Le moral des jeunes au plus bas depuis 6 ans

Le moral des jeunes au plus bas depuis 6 ans
© Pixabay

Près de la moitié des jeunes de 18 à 30 ans ont eu un état d’esprit négatif en 2021, selon le Baromètre sur la jeunesse, publié vendredi 21 janvier. Solitude, anxiété, dépression :  la pandémie a renforcé des troubles pré-existants qui pèsent principalement sur les femmes. 

45%

C’est la part des jeunes de 18 à 30 ans qui déclarent avoir un état d’esprit négatif, selon les résultats du Baromètre sur la jeunesse, publié vendredi 21 janvier. Réalisé par la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative du ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et de sports (DJEPVA) et l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), le rapport pointe du doigt un « pessimisme [qui] témoigne de l’impact de la crise sanitaire sur la jeunesse ».

En 2020, les jeunes interrogés avant et au début du premier confinement s’étaient montré plus enjoués, 53 % d’entre eux affichant un état d’esprit positif. En augmentation de 7 points par rapport à l’année précédente, cette « vague d’optimisme » a finalement reculé en 2021. Aujourd’hui, ce ne sont plus que 46 % des jeunes qui déclarent avoir un état d’esprit positif. Ces résultats découlent directement de la crise sanitaire, alors que près d’un jeune sur deux considère que la pandémie est une période particulièrement pénible à vivre.

« Les difficultés d’ordre psychologique l’emportent sur les difficultés socio-économiques »
Auteurs du Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2021

La santé mentale, bombe à retardement de la pandémie

Si les pertes d’argent ou de logement des jeunes ont beaucoup fait réagir dès le premier confinement en mars 2020 – alors que 30 % des 18–30 ans ont subi une baisse de revenus à cause de la crise en l’espace d’un mois – la question de la santé mentale, elle, a mis plus de temps à se faire une place dans le débat public et médiatique. Pourtant, ce sont bien « les difficultés d’ordre psychologique [qui] l’emportent sur les difficultés socio-économiques », selon les auteurs du rapport. Alors qu’un peu moins d’un jeune sur trois indique avoir perdu son emploi au cours de l’année écoulée – 21 % d’entre eux le reliant directement à la crise sanitaire – 63 % des 18–30 ans déclarent souffrir d’un manque de contact avec leurs amis et connaissances. 

Tant et si bien que 41% expriment ressentir un sentiment fréquent de solitude. « La solitude renvoie principalement à un sentiment d’inexistence, à l’impression de ne pas « exister » suffisamment », explique à la Fondation de France Cécile Van de Velde, professeure de sociologie à l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les inégalités sociales et les parcours de vie. « On peut en distinguer plusieurs formes : ne pas exister vis-à-vis de l’autre (relationnelle), vis-à-vis de soi (existentielle), et vis-à-vis de la société (sociale). Dans ce dernier cas, la personne ressent un sentiment d’inutilité, très douloureux. Le danger, c’est le cumul des trois : ce sont les grandes solitudes, qui se traduisent par une impression d’invisibilité et mènent à l’effacement social », alerte-t-elle. Ce sentiment de solitude accru est notamment l’un des facteurs de l’augmentation du nombre de dépressions. Selon l’étude sur la santé mentale de Santé publique France, 31,5 % des jeunes souffraient de syndromes dépressifs à dater de février 2021, contre 12 % en juin-juillet 2020.

« Difficultés à suivre son cursus scolaire ou à étudier à distance, complexité à trouver un stage ou un premier emploi, diminution des petits jobs, les raisons de s’inquiéter pour son avenir, notamment professionnel, sont nombreuses »
Auteurs du Baromètre DJEPVA sur la jeunesse 2021

La difficulté à se projeter dans l’avenir y est aussi pour quelque chose. Quatre jeunes sur dix considèrent que leur vie actuelle ne correspond pas à leurs attentes. Cette proportion est en recul de 6 points par rapport à 2020 et à son plus bas niveau depuis l’introduction de la mesure il y a six ans. Avec l’instauration du télétravail et des cours à distance ainsi que l’affaiblissement des liens sociaux, la perte de repères se fait plus grande. « Difficultés à suivre son cursus scolaire ou à étudier à distance, complexité à trouver un stage ou un premier emploi, diminution des petits jobs, les raisons de s’inquiéter pour son avenir, notamment professionnel, sont nombreuses », avancent les auteurs du rapport. 

Ces embûches s’accumulent sur le long terme et ternissent les perspectives des jeunes. Sur TikTok, une trend de flashback sur les débuts de la pandémie a pris de l’ampleur ces dernières semaines. Cumulant plus d’une centaine de vidéos sous le titre « Quand le Covid a commencé, j’avais 14 ans », cette tendance a été lancée par des adolescents ironisant ou s’attristant de leur sort à l’approche du deuxième anniversaire du confinement de mars 2020. Accolant des photos et vidéos d’eux à l’âge de 14 ans à d’autres plus récentes, sur un fond de musique nostalgique, ces utilisateurs témoignent d’un temps qui se fait long et qui devient pesant. « J’espère que ça va s’arrêter un jour », écrit par exemple Morgane sous sa vidéo.

Un impact psychologique genré

Les auteurs du rapport soulignent par ailleurs que la détresse psychologique qui a découlé de la crise sanitaire a plus particulièrement touché les femmes. « De façon structurelle, les jeunes hommes sont bien plus imprégnés d’un état d’esprit globalement positif que les femmes », remarquent les auteurs du rapport. Et d’ajouter : « Cette différence genrée s’est accentuée par rapport à 2020, avec un état d’esprit négatif qui progresse particulièrement chez les jeunes femmes ». En 2021, 33 % des jeunes hommes ont eu un état d’esprit globalement négatif contre une majorité de femmes entre 18 et 30 ans (56 %).

Les auteurs du Baromètre relèvent une raison principale à cette différenciation : le poids genré des normes sociales. « L’INSERM explique ainsi que « les codes sociaux de la féminité (fragilité, sensibilité, expression verbale) et de la masculinité (virilité, résistance au mal, prise de risque) jouent un rôle dans l’expression des symptômes, le rapport au corps et le recours aux soins », avancent-ils dans le rapport. Déjà avant la pandémie, l’anxiété était deux fois plus importante chez les femmes selon l’étude de l’INSERM, « Genre et santé », publiée en 2017.

Si les troubles et difficultés psychologiques n’ont cessé d’augmenter durant la pandémie, soulignant l’importance de la prise en charge de la santé mentale des plus jeunes notamment, les différents gouvernements du monde apportent une réponse très faible. Bien que 89 % des pays indiquent, dans une enquête menée par l’ONU en octobre 2020, que la santé mentale et le soutien psychosocial font partie de leurs plans nationaux de réponse au Covid-19, seuls 17 % d’entre eux disposent d’un financement supplémentaire complet pour couvrir ces activités. 

Un vide dont s’est saisi l’Institut Montaigne qui a publié la note « Santé 2022 : tout un programme » en vue de nourrir les débats sur la santé de la prochaine élection présidentielle. « La crise liée au Covid a vraiment été l’opportunité de mettre sur le devant de la scène l’ensemble des difficultés que traverse notre système de santé. Il y a eu une prise de conscience des citoyens et des décideurs », explique Laure Millet, auteure de la note, à l’Express. Et de conclure : « Mais finalement, au-delà de la gestion sanitaire, on parle assez peu des réformes structurelles qui permettraient à la fois de répondre à la perte de sens à laquelle font face les soignants et aux difficultés d’accès aux soins de la population ».

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