En 1968, le magazine Variety proclamait que Sidney Poitier «était le plus grand acteur de l’année, blanc ou noir». La consécration pour celui qui fut la première star noire américaine, qui s’est éteinte jeudi à 94 ans. Pour les boomers, Poitier est ce sombre prince charismatique, gracieux, chaleureux, fier, toujours sensible, dur parfois sans être ouvertement menaçant. Un modèle donc, car sans lui pas de (au hasard) Denzel Washington, Forest Whitaker ou Jamie Foxx à Hollywood. Une figure historiquement importante dont la carrière fut parallèle aux secousses de la lutte pour les droits civiques, sans forcément avoir joué dans des chefs-d’œuvre. Poitier sera malgré lui porteur d’une insoluble équation, à l’époque et encore de nos jours : être un Afro-Américain dont sa communauté pourrait être fière car il a réussi, sans pour autant effrayer l’Amérique blanche.
Poitier est né par hasard à Miami de parents fermiers bahamiens qui y étaient venus vendre des légumes – accident heureux qui lui vaut de facto la nationalité américaine et qui lui permettra d’émigrer sans problème en Floride à 15 ans puis de multiplier les petits boulots à New York. Plongeur dans un restaurant, il apprend à déchiffrer l’anglais en lisant les journaux tous les soirs avec un serveur et efface son accent bahamien en imitant les annonceurs à la radio. Il s’engage sous les drapeaux pendant la Seconde Guerre mondiale et est assigné à un hôpital de vétérans où il doit s’occuper des patients en psy