Leurs noms ne sont pas forcément connus mais leurs clichés ont fait le tour du monde. Ken Oosterbroek (1963-1994), Greg Marinovich, Kevin Carter (1960-1994) et João Silva : quatre photojournalistes sud-africains qui forment le Bang-Bang Club et dont le travail a contribué à dénoncer l’horreur du régime ségrégationniste. De 1990 à 1994, ils ont photographié les violences qui ont fait près de 20 000 morts en Afrique du Sud. C’est cet engagement que raconte le documentaire de Marc Wiese que diffuse Arte, dans sa deuxième partie de soirée consacrée aux vingt ans de la fin de l’apartheid.
DESTINS TRAGIQUES
Des extraits du journal intime de Ken Oosterbroek servent de fil conducteur à ce récit qui, en s’appuyant sur les témoignages des membres du Bang-Bang Club, de leurs familles et amis, réussit à tirer des portraits très humains de ces photographes. Le parallèle entre les vidéos d’archives et les photos du Bang-Bang Club est saisissant, montrant à quel point les journalistes étaient au cœur des violences. « Ils aimaient l’ivresse du danger, ils l’ont payé cher », témoigne Peter Sullivan, ancien rédacteur en chef de The Star, le journal pour qui travaillait le quatuor. Le film choque parfois – avec des images à la limite du soutenable –, mais pose de vraies questions. Quel est le rôle du journaliste sur une zone de conflit ? Photographier une personne mourante sans lui porter secours, est-ce contraire à l’éthique ? Des interrogations qui sont toujours d’actualité.
Pour Juda Ngwenya, photographe sud-africain, ne pas intervenir était une question de survie. « Je voyais bien que le mec était encore en vie, mais si je faisais quelque chose, ils allaient tous me tomber dessus. » En 1994, Kevin Carter reçoit le prix Pulitzer pour une photo prise au Soudan : on y voit une fillette accroupie, squelettique, avec un vautour derrière elle. Une salve de critiques accompagne sa récompense. Pourquoi ne pas avoir chassé le vautour ou aidé cette enfant ?
A force de côtoyer la mort, les membres du Bang-Bang Club ont eux-mêmes connu des destins tragiques. Ken Oosterbroek meurt en avril 1994, lors de tirs dans le township de Tokhoza et Greg Marinovich est blessé dans l’attaque. Quelques mois plus tard, Kevin Carter se suicide, laissant une lettre dans laquelle il dit être déprimé, endetté et hanté par les cadavres qu’il a photographiés. En 2010, lors d’un reportage en Afghanistan, João Silva saute sur une mine et doit être amputé des deux jambes au-dessous des genoux.
Marc Wiese - (Allemagne, 2013, 52 minutes).
Diffusion le mercredi 23 avril à 0 h 10 sur Arte.
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