« Patti Smith, la poésie du punk », loin du ghetto

Patti Smith en direct sur WKLS-FM avant de faire la première partie des Rolling Stones le 12 juin 1978 à Atlanta, en Géorgie

Patti Smith en direct sur WKLS-FM avant de faire la première partie des Rolling Stones le 12 juin 1978 à Atlanta, en Géorgie © TOM HILL / WIREIMAGE / GETTY IMAGES

Sélection  Cette hagiographie feint d’ignorer que cette ancienne figure de l’underground new-yorkais a mué depuis en pure icône publicitaire.

C’est un documentaire fasciné et, comme souvent avec les hagiographies, les excès de zèle sautent immédiatement au visage. « En cinquante ans de carrière, Patti Smith a réussi l’exploit de devenir une légende vivante sans jamais quitter la marge », affirme d’emblée le commentaire. Dès lors, reviennent en mémoire une décennie de partenariats entre la chanteuse et l’industrie du luxe, les médias et les festivals où on l’a vue, particulièrement en France, célébrée, commémorée, glorifiée, statufiée, loin, très loin du ghetto arty new-yorkais qui fut son creuset.

Une punk devenue, à son corps défendant ou non, une icône bourgeoise

Sans recul, le film de Sophie Peyrard et Anne Cutaia refuse de voir ce long glissement de l’underground des années 1970 vers l’establishment des années 2010, autrement plus intéressant à raconter qu’une énième balade auprès de la poétesse pour entendre en guise de conclusion réciter tel un lycéen énamouré :

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« Elle représente par sa radicalité l’artiste dans toute son essence, plus que tout, elle incarne un esprit de liberté, celui d’être soi. »

C’est peut-être ça le plus inquiétant : qu’un documentaire relatant la carrière d’une punk devenue, à son corps défendant ou non, une icône bourgeoise emploie les mêmes arguments qu’un des directeurs artistiques de la campagne de publicité pour les bagages Rimowa dans laquelle elle figure. Rien donc sur le fait que les photos de son ex-petit ami Robert Mapplethorpe font l’objet aujourd’hui, elles aussi, d’une folle spéculation entre collectionneurs, musées et fondations ; pas une allusion sur la manière dont le New York crado et dangereux de ses débuts s’est changé en capitale des yuppies et du fric honni par l’artiste. Enfin, mêmes impensés à propos du rock et de la liberté, vantés à longueur d’interviews, devenus eux aussi des arguments marketing. Comme si la chanteuse et son art vivaient hors-sol, comme si son ami Andy Warhol n’avait pas déjà établi la critique de cette impasse il y a quarante ans.

Vendredi 7 janvier à 22h25 sur Arte. Documentaire de Sophie Peyrard et Anne Cutaia (2021). 54 min.

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