La kétamine fait ses preuves pour vaincre l'alcoolisme

Publié le par Alexandra Bresson

Les personnes atteintes de troubles alcooliques graves ont pu rester plus longtemps sobres lorsqu'elles ont été traitées avec de faibles doses de kétamine combinées à une thérapie psychologique dans un essai clinique. Ces premiers résultats prometteurs ouvrent la voie à une nouvelle approche de traitements pour les cas d'alcoolisme les plus sévères.

La kétamine est à l’origine un médicament, dérivé de la phencyclidine, utilisé comme anesthésique général en médecine humaine et animale. Elle se présente sous forme de poudre cristalline blanche, de liquide ou de comprimé ou gélule. Utilisée de façon légitime à des fins médicales, des chercheurs de l'Université d'Exeter lui ont attribué un autre usage thérapeutique, actuellement testé dans une essai de phase II appelé « Ketamine for Reduction of Alcohol Relapse (KARE)». Ce dernier est le premier du genre à examiner si une faible dose de kétamine peut aider les personnes atteintes de troubles alcooliques graves à éviter les rechutes lorsqu'elles suivent en parallèle une thérapie psychologique.

«  Actuellement, il existe peu de traitements efficaces pour l'alcoolisme sévère, qui a un impact dévastateur sur la vie. L'essai KARE a été le premier essai à comparer la kétamine avec et sans thérapie dans n'importe quel contexte de santé mentale », expliquent les chercheurs dont l'essai a été mené en collaboration avec Awakn Life Sciences, une biotech américaine. Les résultats qui viennent d'être publiés dans « l'American Journal of Psychiatry » indiquent que le risque de rechute dans le groupe de participants ayant reçu de la kétamine plus une psychohérapie à six mois était 2,7 fois inférieur au risque de rechute pour ceux ayant reçu un placebo et une éducation à l'arrêt de l'alcool.

Une consommation d'alcool réduite sur plusieurs mois

Concrètement, l'équipe scientifique a découvert que les personnes qui recevaient de la kétamine en association avec un traitement psychologique restaient complètement sobres pendant 162 jours sur 180 au cours de la période de suivi de six mois. Ces patients présentaient également une dépression plus faible après trois mois de traitement et une meilleure fonction hépatique que ceux sous placebo. « C'est extrêmement encourageant, car nous voyons normalement trois personnes sur quatre reprendre une consommation excessive d'alcool dans les six mois suivant l'arrêt de l'alcool, ce résultat représente donc une grande amélioration. », ajoute Celia Morgan, responsable de l'essai KARE.

Avant l'essai, les participants buvaient tous les jours, consommant en moyenne l'équivalent de 50 pintes de bière forte par semaine. Mais ceux ayant reçu de la kétamine et une thérapie ont bu au-delà des directives recommandées pendant seulement cinq jours au total au cours de la période d'essai de six mois en moyenne. « Le nombre de décès liés à l'alcool a doublé depuis le début de la pandémie de COVID-19, ce qui signifie que de nouveaux traitements sont nécessaires plus que jamais. L'usage de la kétamine chez les alcooliques avait suscité des inquiétudes en raison de problèmes de foie, mais l'étude montre qu'elle est sûre et bien tolérée dans des conditions cliniques. », ajoute le Pr Morgan.

La clé : reconsidérer sa relation avec l'alcool

Le traitement a consisté à recevoir trois perfusions de kétamine sur trois semaines avec une dernière séance de thérapie la quatrième semaine. Etant donné qu'il s'agissait d'un essai clinique de phase II pour tester principalement la sécurité et la faisabilité du traitement, l'équipe scientifique souhaite mener une étude sur un échantillon de participants plus important pour confirmer ses effets sur des personnes pour lesquelles les traitements existants ne fonctionnent pas. « Nous ne préconisons pas de prendre de la kétamine en dehors d'un contexte clinique. C'est la combinaison d'une faible dose et d'une thérapie psychologique appropriée qui est la clé, tout comme l'expertise et le soutien du personnel clinique. »

Pourquoi cette thérapie s'avère-t-elle efficace ? Les témoignages des participants montrent qu'une très faible dose de kétamine induit un sentiment d'être en dehors du corps qui peut stimuler un « état d'observateur » similaire à celui décrit dans la pleine conscience, pour prendre du recul et reconsidérer ses pensées et émotions. Une expérience qui les aide à changer leur relation avec l'alcool. « La kétamine étant un médicament autorisé, nous pouvons offrir ce traitement maintenant dans nos cliniques et par le biais de partenariats, ce qui représente un changement radical dans l'industrie du traitement de la dépendance à l'alcool. », conclut Anthony Tennyson, le directeur général de la société Awakn.

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