Éducation

Assistants de vie scolaire : « Notre statut est tellement précaire qu’on ne peut même pas faire grève »

Éducation

par Rédaction

Parmi les précaires de l’Éducation nationale il y a les assistants d’éducation et de vie scolaire. Quand les profs absents ne sont pas remplacés, les « AED » prennent en charge leurs classes, payés eu Smic et avec des CDD d’un an. Témoignage.

Julie* [1] 27 ans, est assistante d’éducation et de vie scolaire (AED) depuis quatre ans. Elle a travaillé trois ans en collège avant de rejoindre un lycée en Bretagne cette année. Les assistant de vie scolaires sont chargés de la surveillance des élèves. Mais ils font bien plus : de l’administratif, prendre en charge les élèves quand les professeurs sont absents, voire faire cours à leur place si les établissements ne trouvent ni remplaçants ni vacataires. Julie est payée 1249 euros par mois nets pour un temps plein.

« Le rectorat attribue un crédit d’heures à chaque conseiller principal d’éducation (CPE) pour les assistants de vie scolaire et le CPE gère ensuite les contrats de son équipes avec ce crédit d’heures, avec deux plein temps, un temps partiel... Nous sommes tout le temps en sous-effectif. Quand les professeurs sont absents, ce sont des AED qui prennent en charge leurs élèves, pendant deux, trois semaines, un mois même. Et nous pouvons aussi nous retrouver à leur faire cours. L’année dernière, dans un collège, on m’a demandé de faire des cours d’anglais parce qu’une prof en congé maladie de longue durée n’était pas remplacée. J’ai dit oui, en demandant une rémunération supplémentaire. Mais les AED qui remplacent des profs n’arrivent pas toujours à être payés plus pour le faire. Aujourd’hui, avec les cas contact, les enfants des enseignants malades du Covid, il y a encore plus d’absence des profs. Le temps de trouver un vacataire ou un remplaçant, ce sont les assistants d’éducation qui prennent en chargent les classes.

Nous sommes payés au niveau du Smic. Pour un temps plein, de 41 heures par semaine, je gagne 1249 euros nets. J’ai demandé les aides au logement. Mais je n’y ai pas droit, car le seuil pour y prétendre est de 1210 euros pour une personne seule sans enfant, ce qui est mon cas. Et nous n’avons pas droit à une prime quand nous tavaillons en zone d’éducation prioritaire Rep ou Rep +, au contraire des professeurs. Un assistant d’éducation à mi-temps gagne dans les 600 euros nets, ce n’est vraiment pas grand chose.

Avant, le travail d’assistant d’éducation était plutôt un job d’étudiant. Mais il y a de moins en moins d’étudiant aujourd’hui. Ce sont de plus en plus des gens plus âgés et qui aimeraient bien avoir un contrat pérenne. Aujourd’hui, nous n’avons que des contrats d’un an renouvelable dans une limite de six ans maximum. Dans le jargon, on dit “il me reste un, deux, trois ans de sursis”. Moi, il m’en reste deux. Je les utilise stratégiquement pour préparer le concours pour devenir institutrice.

L’an dernier, il y a eu des mobilisations des assistants d’éducation, qui ont bien pris. Mais notre statut est tellement précaire qu’on ne peut pas vraiment faire grève, car une journée de salaire en moins, c’est 40 euros, c’est un plein d’essence. Et il y a une pression dans les établissement pour qu’on ne fasse pas grève. Car si vous avez plusieurs profs absents, le service de la vie scolaire est là pour faire tourner l’établissement. Mais avec une vie scolaire à l’arrêt, la question se pose de fermer tout simplement l’établissement.

Malgré tout, les AED restent très motivés. On aime être avec nos jeunes. Les élèves nous disent plein de choses qu’elles et ils ne diraient pas à un prof ou à l’infirmière. Nous, ensuite, nous faisons la passerelle. On aime ce qu’on fait, mais ça devient compliqué. »

Recueilli par Rachel Knaebel

Photo : Lors d’une manifestation en 2018. ©Serge d’Ignazio.

Notes

[1Le prénom a été changé.