Violences conjugales : les propos de Gérald Darmanin sur le dépôt « systématique » de plaintes sont-ils justes ?

Gérald Darmanin, invité ce mardi 25 janvier de la matinale de France Inter pour évoquer son bilan au ministère de l’intérieur.

Gérald Darmanin, invité ce mardi 25 janvier de la matinale de France Inter pour évoquer son bilan au ministère de l’intérieur. FRANCE INTER

Le ministre de l’Intérieur a affirmé que les poursuites judiciaires en cas de violences au sein du couple étaient « systématiques ». Un constat largement démenti par les chiffres et les témoignages recueillis par les associations féministes.

Invité ce mardi 25 janvier dans la matinale de France-Inter pour défendre le bilan du ministère de l’Intérieur, Gérald Darmanin a notamment vanté les mesures prises dans le cadre de violences au sein du couple et affirmé que « les femmes qui sont psychologiquement ou physiquement atteintes par leur compagnon déposent plainte systématiquement » et que « systématiquement il y a désormais des gardes à vue […] et des poursuites judiciaires ».

Des propos raillés sur les réseaux sociaux et qualifiés de « mensongers » par la militante féministe Caroline De Haas. Plusieurs études réalisées ces dernières années prouvent également l’inverse.

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À peine une femme sur deux

Contrairement à ce qu’a affirmé le ministre, le dépôt de plainte en cas de violences au sein du couple n’a rien de systématique. En moyenne, on dénombre 213 000 femmes victimes de violences par an, selon une étude réalisée par #NousToutes entre 2011 et 2018. En 2019, on dénombrait seulement 142 000 signalements de violences par an, tout sexe confondus. Parmi ces signalements, 88 % émanaient de femmes, ce qui amène le nombre de plaintes déposées pour violences au sein du couple à moins de 125 000 par an, soit à peine plus d’une femme sur deux qui porte plainte.

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Un constat qui pourrait s’expliquer par notamment la mauvaise prise en charge des victimes de violences par les policiers et les gendarmes qui peut les empêcher de déposer plainte. Et, par conséquent, réduire le nombre de plaintes prises en compte par la justice. Le ministère de l’Intérieur avait déjà affirmé en 2020 que « 90 % des femmes ayant porté plainte en 2020 pour des faits de violences conjugales étaient satisfaites de l’accueil en commissariats et gendarmeries », un chiffre en « total décalage avec la réalité de terrain à laquelle les associations féministes sont confrontées », indiquait #NousToutes dans un rapport visant à évaluer la proportion de femmes mal accueillies dans les commissariats.

À l’issue de l’enquête, 66 % des répondantes affirmaient avoir été mal prises en charge par la police alors qu’elles souhaitaient porter plainte pour dénoncer des violences sexuelles. 43,7 % des répondants souhaitaient dénoncer des violences au sein de leur couple. La mauvaise prise en charge des plaignantes pour violences sexuelles ou au sein du couple avait notamment été dénoncée sur les réseaux sociaux avec le mot-dièse #DoublePeine.

Des poursuites judiciaires encore rares

Autres propos du ministre ce mardi matin : selon Gérald Darmanin, il y aurait désormais « systématiquement » des poursuites judiciaires et des mises en garde à vue. Des « mensonges » pour la militante féministe Caroline De Haas, qui rappelle que les plaintes déposées pour dénoncer des violences sexuelles entraînent rarement des poursuites.

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Même constat avec les gardes à vues, qui ne sauraient être systématiques puisque de nombreuses plaintes ne sont pas transmises au procureur ou sont classées sans suite. Dans le cadre d’une enquête menée sur 88 féminicides, le ministère de la Justice révélait que 29 % des plaintes n’étaient pas transmises au procureur par la police. Un chiffre qui vient s’ajouter aux affirmations de Brigitte Grési, présidente du Haut Conseil à l’Egalité entre les Hommes et les Femmes, qui dévoilait dans un rapport que « seulement 18 % des mains courantes donnent lieu à des investigations » et que « 80 % des plaintes sont classées sans suite ».

Comment expliquer un tel décalage entre les propos du ministre et les chiffres des associations ? Pour Caroline De Haas, affirmer que les politiques mises en œuvre en matière de violences au sein du couple fonctionnent est un moyen de ne pas agir : « Faire croire que ces politiques sont efficaces, c’est dire qu’il n’y a pas besoin d’en faire de nouvelles, donc organiser l’inaction de l’Etat. »

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