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Apple: la petite bulle bleue d'iMessage est devenue un signe de distinction sociale chez les ados

Une personne avec un iPhone.

Une personne avec un iPhone. - Pexels

En différenciant les messages provenant d'un iPhone de ceux provenant d'un smartphone Android, Apple a créé une tendance chez les adolescents, allant parfois jusqu'à l'exclusion sociale.

C'est un argument inattendu dans la concurrence entre Apple et le reste de l'industrie mobile: l'opposition entre la bulle bleue et la bulle verte. Sur les iPhone, les SMS envoyés depuis un smartphone Android apparaissent sur fond vert, contrairement à ceux échangés entre les appareils d'Apple qui s'affichent au sein d'une bulle bleue.

Cette différence, légère mais visible, a suffi pour transformer les utilisateurs d'Android en "parias" du SMS, du moins auprès d'une partie des utilisateurs. Le Wall Street Journal va jusqu'à évoquer un mépris des jeunes utilisateurs d'iPhone pour leurs pairs qui sont affublés de la "petite bulle verte", surtout chez les adolescents.

La différence de couleur.
La différence de couleur. © Apple

La bulle verte de la discorde

Les bulles bleues sont devenues un levier d'influence dans le choix de son smartphone, affirmant la stratégie de fidélisation d'Apple envers ses clients. Cette situation est le fruit d'un débat de longue date. Si Apple a, un temps, songé à proposer iMessage sur les appareils Android - sous la forme d'une application à télécharger, le cap n'a jamais été franchi.

Chez les adolescents américains, la différenciation de couleur est devenu un symbole de statut social, parfois motif d'une légère discrimination. Une étudiante du nom de Grace explique par exemple au Wall Street Journal en avoir été témoin.

"J'ai déjà rencontré des gens qui se sont excusés d'être sous Android et de ne pas avoir iMessage. Je ne sais pas si la propagande d'Apple est en cause, ou si c'est une basique question d'appartenance ou non à un groupe, mais les gens n'ont pas l'air d'apprécier la bulle verte et y réagissent négativement", explique la jeune femme.

"Du vert, c'est dégoutant"

Dans un autre témoignage, une étudiante de 24 ans explique que ses amies et sa soeur se sont moquées de ses conversations avec une potentielle cible amoureuse, pour la simple raison que ses réponses s'affichaient en vert. "Oh mon dieu, ses messages sont verts, c'est dégoutant", s'est exclamée sa soeur.

Dans le même temps, l'étudiante révèle avoir convaincu un ancien petit ami de troquer son smartphone Android pour un iPhone, peu de temps avant que leur relation ne prenne fin.

Cela ne s'arrête pas aux adolescents. Dans la sous-catégorie "datingoverthirty" ("chercher l'amour à trente ans et plus") du réseau social Reddit, un utilisateur ayant pour pseudo Odd_Wash-10-4 explique s'être fait interpeller à ce sujet plusieurs fois par des jeunes femmes lorsqu'il communiquait avec elles par SMS.

"Oh, tu es un 'green texter' m'a-t-on dit à plusieurs reprises", explique-t-il. "Après ça, certaines ont arrêté de me répondre".

Sur les réseaux sociaux, la catégorie des "green texters", les utilisateurs de SMS verts, est désormais associée à une catégorie de personnes ringardes. Cette ostracisation pourrait par ailleurs ne pas être étrangère au prix moyen des smartphones Android, bien moins élevé que celui des iPhone.

Les bulles bleues des SMS d'Apple.
Les bulles bleues des SMS d'Apple. © Apple

Exclusion technologique

Si les déboires de relations amoureuses peuvent faire sourire, parmi les plus jeunes, le fait de ne pas posséder un iPhone a pu aller jusqu'à l'exclusion sociale. Ca a été le cas de Miles Franklin, qui a longtemps possédé un mobile Android.

Au lycée, cette situation était étroitement liée à la popularisation du jeu mobile Game Pigeon, une extension exclusive d'iMessage très populaire dans les cours de récré américaines.

Il s'agit d'une application permettant de lancer plusieurs petits jeux en duo, indisponible sur Android. Miles Franklin explique alors, auprès du WSJ, avoir été, "pour la première fois", exclu d'un groupe en raison de son smartphone, alors que tous ses amis y participaient. Il s'est procuré un iPhone quelques années plus tard.

Subtil mais efficace

La stratégie de fidélisation d'Apple semble avoir porté ses fruits. D'autant plus que la différence de couleur n'est pas la seule exclusivité proposée par l'application de message.

Elle propose plusieurs options qui se sont révélées séduisantes pour un large public, comme la possibilité d'utiliser des memojis, de petits cartoons animés que l'on peut créer à son image.

Parmi les autres fonctions exclusives à iMessage figure la création de groupes de discussion entre plusieurs utilisateurs d'iPhone, un processus qui exclut au passage les utilisateurs Android. L'icône indiquant que l'interlocuteur a lu un message ou est en train d'écrire sont également très populaires.

Des emojis animés sur iMessage.
Des emojis animés sur iMessage. © Elijah Nouvelage / AFP

Ces possibilités constituent autant d'options divertissantes, notamment chez les plus jeunes, qui ont aujourd'hui fait s'imposer la marque en la rendant indispensable pour ses utilisateurs, et excluante pour les autres.

Aujourd'hui, la supériorité d'Apple n'est plus à prouver: début janvier, les résultats d'un sondage réalisé parmi les adolescents américains indiquaient que 87% d'entre eux possédaient un iPhone.

D'autre part, lors du procès qui a opposé Apple au géant du jeu vidéo Epic Games, des documents internes à l'entreprise californienne ont été rendus publics. On y apprenait notamment que les Américains (dès 14 ans) possédant un iPhone sont 85% à utiliser régulièrement iMessage, contre 57% à utiliser Messenger, le service de messagerie instantanée de Facebook disponible sur iOS comme Android.

Victoria Beurnez