Accueil

Société Santé
Omicron : "On pourrait aboutir à l’immunité collective recherchée depuis le début de la pandémie"
“Peut-être est-ce le dernier variant, peut-être est-ce la dernière vague.", a évoqué le ministre de la Santé Olivier Véran ce lundi 3 janvier à l’Assemblée Nationale, à propos du variant Omicron.
Hans Lucas via AFP

Omicron : "On pourrait aboutir à l’immunité collective recherchée depuis le début de la pandémie"

Sortie de crise ?

Propos recueillis par

Publié le

La cinquième et actuelle vague de pandémie de Covid-19 pourrait être « la dernière » et conférer à la population une immunité collective, d’après le ministre de la Santé Olivier Véran. Pour autant, elle met déjà l’hôpital sous tension.

Un rayon de soleil dans la tempête Omicron ? « Cette cinquième vague sera peut-être la dernière », a estimé Olivier Véran dans les colonnes du Journal du Dimanche (JDD) ce 2 janvier. Et pour cause : le taux de transmissibilité du variant Omicron est tellement important qu’il pourrait infecter une majeure partie d'entre nous, conférant à la population « une forme d'immunité ou par la vaccination, ou par l’infection, ou les deux », a complété le ministre de la Santé le lendemain sur France Inter.

En parallèle, les preuves s’accumulent de la dangerosité moindre du variant, qui provoque moins de formes graves. D’où l’évolution de la stratégie de contrôle de la pandémie : alors que l’isolement est réduit à sept voire cinq jours pour les personnes positives ayant un schéma vaccinal complet, ces dernières ne sont plus tenues de s'isoler si elles sont cas contacts depuis ce lundi 3 janvier. Le gouvernement semble ainsi faire le choix de laisser un peu le virus circuler et de se concentrer sur l’immunité collective. Sommes-nous en train de voir le bout du tunnel ? Marianne a posé la question au professeur Yves Buisson, microbiologiste et épidémiologiste, président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine.

Marianne : A-t-on aujourd’hui assez d’éléments pour affirmer que le variant Omicron est moins dangereux ?

Yves Buisson : On en apprend chaque jour un peu plus sur ce variant, même si on est encore loin de tout savoir. Toutes les informations vont dans le sens d’une souche moins pathogène mais beaucoup plus transmissible. En revanche, on ne peut pas connaître le détail de ces évolutions : de combien cette souche est-elle plus contagieuse ? Moins dangereuse ? Les études avancent des taux variables, mais les tendances concordent. C’est d’ailleurs ce qu'on voit au Royaume-Uni, il n’y a pas d'explosion des admissions en réanimation, ce qui est annonciateur de la situation en France. À mon sens, cela justifie que l’on réduise les durées d’isolement pour éviter de bloquer la France. Sans cela, avec les milliers, voire millions de cas contacts, cela aurait entraîné un nouveau confinement du pays.

Est-ce qu'on sait expliquer pourquoi ce variant est à la fois plus transmissible et moins dangereux ?

L’une des principales hypothèses est qu’il se fixe davantage aux cellules muqueuses des voies aériennes supérieures (nez, pharynx, trachée…), alors que les autres variants, notamment Delta, s’attaquent plus aux cellules des poumons, au niveau des bronchioles et des alvéoles : c’est ce qui fait la gravité de la maladie. De ce fait, il est moins dangereux, mais davantage transmissible. Par exemple, lorsqu’une personne éternue, elle dissémine de plus grandes quantités de virus. Cette caractéristique peut expliquer qu’il se répande comme de la poudre sans provoquer particulièrement de formes graves. C’est ce qui lui a permis de prendre le dessus : mieux se transmettre est le principal avantage que peut acquérir un variant dans la compétition naturelle. Omicron en a un deuxième : il tue rarement son hôte.

Cette double qualité permet-elle d’affirmer que ce variant sera le dernier, et que cette vague sera donc la dernière ?

On ne peut jamais être sûr de rien avec de tels virus. Mais il devient très difficile pour un nouveau variant de réunir des mutations qui le rendraient encore plus contagieux qu’Omicron. À mon avis, même si encore une fois on ne peut être sûr de rien, cette hypothèse est peu probable. D’autres variants peuvent toujours apparaître, mais auront du mal à se répandre dans une population qui aura largement été infectée par Omicron, vaccinée et protégée contre les formes graves.

