« Unwashed » – Ces gens qui ne se lavent plus tous les jours pour sauver la planète

« Unwashed » - Ces gens qui ne se lavent plus tous les jours pour sauver la planète
© IStock

Vieux de 10 ans, le terme « unwashed » (« qui n’est pas lavé » en Français) revient sur le devant de la scène alors que de plus en plus de Français font l’économie de la douche quotidienne pour réduire leur consommation en eau. Conséquence directe de plusieurs mois de confinement et de sensibilisation aux enjeux environnementaux, ce phénomène n’annonce pourtant pas la révolution verte.

- 18 décembre 2021

L’affaire avait fait grand bruit en août dernier. L’actrice américaine Kristen Bell et son mari Dax Shepard faisaient les gros titres pendant plusieurs jours après avoir déclaré ne pas laver leurs enfants quotidiennement. « Je ne rigole pas vraiment quand je dis qu’il faut attendre que ça pue », a-t-elle confié lors d’une interview sur la chaîne Daily Blast Live le 9 août. « Cela prouve bien qu’ils [les enfants] ont besoin de prendre un bain ». Quelques jours plus tôt, c’était l’actrice américaine Mila Kunis, 37 ans, qui avouait ne pas être le genre de « parent qui donne le bain à son nouveau-né », lors d’une interview pour le podcast Armchair Expert. Et son mari, Ashton Kutcher, de préciser : « Si vous pouvez voir de la saleté sur eux, nettoyez-les. Sinon, ça ne sert à rien ».  Si ces multiples sorties médiatiques ont fait couler beaucoup d’encre aux États-Unis, elles ont surtout remis sur le devant de la scène un phénomène qui s’étend aujourd’hui au-delà des frontières américaines : les « unwashed ».

De la dermatologie à l’écologie

Mentionné pour la première fois dans un article du New York Times, « The Great Unwashed » renvoie aux personnes qui ne se lavent pas tous les jours. En 2010, les témoignages recueillis par le quotidien newyorkais se référaient exclusivement à la dermatologie – certaines personnes se plaignant notamment que le fait de prendre trop de douches rende leur peau plus sèche ou plus sujette aux poussées d’eczéma. 

Si Jake Gyllenhaal, l’acteur principal du film Donnie Darko : l’électrochoc, qui l’a rendu célèbre en 2005, évoque lui aussi un intérêt dermatologique une décennie plus tard, Kristen Bell, elle, parle plus volontiers de problématiques environnementales. « La Californie connaît la sécheresse depuis toujours. C’est une question de responsabilité vis-à-vis de l’environnement. Nous n’avons pas une tonne d’eau, alors quand je me douche, je prends mes filles et je les pousse avec moi pour que nous utilisions tous la même eau de douche », avance la californienne de 41 ans.

Une préoccupation nouvelle, qui a gagné en popularité dès le premier confinement en mars 2020. « Je vois deux raisons à ce phénomène aujourd’hui », nous explique Marillys Macé, directrice générale du Centre d’information sur l’eau. « D’abord, pendant la pandémie, les gens se sont lavés moins souvent puisqu’ils ne sortaient plus autant. Deuxièmement, la population française est de plus en plus sensibilisée aux enjeux environnementaux », explique-t-elle. Une préoccupation qui se lit dans le dernier baromètre publié par le Centre cette année. 86% des répondants disent vouloir faire des économies d’eau, selon Marillys Macé. « Cela signifie bien que la majorité des gens font attention à leur utilisation d’eau et ont conscience de sa rareté à terme », souligne-t-elle.

Importation des États-Unis à la France

En France, le phénomène gagne aussi en popularité ces dernières semaines. Alexandre Mounier, président de l’association « Un déchet par jour », a confié à la rédaction de M6info ne se doucher qu’une fois tous les dix jours environ. « En économisant l’eau, je suis en accord avec mes préoccupations environnementales », avance par ailleurs le jeune homme de 30 ans au Journal du Dimanche. Mais Alexandre Mounier n’est pas le seul à faire des économies d’eau. L’Ifop révélait en février 2020, lors d’un sondage pour la société Diogène, qu’un quart des Français ne se lavait pas entièrement chaque jour. Un chiffre qui a augmenté durant la pandémie puisque 33 % des Françaises et 41 % des Français ne se lavent plus  le corps et le visage tous les jours, selon un sondage Ifop publié en avril 2021.

« Pour avoir un réel impact, les gouvernements locaux et fédéraux doivent investir dans des infrastructures qui rendent la douche et l’utilisation de l’eau en général moins nocives pour l’environnement »
Andrea Armstrong, professeure en sciences environnementales du Lafayette College, New York Times

Être « unwashed », vraiment utile pour sauver la planète ?

Alors que les douches et les bains représentent 30 % de la consommation moyenne en eau des Français, réduire ses passages dans la salle de bain impacte nécessairement la facture économique et écologique. « Une douche courte de quatre minutes consomme en moyenne 60 litres. Si on prend sa douche tous les deux jours – tout en conservant certains gestes d’hygiène comme l’usage du gant pour les parties intimes –, on peut économiser a minima 150 litres d’eau par semaine », explique Marillys Macé. Pour la Directrice générale du Centre d’information sur l’eau, ce mouvement « unwashed » est de bon augure puisqu’il symbolise une prise de conscience générale. « Il faut que tout le monde s’y colle. C’est un mouvement citoyen général. Les agriculteurs, les industriels, les collectivités locales… Tout le monde doit en faire partie et préserver nos ressources d’eau », avance-t-elle. « C’est pour ça que même prendre une courte douche ou une douche tous les deux jours fait avancer les choses », se réjouit-elle. 

Pourtant, malgré ces nouveautés, il faudrait qu’un très grand nombre de personnes changent leurs habitudes en matière de bain pour que les émissions de carbone diminuent. « Pour avoir un réel impact, les gouvernements locaux et fédéraux doivent investir dans des infrastructures qui rendent la douche et l’utilisation de l’eau en général moins nocives pour l’environnement », explique la professeure en sciences environnementales du Lafayette College, Andrea Armstrong, au New York Times en mai. L’urgence, elle, est déjà là. « Avec le changement climatique, l’eau va voir son débit se réduire de 10 % à 40 % dans les années à venir en France », s’alarme Marillys Macé. Et de conclure : « Malgré cela, les politiciens mettent souvent de côté la thématique de l’eau et sa rareté »

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