement et la santé, que l’on peut rapporter à la masse salariale totale de l’économie.

La France est dans la moyenne

La part de l’économie principalement non marchande varie substantiellement d’un pays à l’autre. Elle est prédominante en Norvège et minimale en Corée du Sud.

Notons que par rapport au nombre de fonctionnaires, la masse salariale intègre la dimension rémunération et donne une image assez différente de l’emploi. La Grèce se retrouve sur le podium du fait d’une rémunération relative de ce secteur plus avantageuse que dans le reste de l’économie, ravagée par la crise des dettes souveraines et l’austérité qui l’a suivie.

La France (28,5 % de la masse salariale totale) est dans le milieu des pays sélectionnés, alors qu’en Allemagne, la part du secteur principalement marchand se situe 3 points en dessous (25,8 %). La différence avec notre voisin d’outre-Rhin s’explique par les secteurs de l’éducation et de l’administration.

La comparaison avec les autres pays ne fait apparaître aucune anomalie. Le débat ne devrait pas porter sur les aspects comptables, mais plutôt sur les aspects qualitatifs du rôle et des fonctions des agents de l’Etat

Les données sur les dépenses publiques par fonction nous renseignent, non pas sur la masse salariale des fonctionnaires, mais sur la masse salariale en fonction des employeurs. On peut repérer donc la masse salariale des collectivités territoriales, de l’administration centrale et des administrations de sécurité sociale, selon une nomenclature homogène entre les pays.

Ces éléments sont présentés sur le graphique par les points orange pour la dernière année connue (2018, 2019 ou 2020 suivant les pays) et cinq ans auparavant. Dans beaucoup de pays, cette masse salariale publique est inférieure à celle des secteurs non marchands. La logique est celle de l’externalisation des fonctions « non marchandes ». C’est en Corée du Sud que cette pratique d’externalisation est la plus répandue alors qu’elle est minimale en Pologne, en Norvège ou encore au Danemark.

Une tendance se dégage puisque cette part décroît dans pratiquement tous les pays à l’exception de la Norvège. La France se situe en la matière encore une fois dans la moyenne des pratiques et des évolutions, avec une tendance croissante à l’externalisation moins marquée qu’en Irlande mais plus forte qu’en Allemagne.

La part de la masse salariale dans le secteur non marchand ou dans le secteur public ne nous dit pas grand-chose sur l’efficacité de la dépense publique, ni sur la qualité des services publics rendus à la nation. Mais la comparaison avec les autres pays ne fait apparaître aucune anomalie.

Comme nous le concluions dans les mêmes circonstances il y a cinq ans, le débat ne devrait pas porter sur les aspects comptables, mais plutôt sur les aspects qualitatifs du rôle et des fonctions des agents de l’Etat.

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Commentaires (5)
Joan 20/12/2021
Effectivement, c'est le problème majeur des comparaisons internationales des dépenses publiques. Ainsi, doit-on considérer un pharmacien (et ses salariés) comme étant dans le secteur privé alors qu'il tire la quasi-totalité de ses revenus de la Sécurité Sociale ?
JOAN RICHARD 20/12/2021
Le commentaire ci-dessus est une réponse à Louis GIBAULT.
Boostaldo 19/12/2021
L’article est confus et ne convainc pas. Le graphique tout autant.
Joan 20/12/2021
L’article et le graphique vous semblent peut-être un peu techniques (ce qui peut en rendre la lecture difficile pour un néophyte), mais en aucun cas confus. L’article montre clairement que la France se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE en termes de masse salariale du secteur public, et qu’il n’y a donc pas de nécessité à réduire cette dernière au prétexte que la France dépenserait plus que ses voisins.
Louis GIBAULT 16/12/2021
Intéressant mais peut-être trompeur ? En France une bonne partie de la santé n'est pas assurée par la fonction publique, dans la plupart des autres pays aussi mais dans des proportions très varaibles qui faussent les comparaisons. Idem pour l'enseignement dont la part laissée à l'activité marchande est beaucoup plus forte dans certains pays (dont UK)
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