À LIRE AUSSI : Covid-19 : face à Omicron, le masque en extérieur sert-il vraiment à quelque chose ?

Dans ce sens, les propos d’Olivier Véran ne sont pas contestables : il se peut que cette grande vague Omicron annonce le baisser de rideau. Peu de personnes échapperont à l’infection. Au final, une grande partie sera immunisée soit grâce à l’infection soit grâce à la vaccination, soit grâce aux deux. Cela pourrait constituer une couche de rappel généralisée grâce à laquelle on pourrait aboutir à l’immunité collective recherchée depuis le début de la pandémie. Dès lors, le virus pourrait continuer de circuler en provoquant de simples infections bénignes. C’est un scénario probable, mais personne ne peut le garantir.

Quid du risque d’apparition d’un nouveau variant, potentiellement plus transmissible ou dangereux ?

Je ne pense pas qu’un variant puisse apparaître en France : les variants préoccupants ont émergé dans des pays où le virus circule encore plus que chez nous et où il y a un grand nombre de personnes immunodéprimées. Si d’autres variants arrivaient par la suite en France, la population sera probablement protégée par l’immunité acquise grâce à la vaccination, complétée par la propagation fulgurante d’Omicron.

A LIRE AUSSI : Des soignants contaminés par le Covid mais pas isolés : la justification d'Olivier Véran

Certains infectiologues alertent pourtant : d’après l’infectiologue Éric Caumes le gouvernement « prend un gros risque » en laissant circuler le virus…

Je comprends ces réserves. Même si les projections des modélisateurs sont souvent bonnes, il faut rappeler qu’à l’hôpital, les soignants sont déjà sous tension. À cause du variant Delta, qui provoque encore beaucoup de formes graves, mais aussi avec l’épidémie de grippe qui progresse. Il ne faut pas oublier que, chaque année, la grippe saisonnière envoie aussi beaucoup de personnes en réanimation. Et Omicron ne provoquera pas que des « gros rhumes » : proportionnellement, il y aura encore des formes graves. Si cette vague est la dernière, elle pèse lourdement sur des hôpitaux en manque de personnel et déjà saturés.

« La Covid-19 est la troisième tentative des coronavirus pour générer une pandémie : la première a avorté en 2003 avec le SRAS, puis en 2013 avec le MERS. La troisième tentative était la bonne avec le Sras-Cov-2. Il y a de nombreux autres candidats en réserve. »

On peut d’ailleurs regretter que l’on n’ait pas vacciné davantage au cours de l’été, par exemple en instaurant le passe vaccinal plus tôt. Dans ce cas, on aurait vraiment pu laisser circuler le virus avec moins d’arrière-pensées, car on sait que ce sont en grande majorité des personnes non vaccinées qui font des formes graves.

Une dernière vague, peut-être, mais selon vous, il faut aussi rester prudent : d’autres pandémies liées à des coronavirus ne sont pas à exclure.

Il existe dans la nature, notamment chez les chauves-souris, d’importants réservoirs de coronavirus. Des études récentes montrent que certains d'entre eux sont prêts à franchir la barrière des espèces, c’est-à-dire à passer chez un hôte intermédiaire et potentiellement ensuite chez l’homme. Ceux-là pourraient créer une nouvelle pandémie. La Covid-19 est la troisième tentative des coronavirus pour générer une pandémie : la première a avorté en 2003 avec le SRAS, puis en 2013 avec le MERS. Ces deux coronavirus étaient beaucoup plus mortels [ce qui empêche son hôte de le transmettre] donc de mauvais candidats pour une pandémie. La troisième tentative était la bonne avec le Sras-Cov-2. Il y a de nombreux autres candidats en réserve. il y aura probablement d’autres pandémies à coronavirus, qui peuvent survenir n’importe quand. Cela impose de rester vigilants, de renforcer la collaboration internationale et d’être plus réactifs et transparents si le scénario se répète.

À LIRE AUSSI : Omicron : "pas la même maladie" que les précédents variants selon un chercheur britannique

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne