La décision mercredi du président kazakh, Kassim-Jomart Tokaïev, d'accepter mercredi la démission du gouvernement et de déclarer l'état d'urgence n'a pas mis un terme aux manifestations réprimées violemment dans la première économie d'Asie centrale. La population des principales villes - de l'ancienne capitale Almaty, à l'est, jusque dans la région de Mangystau, à l'ouest au bord de la mer Caspienne, est en colère après la décision des autorités de doubler le prix du gaz naturel liquéfié (GNL), utilisé comme carburant par de nombreux automobilistes.
La suppression des prix plafonnés en ce début d'année a fait bondir le prix du litre de GNL dans les stations services à 120 tenge (la devise locale), soit 0,28 dollar, contre 50 à 60 tenge (0,12 à 0,14 dollars) en 2021. Sous la pression des autorités, les propriétaires des stations ont accepté de ramener le prix du litre à 85-90 tenge (0,2 dollars-0,21 dollar), mais cela reste insuffisant pour les manifestants qui exigent un retour à 60 tenge le litre.
Hausse des prix alimentaires
Ces derniers redoutent que cette flambée du prix de l'énergie se propage aux autres produits, notamment ceux de l'alimentation. L'inflation a déjà progressé sur un an de 8,9% selon la Banque centrale du pays, principalement en raison des prix alimentaires.
Cette crise est d'autant plus emblématique, que cette ancienne république de l'URSS, qui fêtait ses 30 ans d'indépendance en décembre dernier, est réputée pour sa stabilité et son miracle économique. Elle bénéfice depuis des décennies de l'afflux de milliards de dollars d'investissement étrangers, notamment dans ses secteurs pétrolier et métallurgique, son sous-sol regorgeant de richesses minérales et fossiles.
Membre de l'Opep+, le Kazaksthan a produit 1,84 million de barils par jour (mbj) en 2021 et devrait augmenter ses extractions à 1,94 mbj en 2022, selon l'Agence internationale de l'énergie. Il dispose de 30 milliards de barils de brut de réserves prouvées, soit 1,7% des réserves mondiales, selon le BP Statistical Review mais aussi de 79.700 milliards de m3 de réserves de gaz naturel, soit 1,2% des réserves mondiales. En 2020, le pays a produit 31,7 milliards de m3, et en a consommé 16,6 milliards de m3. Le restant est exporté vers la Russie et la Chine.
Mais le pays a souffert de la chute des prix du pétrole, qui n'ont commencé à se redresser qu'à partir de la mi-2021; et de la crise économique en Russie, son premier partenaire commercial.
Une croissance économique de 3,7% en 2021
Pourtant, en novembre dernier, le Fonds monétaire international (FMI) se montrait plutôt optimiste : "l'économie du Kasakhstan se remet de la pandémie combinée du Covid et du choc du marché pétrolier", constatait l'institution dans un rapport sur le pays. Après une contraction du PIB - pour la première fois en 20 ans - de 2,5% en 2020, le pays a renoué avec la croissance, en affichant un taux de 3,7% en 2021, qui lui a permis de revenir au niveau de l'avant crise sanitaire, qui devrait s'afficher à 3,9%. Le chômage est resté stable à 5%.
Sur le plan politique, le président Tokaïev doit composer avec l'héritage de Noursoultan Nazarbaïev, qui a régné durant 30 ans sur le pays d'une main de fer. S'il a pris des mesures de soutien à l'activité économique et modéré les prix de produits de première nécessité pour faire face à la crise sanitaire, le retour à la normale s'avère plus délicat. Au-delà de la crise énergétique, il doit procéder à des réformes structurelles, notamment de libéralisation du secteur public, la diversification d'une économie trop dépendante des exportations des hydrocarbures, une lutte contre la corruption et initier une politique de lutte contre le réchauffement climatique, comme le recommande le FMI.