En Méditerranée, le réchauffement des eaux entraîne les coraux vers l’extinction

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Crédits : Public Domain / CC0.

Une étude portant sur la réponse des coraux méditerranéens à la multiplication des épisodes de chaleur a récemment mis en évidence une tendance à l’effondrement des populations. Ces résultats sans précédent ont été publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society B le 22 décembre dernier.

Le réchauffement des océans affecte d’ores et déjà la vie marine, et ce, de façon parfois spectaculaire. Parmi les formes de vie les plus exposées, on trouve les populations et récifs coralliens. Toutefois, comme les coraux sont des organismes à fonctionnement relativement lent, la caractérisation de leur capacité à récupérer d’un extrême de chaleur donné demande de longues séries d’observations.

Des espèces de coraux emblématiques en voie d’extinction

Dans ce contexte, un groupe de chercheurs a récemment étudié la réaction de deux espèces de coraux emblématiques des côtes méditerranéennes à la canicule de 2003. Grâce à un suivi prolongé sur quinze ans, les scientifiques ont trouvé qu’en plus du pic de mortalité observé au moment de la vague de chaleur, les coraux ne s’en étaient pour ainsi dire jamais remis. Pire, on observe une tendance au déclin des populations sur les cinq sites de la Réserve naturelle de Scandola placés sous surveillance.

En effet, les données recueillies sur la période 2003-2018 rapportent une perte de biomasse de 80 % pour les populations de gorgones rouges et de plus de 90 % pour le corail rouge. À ce titre, les récifs pris en compte dans le cadre de l’étude peuvent être considérés comme quasiment éteints d’un point de vue du fonctionnement de l’écosystème corallien.

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Évolution des anomalies de température de la mer à la Réserve naturelle de Scandola. En gris, le nombre de jours en vague de chaleur marine déduit de la température à la surface de la mer sur la période 1982-2018 . En rouge, le nombre de jours en chaleur extrême (température de 23 °C ou plus sur les 20 premiers mètres d’océan) calculé à partir de 2004 seulement, année où ont débuté les mesures in situ (zone ombrée). Les années marquées par un astérisque ont enregistré une température journalière de l’eau de 25 °C ou plus. Crédits : D. Gómez-Gras & coll. 2021.

« Ces données sont inquiétantes pour la conservation de ces espèces emblématiques et elles indiquent que les effets de la crise climatique s’accélèrent avec des conséquences évidentes pour les paysages sous-marins, où la perte de corail équivaut à la perte d’arbres dans les forêts », rapporte Joaquim Garrabou, coauteur du papier. Il s’agit de l’une des rares études à évaluer la réponse des coraux à la chaleur extrême sur le long terme et la première en ce qui a trait aux espèces méditerranéennes.

Un rétablissement entravé par une exposition récurrente aux vagues de chaleur

On peut se demander quelles sont les raisons qui expliquent un tel manque de résilience sur le long terme. Selon les chercheurs, la réponse se trouve dans le fait que les conditions climatiques ne reviennent pas suffisamment longtemps à leur état de référence. Au contraire, les épisodes de chaleur extrême se succèdent à un rythme bien trop rapide pour que les coraux puissent récupérer. Au lieu de progressivement s’en remettre, ces espèces à dynamique lente encaissent coup sur coup jusqu’à se rapprocher de l’extinction.

Aussi, après la vague de chaleur marine de 2003 est survenue celle de 2006 puis celles de 2009, 2014, 2016, 2017 ou encore 2018. « Pendant ces canicules, les conditions de température dans la zone étudiée ont atteint des niveaux extrêmes incompatibles avec la survie de ces coraux, ce qui a probablement causé de nouveaux événements de mortalité sur des populations déjà décimées et rendu la récupération impossible », détaille Cristina Linares, coauteure de l’étude.

Un point positif cependant : toutes les populations de coraux méditerranéennes ne sont pas sujettes au schéma d’évolution décrit dans le cadre de cette étude, et ce, même si l’on tient compte du fait que les vagues de chaleur deviendront plus fréquentes au cours des prochaines décennies. Tout n’est donc pas perdu, mais « il est urgent de mettre en œuvre des mesures plus fortes contre la crise climatique avant que la perte de biodiversité ne devienne irremplaçable », rappellent à juste titre les auteurs.