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Au Soudan, des manifestations contre le pouvoir réprimées par des forces de sécurité déployées en masse à Kartoum

Sept personnes ont été tuées lors de la contestation contre le régime du général Abdel Fattah Al-Bourhane, issu du coup d’Etat du 25 octobre.

Le Monde avec AFP

Publié le 17 janvier 2022 à 10h09, modifié le 18 janvier 2022 à 10h17

Temps de Lecture 5 min.

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Un manifestant soudanais tient une grenade lacrymogène tirée par les forces de sécurité, à Khartoum, le 17 janvier 2022.

Ils étaient de nouveau des milliers à manifester au Soudan. Pour dénoncer le pouvoir militaire, les partisans d’un pouvoir civil ont bravé, lundi 17 janvier, les forces de sécurité déployées en masse dans la capitale, Khartoum.

Pour la première fois, les forces de sécurité soudanaises ont utilisé des armes lourdes. Des mitrailleuses étaient visibles sur leurs véhicules. Au milieu des grenades lacrymogènes, des grenades assourdissantes et des tirs des canons à eau, plusieurs manifestants blessés se sont écroulés ; certains asphyxiés par le gaz lacrymogène, d’autres en sang après avoir été touchés de plein fouet par les grenades. Des médecins ont annoncé, lundi après-midi, que sept manifestants avaient été tués, fauchés par des tirs à balles réelles, portant le bilan de la répression à au moins 71 morts depuis la fin d’octobre.

Les Etats-Unis envoient des émissaires

L’émissaire des Nations unies au Soudan, Volker Perthes, a condamné « l’utilisation continue de balles réelles » pour réprimer les manifestations, et confirmé qu’au moins sept personnes ont été tuées et « des dizaines blessées ».

L’ambassade américaine à Khartoum a critiqué « les tactiques violentes des forces de sécurité soudanaises », et Washington a fait part de son inquiétude. « Nous sommes préoccupés par les informations faisant état d’une escalade de la violence contre les manifestants au Soudan », a tweeté le porte-parole du département d’Etat Ned Price.

Il a ajouté que la secrétaire d’Etat adjointe pour l’Afrique, Molly Phee, et le nouvel émissaire américain pour la corne de l’Afrique, David Satterfield, « sont en route pour Khartoum et vont réitérer notre appel aux forces de sécurité pour qu’elles mettent fin à la violence et respectent la liberté d’expression et de réunion pacifique », a-t-il ajouté.

Depuis que le général Abdel Fattah Al-Bourhane, chef de l’armée, a mené un coup d’Etat le 25 octobre, le pays ne cesse de s’enfoncer dans la violence. Un général de brigade a été poignardé à mort lors de récentes manifestations, tandis que les forces de sécurité tirent, parfois à balles réelles, sur les manifestants.

Lundi, les violences à Khartoum se sont concentrées aux abords du palais présidentiel, l’ancien quartier général du dictateur Omar Al-Bachir, démis en 2019 sous la pression d’un soulèvement populaire, où siègent aujourd’hui les autorités de transition. Les forces de l’ordre ont tenté d’empêcher les manifestants de s’en approcher, les poursuivant parfois dans les rues environnantes.

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Si les forces de sécurité quadrillent Khartoum et ses alentours, en revanche – et pour la première fois –, elles n’ont pas bloqué l’ensemble des ponts reliant la capitale soudanaise à ses banlieues sur l’autre rive du Nil.

Blocage dans le nord du pays dimanche

Le pouvoir militaire était déjà dans le viseur de la contestation dimanche. A Khartoum, des dizaines de médecins en blouse blanche ont remis au parquet général deux rapports sur des attaques contre des blessés, des médecins et des hôpitaux dans la répression tous azimuts des manifestants protestant contre le putsch du 25 octobre.

Dans le nord du pays, dimanche, les Soudanais ont également manifesté contre la cherté de la vie – le Soudan est l’un des pays les plus pauvres du monde. La semaine dernière, le ministère des finances a annoncé doubler le prix du kilowatt d’électricité mais, compte tenu du tollé que cette annonce a suscité, le pouvoir militaire a gelé sa décision.

Malgré la reculade, des centaines de manifestants ont bloqué les routes du nord, notamment vers l’Egypte, pour réclamer une annulation pure et simple de cette augmentation. Ils ont interdit le passage de tout véhicule « tant que les autorités n’auront pas annulé cette augmentation car elle signe l’acte de décès de notre agriculture », affirme à l’Agence France-Presse (AFP) Hassan Idriss, un manifestant.

Toute augmentation ou suppression des subventions étatiques sur les produits de base peut mener au pire au Soudan, où les 45 millions d’habitants doivent déjà composer avec une inflation avoisinant 400 % et où, selon l’Organisation des Nations unies (ONU), en 2022, 30 % des Soudanais auront besoin d’aide humanitaire. En 2018, la révolte – qui renversa l’année suivante le président Al-Bachir – avait été déclenchée par une décision du gouvernement de tripler le prix du pain.

« Intimidation » de la presse

Le chef de la diplomatie sous M. Al-Bachir, Ibrahim Ghandour, et « d’autres codétenus » ont entamé une grève de la faim qu’ils ne cesseront qu’une fois libérés ou présentés devant un « tribunal impartial », selon leurs proches. Récemment, le parquet a ordonné la libération de plusieurs responsables du régime de M. Al-Bachir, mais le général Al-Bourhane, seul aux commandes du Soudan, a ordonné leur maintien en détention.

« C’est la première interférence dans les affaires judiciaires de l’histoire de notre pays », s’est insurgée la famille de M. Ghandour alors que le général Al-Bourhane est accusé par les manifestants de chercher à réimposer les hommes du régime déchu, dont il est lui-même issu.

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Avant les manifestations de lundi, le ministère de l’information avait retiré l’accréditation d’Al-Jazira Live, une chaîne qatarie, l’accusant de « couverture non professionnelle » visant à « déchirer le tissu soudanais ». En novembre, le chef du bureau d’Al-Jazira à Khartoum, le Soudanais Al-Moussalami Al-Kabbachi, avait été détenu trois jours sans aucune charge retenue contre lui.

L’ambassade des Etats-Unis à Khartoum a dénoncé « un pas en arrière », tandis qu’Al-Jazira a évoqué sur Twitter une « intimidation », appelant « les autorités à autoriser son équipe à reprendre le travail ». En décembre, le bureau d’une chaîne financée par Riyad, Al-Arabiya, a été attaqué par des officiers, ses journalistes tabassés et ses équipements saisis. Et d’autres journalistes ont rapporté avoir été arrêtés ou attaqués en couvrant les manifestations.

Avant le putsch, le Soudan était 159e (sur 180 pays) au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. L’ONU considère qu’il est aujourd’hui « de plus en plus hostile aux journalistes ».

Le Monde avec AFP

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