Les premiers “tirs nourris” ont éclaté au milieu de la nuit de samedi à dimanche à Ouagadougou, et se sont poursuivis dans la journée dans plusieurs casernes de la capitale et en province, selon la presse burkinabée.

Si le calme semblait être revenu dans la soirée, les rumeurs de coup d’État se sont immédiatement répandues sur les réseaux sociaux, avant d’être démenties par le gouvernement, rapporte Wakat Séra. L’exécutif a reconnu l’existence des tirs, mais assuré que les militaires ne cherchaient pas “à prendre le pouvoir”. Il a appelé “les populations à rester sereines” et instauré un couvre-feu nocturne jusqu’à nouvel ordre.

Le ministre de la Défense, Barthélémy Simporé, a affirmé plus tard dans la journée qu’“aucune institution de la République [n’avait] pour l’instant été inquiétée”, et qualifié les mutineries d’incidents “locaux”, limités à “quelques casernes”, selon la Deutsche Welle.

Les mutins dénoncent notamment “le mauvais équipement des soldats, la mauvaise prise en charge des blessés et des familles des victimes dans la lutte contre le terrorisme”, rapporte le titre burkinabé Courrier confidentiel. En revanche, “pour le moment”, le départ du président Roch Marc Christian Kaboré ne ferait pas partie des revendications.

Exaspération

Depuis 2015, le Burkina Faso est le théâtre d’attaques djihadistes ayant fait plus de 2 000 morts et poussé 1,5 million de personnes à abandonner leur foyer. Une situation qui exaspère l’ensemble de la population – militaire et civile – et nourrit la contestation contre le président Kaboré.

De fait, les événements de dimanche survenaient au lendemain d’une énième journée de protestation contre le pouvoir. Et d’après les témoignages recueillis à Ouagadougou par Aujourd’hui au Faso, de nombreux manifestants sont redescendus dans les rues dimanche pour soutenir les mutins.

“On en a assez vu, on ne veut pas des pleurs, on ne veut pas des orphelins. On en a assez vu, le président doit partir. Il doit partir, nous soutenons les soldats. Ils doivent résister”, a déclaré Abdoulaye Kanazoé, un “partisan de la révolte”.

“Nous avons entendu que l’armée va prendre le pouvoir et nous soutenons l’armée. Demain, après-demain et même avant demain, nous soutenons l’armée”, a ajouté un autre manifestant, sous couvert d’anonymat.

Sécuriser le pays

Le New York Times observe que, malgré les appels au calme et les assurances que les militaires ne cherchent pas à renverser le pouvoir – dans un pays tristement habitué aux coups d’État –, “l’autorité du gouvernement a été fortement ébranlée” dimanche. Un avis partagé par le journaliste d’Al-Jazeera Henry Wilkins, qui n’est guère convaincu que la mutinerie soit vraiment “sous contrôle”.

“Cela ne semble pas se transformer en coup d’État à grande échelle” mais “la mutinerie est toujours en cours”, déclare-t-il. “Et nous entendons maintenant que les mutins pourraient embrayer sur une deuxième journée, et peut-être même s’unir aux manifestants qui ont essayé de se rassembler [dimanche] dans le centre de Ouagadougou, mais ont été dispersés par la police à coups de gaz lacrymogène.”

Dans son éditorial, Le Pays estime que, même sans aller jusqu’au coup d’État, “une mutinerie n’est pas une bonne chose. Car elle renvoie du Burkina l’image d’un pays anormal. Et l’impact sur la lutte contre le terrorisme risque d’être désastreux.”

Le quotidien burkinabé exhorte le président Kaboré à “prendre conscience, s’il ne l’a pas encore fait, que son armée, à l’image de son pays, va très mal. De ce point de vue, il doit travailler à réparer les torts et les manquements dont ont pu être victimes les soldats”. Et d’ajouter : “Au-delà de l’armée, il doit tout faire pour répondre, dans les meilleurs délais, aux grandes attentes de son peuple. L’une d’elles est la sécurisation du pays. Jusqu’à présent, les différents gouvernements qu’il a mis en place n’ont pas donné satisfaction.”