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«Mais l’objectif n’est pas d’être visible, poursuit l’activiste. Le message est plus important que le messager. Les inégalités entre riches et pauvres se creusent encore un peu plus chaque année.» L’édition 2022 entend mettre l’accent sur les inégalités exacerbées par le Covid-19 et appelle les autorités à prendre des actions d’urgence. Il ajoute: «Ce n’est pas de la démagogie, mais un appel à la solidarité et à plus de justice sociale.»
«Nous n’inventons pas les chiffres»
Mais peut-on comparer des pommes et des poires? Selon Oxfam, il est normal de parler par exemple de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, dont la fortune a augmenté pendant ces deux dernières années à cause de l’explosion du commerce en ligne. Car en même temps, ses collaborateurs continuent de travailler dans des conditions déplorables et sans droit de se syndiquer.
«Nous n’inventons pas les chiffres, poursuit Roland Chauville. Nous les reprenons notamment des rapports et études du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, d’UBS ou encore de l’OCDE.» Le rapport 2022 est long de 32 pages, sans compter les 312 références et sources étalées sur 15 pages. Pour un rapport qui est publié en janvier, Oxfam se met à l’ouvrage dès le printemps précédent. Une dizaine de personnes y travaillent à plein temps. Au total, ce sont une cinquantaine de collaborateurs qui mettent la main à la pâte.
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L’information sur les dix personnes les plus riches paraît dans l’édition de décembre du magazine américain Forbes qui publie régulière le hit-parade de grosses fortunes dans le monde. En ce qui concerne la première, celle d’Elon Musk, elle est passée de 24 milliards de dollars en mars 2020 à 294 milliards en octobre 2021. Les dix plus grandes fortunes sont passées de 691 milliards de dollars à 1512 milliards, soit +119%. Dans l’ensemble, Oxfam relève que «les 2755 milliardaires au monde ont vu leur fortune augmenter davantage lors de la pandémie du Covid-19 qu’au cours des quatorze dernières années, qui avaient déjà été une aubaine pour les milliardaires».
Un impôt exceptionnel
Oxfam a puisé la deuxième information, celle sur le 99% de la population mondiale dont les revenus ont baissé par rapport aux prévisions à cause de la crise sanitaire, auprès de la Banque mondiale. «Nous ne disons pas autre chose que ce qu’affirment déjà plusieurs institutions (FMI, Banque mondiale, OCDE) qui ont toutes estimé que la pandémie avait creusé les inégalités partout dans le monde», dit Roland Chauville.
En conclusion, Oxfam propose un impôt sur les richesses amassées pendant la pandémie. A titre d’exemple, un impôt exceptionnel de 99% sur les dix hommes les plus riches au monde, «ce qui permettrait de financer suffisamment de vaccins anti-covid pour immuniser le monde entier, de financer des mesures climatiques et réduire les émissions de gaz à effet de serre, la protection sociale et la santé universelle. En fin de compte, il leur resterait encore quelque 8 milliards de dollars de plus qu’avant la pandémie.»
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Une proposition farfelue? Pas tant que ça. En 2019, le milliardaire américain Warren Buffett – 10e fortune au monde selon le classement de Forbes – déplorait que les riches, y compris lui-même, ne payassent pas assez d’impôts. «Le fait est que le taux d’imposition des entreprises et des ménages, en particulier des milliardaires, n’ont pas cessé de baisser durant les quarante dernières années sur fond de concurrence fiscale entre pays», relève encore le représentant d’Oxfam.
Jayanti Ghosh, professeure d’économie aux Etats-Unis et membre du Conseil sur l’économie de la santé pour tous de l’Organisation mondiale de la Santé, a signé l’avant-propos du rapport 2022 d’Oxfam. Elle affirme qu’il est temps que de nouvelles politiques fiscales qui taxent la fortune et les multinationales soient mises en place.
Pour son rapport 2022, Oxfam se réfère aussi au World Inequality Report 2022, publié en décembre dernier. Celui-ci dresse aussi un état des lieux des inégalités dans le monde. Coordonné par l’économiste français Lucas Chancel, avec la participation de son compère Thomas Piketty, le rapport milite aussi pour la mise en place d’une imposition progressive du patrimoine à l’échelle mondiale, ainsi que d’un registre financier international afin d’agir contre l’évasion fiscale.